Vu la requête enregistrée le 13 juin 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le PREFET DE LA SEINE-MARITIME demande au président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 11 mai 1994 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 9 mai 1994 par lequel il a décidé la reconduite à la frontière de M. Ali X... ;
2°) de rejeter la demande de M. Ali X... présentée devant le tribunal administratif de Rouen ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990, la loi du 26 février 1992 et la loi du 24 août 1993 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, le préfet peut "décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière ( ...) 2°) si l'étranger s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré" ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. Ali X... s'est maintenu dans de telles conditions sur le territoire et entrait ainsi dans le champ d'application de cette disposition ;
Considérant que si M. Ali X..., de nationalité marocaine, entré en France en 1991 avec un visa touristique de 15 jours fait valoir qu'il allait épouser le 14 mai 1994 une ressortissante française avec laquelle il vit depuis le mois d'août 1993 et reconnaître les trois enfants de celle-ci, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de M. Ali X... en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du PREFET DE LA SEINE-MARITIME en date du 9 mai 1994 n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été pris ledit arrêté ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur une telle atteinte pour annuler ledit arrêté ;
Considérant qu'il appartient au juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif d'examiner les autres moyens soulevés par M. Ali X... ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 9 mai 1994 par lequel le préfet a décidé la reconduite à la frontière de M. Ali X... énonce de façon précise les circonstances qui justifient qu'il soit fait application à l'intéressé des dispositions de l'article 22-I-2 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ; que, par suite, il est suffisamment motivé ;
Considérant, en deuxième lieu, que le fait que l'arrêté attaqué ait visé la convention franco-algérienne est sans incidence sur sa légalité dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet en ordonnant la reconduite à la frontière de M. Ali X... ne s'est pas fondé sur cette dernière convention pour prendre sa décision ;
Considérant, enfin, que la circonstance que M. Ali X... se proposait de contracter mariage n'entache pas d'illégalité l'arrêté de reconduite pris contre lui dès lors que, comme il a été dit ci-dessus, cet arrêté ne portait pas une atteinte disproportionnée à sa vie familiale ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SEINEMARITIME est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;
Article 1er : Le jugement du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Ali X... devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA SEINE-MARITIME, à M. Ali X... et au ministre de l'intérieur.