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19/06/1996 | FRANCE | N°141273

France | France, Conseil d'État, 10 / 7 ssr, 19 juin 1996, 141273


Vu 1°), sous le n° 141 273, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 15 septembre 1992 et 12 janvier 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Roland X... de LA BATIE, demeurant ... ; M. DEJEAN de LA BATIE demande que le Conseil d'Etat annule le jugement en date du 7 juillet 1992, par lequel le tribunal administratif de Papeete a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 mai 1991, par lequel le président du Territoire de la Polynésie Française a mis fin à son détachement, ainsi que de la décision du 16 av

ril 1991 du président du Territoire demandant qu'il soit mis fin à...

Vu 1°), sous le n° 141 273, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 15 septembre 1992 et 12 janvier 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Roland X... de LA BATIE, demeurant ... ; M. DEJEAN de LA BATIE demande que le Conseil d'Etat annule le jugement en date du 7 juillet 1992, par lequel le tribunal administratif de Papeete a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 mai 1991, par lequel le président du Territoire de la Polynésie Française a mis fin à son détachement, ainsi que de la décision du 16 avril 1991 du président du Territoire demandant qu'il soit mis fin à son détachement ;
Vu 2°), enregistrée sous le n° 153 149 le 4 novembre 1993, l'ordonnance par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Paris transmet au Conseil d'Etat, par application de l'article R. 74 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la requête de M. Roland DEJEAN de LA BATIE ;
Vu, enregistré le 1er février 1993 au greffe de la cour administrative d'appel de Paris, la requête présentée par M. DEJEAN de LA BATIE ; il demande :
- l'annulation du jugement du tribunal administratif de Papeete en date du 10 novembre 1992 rejetant sa demande tendant à ce que le Territoire de la Polynésie Française soit condamné à lui verser une somme de 5 008 907 FCP avec intérêts de droit capitalisés à compterdu 31 mai 1991, en réparation du préjudice subi du fait de l'arrêté du 31 mai 1991 mettant fin à son détachement ;
- la condamnation du Territoire à lui verser ladite indemnité avec intérêts de droits à compter du 17 septembre 1991 et capitalisation à la date du recours ;
- la condamnation du Territoire à lui payer une somme de 8 302 F, au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 30 juin 1950 et le décret n° 51-511 du 5 mai 1951 ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 84-820 du 6 septembre 1984 modifiée, portant statut de la Polynésie Française ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Pêcheur, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Roger, avocat de M. Roland X... de LA BATIE et de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat du président du Gouvernement du Territoire de la Polynésie française,
- les conclusions de M. Combrexelle, Commissaire du gouvernement ;

Sur la connexité :
Considérant que M. DEJEAN de LA BATIE demande au Conseil d'Etat, par la requête enregistrée sous le numéro 141 273, l'annulation du jugement en date du 7 juillet 1992, par lequel le tribunal administratif de Papeete a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du président du Territoire de la Polynésie Française mettant fin à son détachement ; que, par une seconde requête, adressée à la cour administrative d'appel de Paris, il demande l'annulation du jugement en date du 10 novembre 1992, par lequel le tribunal administratif de Papeete a rejeté ses conclusions tendant à la réparation du préjudice lié à cette décision ; qu'ainsi, entre la demande formée devant la cour administrative d'appel et qui a été renvoyée au Conseild'Etat par ordonnance du président de cette cour, et l'appel présenté devant le Conseil d'Etat par M. DEJEAN de LA BATIE, il existe un lien de connexité ; qu'il y a lieu, en conséquence, de statuer sur la demande renvoyée au Conseil d'Etat et de joindre les requêtes numéros 141 273 et 153 149 ;
Sur la régularité du jugement du 7 juillet 1992 :
Considérant qu'eu égard à l'argumentation qu'il a présentée, M. DEJEAN de LA BATIE doit être considéré comme ayant présenté des conclusions tendant à l'annulation de la demande en date du 16 avril 1991, par laquelle le président du gouvernement de la Polynésie Française a sollicité la réintégration de M. DEJEAN de LA BATIE, détaché auprès du Territoire, dans son administration d'origine avant le terme initialement prévu de ce détachement ; que cette demande constituait une décision de remise à disposition de l'administration d'origine et présentait, par suite, le caractère d'une décision faisant grief à l'intéressé ; qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué pour avoir omis de statuer sur ces conclusions et d'évoquer ;
En ce qui concerne la décision du 16 avril 1991 :
Considérant, en premier lieu, que la loi du 11 juillet 1979, relative à la motivation des actes administratifs, n'a été rendue applicable dans le Territoire de la Polynésie Française que par un arrêté de promulgation du 10 juillet 1991, publié au Journal officiel de la Polynésie Française le 14 juillet 1991, postérieurement à la décision litigieuse ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'exigeait, antérieurement à cette loi, que fût motivée une décision mettant fin au détachement d'un fonctionnaire ;
Considérant, en deuxième lieu, que le Territoire fait valoir la nécessité où il se trouvait de réorganiser le service auquel appartenait M. DEJEAN de LA BATIE en vue de surmonter des difficultés financières ; que si celui-ci fait état du conflit qui l'opposait à son ancien chef de service, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision n'ait pas été prise dans l'intérêt du service, ni qu'elle ait été prise en considération de sa personne, alors que cette mesure s'inscrivait dans le cadre de la réorganisation du service et que le Territoire a, en même temps, remis six autres fonctionnaires détachés à la disposition de leur administration d'origine ; que la mesure litigieuse n'avait pas, dès lors, à être précédée de la communication du dossier ;

Considérant, en troisième lieu, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. DEJEAN de LA BATIE tendant à l'annulation de la décision susmentionnée doivent être rejetées ;
En ce qui concerne l'arrêté du 31 mai 1991 accordant un congé administratif de sept mois à M. DEJEAN de LA BATIE :
Considérant, en premier lieu, que cette décision qui accorde au requérant le congé administratif auquel il avait droit et ordonne la délivrance des réquisitions de transports, passagers et bagages pour le voyage de retour en métropole est contestée par M. DEJEAN de LA BATIE en excipant de l'illégalité de la décision susmentionnée, prise le 16 avril 1991, de le remettre à la disposition de son administration d'origine ; que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, ce moyen ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que le requérant soutient que ledit arrêté seraitentaché d'une erreur matérielle en ce qu'il lui accordait un congé de 7 mois alors que sa demande de congé ne portait que sur 57 jours ; que, toutefois, l'article 35, paragraphe 1er, du décret du 2 mars 1910 autorisait l'autorité compétente à lui accorder d'office les congés restants auxquels il pouvait légalement prétendre ;
Considérant, en troisième lieu, qu'en fixant au 29 juin 1991 le point de départ de ces congés, le président du Gouvernement du Territoire n'a méconnu aucune disposition législative ou réglementaire applicable à la situation de M. DEJEAN de LA BATIE ;
Considérant, enfin, que si le requérant conteste les mentions de l'arrêté prévoyant qu'il ne retournerait pas en Polynésie à l'issue de son congé, ces mentions n'ont fait que tirer les conséquences de la décision du 16 avril 1991 de le remettre à la disposition de son administration d'origine ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions susanalysées ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne les conclusions relatives à la perte des indemnités statutaires du requérant :
Considérant que les conclusions présentées par M. DEJEAN de LA BATIE et tendant à ce que le Territoire soit condamné à lui verser une somme de 40 316 F au titre de la perte de ses indemnités statutaires sont irrecevables comme nouvelles en appel ;
En ce qui concerne les conclusions relatives aux préjudices financiers résultant pour le requérant de la décision du Territoire le remettant à la disposition de son administration d'origine :
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, M. DEJEAN de LA BATIE n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision par laquelle le Territoire l'a remis à disposition de son administration d'origine, avant la fin de son détachement ; qu'il s'ensuit que ses conclusions tendant à ce que le Territoire soit condamné à le dédommager des divers préjudices en résultant, ainsi que de ses frais de retour en Polynésie, postérieurement à la fin de son détachement ne peuvent qu'être rejetées ;
En ce qui concerne les conclusions relatives à la compensation financière du congé non pris :

Considérant que M. DEJEAN de LA BATIE ne saurait, en tout état de cause, être indemnisé d'un congé non pris auquel, d'ailleurs, il n'avait pas droit ;
En ce qui concerne les conclusions relatives à l'indemnité d'éloignement :
Considérant enfin qu'il résulte des dispositions de la loi du 30 juin 1950 et du décret du 5 mai 1951 susvisés que les fonctionnaires affectés dans un territoire d'outre mer perçoivent une indemnité d'éloignement, proportionnelle au temps passé dans le territoire et versée en deux parties, l'une au départ et l'autre au retour ; qu'il résulte des pièces du dossier que M. DEJEAN de LA BATIE a perçu les deux fractions de ladite indemnité, la seconde augmentée proportionnellement à la prolongation de son séjour entre le 4 septembre 1990, date durenouvellement de son détachement et le 29 juin 1991, date de son départ du Territoire à la suite de la décision du 16 avril 1991 susmentionnée ; que la circonstance, à la supposer établie, qu'il serait revenu sur le Territoire postérieurement à cette date, n'est pas de nature à lui ouvrir droit à un nouveau versement ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir opposées par le Territoire de la Polynésie Française et le ministre de l'économie et des finances, que les conclusions indemnitaires de M. DEJEAN de LA BATIE doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 présentées par M. DEJEAN de LA BATIE et le Territoire de la Polynésie Française :
Considérant, en premier lieu, que les dispositions précitées font obstacle à ce que le Territoire de la Polynésie Française qui n'est pas, en la présente espèce, la partie perdante soit condamné à verser à M. DEJEAN de LA BATIE la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant, en second lieu, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'accueillir la demande du Territoire de la Polynésie Française tendant à ce que soit condamné, sur ce terrain, M. DEJEAN de LA BATIE ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Papeete en date du 7 juillet 1992 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de première instance et le surplus des conclusions des requêtes de M. DEJEAN de LA BATIE sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions du Territoire de la Polynésie Française, tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. DEJEAN de LA BATIE, au Territoire de la Polynésie Française et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 10 / 7 ssr
Numéro d'arrêt : 141273
Date de la décision : 19/06/1996
Type d'affaire : Administrative

Analyses

46 OUTRE-MER.


Références :

Arrêté du 16 avril 1991
Arrêté du 31 mai 1991
Arrêté du 10 juillet 1991
Décret du 02 mars 1910 art. 35
Décret 51-511 du 05 mai 1951
Loi 50-772 du 30 juin 1950
Loi 79-587 du 11 juillet 1979
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 19 jui. 1996, n° 141273
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pêcheur
Rapporteur public ?: M. Combrexelle

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1996:141273.19960619
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