Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 et 25 mai 1994 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Alain X..., demeurant ..., Le Pré-Saint-Gervais (93310) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) l'annulation pour excès de pouvoir de l'article 2 du décret n° 94-206 du 10 mars 1994 en tant qu'il rend applicable, dans un article 2-3 ajouté au décret n° 79-160 du 28 février 1979 modifié, le premier alinéa de l'article R. 12 du code électoral, relatif à l'établissement et à la révision des listes électorales, aux listes électorales complémentaires ;
2°) l'annulation pour excès de pouvoir du paragraphe IV de la circulaire du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire du 24 février 1994, relative à la participation des étrangers ressortissants des Etats de l'Union européenne à l'élection des représentants de la France au Parlement européen en tant qu'il rend applicable le paragraphe 73 de l'instruction générale du ministsre de l'intérieur en date du 31 juillet 1969, dans sa dernière mise à jour du 1er septembre 1993, relative à la révision et à la tenue des listes électorales ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977, modifiée par la loi n° 94-104 du 5 février 1994, relative à l'élection des représentants de la France au Parlement européen ;
Vu la loi n° 94-105 autorisant l'approbation de la décision 93-81/Euratom, CECA, CEE modifiant l'acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct annexé à la décision 76-787/CECA, CEE, Euratom du Conseil du 20 septembre 1976 ;
Vu le code électoral, notamment ses articles L. 18, L. 20 et R. 12 ;
Vu le décret n° 79-160 du 28 février 1979 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Fombeur, Auditeur,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions dirigées contre le décret n° 94-206 du 10 mars 1994 :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le ministre de l'intérieur :
Considérant qu'à l'effet de permettre aux ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la France de participer à l'élection des représentants de la France au Parlement européen, la loi n° 94-104 du 5 février 1994 qui modifie et complète la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen, a prescrit que lesdits ressortissants devaient, pour exercer leur droit de vote à l'élection précitée en France, être inscrits sur une liste électorale complémentaire ; que par l'article 2-3 ajouté à la loi du 7 juillet 1977, la loi du 5 février 1994 prévoit que les dispositions des articles L. 10, L. 11, L. 15 à L. 41 et L. 43 du code électoral relatives à l'établissement des listes électorales et au contrôle de leur régularité sont applicables aux listes électorales complémentaires ; que le décret en Conseil d'Etat du 10 mars 1994 pris pour l'application de la loi du 5 février 1994, et qui ajoute sur ce point un article 2-3 au décret du 28 février 1979, énonce que "les dispositions des articles R. 5 à R. 22 du code électoral relatives à l'établissement et à la révision des listes électorales et au contrôle des inscriptions sur lesdites listes sont applicables aux listes électorales complémentaires" ;
Considérant que le requérant ne critique le décret du 10 mars 1994 qu'en tant qu'il rend applicables au contrôle des inscriptions sur les listes électorales complémentaires les dispositions de l'article R. 12 du code électoral en vertu desquelles, si le préfet estime que les formalités et les délais prescrits n'ont pas été observés par la commission administrative chargée de la révision de la liste électorale, il doit, dans les deux jours de la réception du tableau contenant les additions et retranchements faits à la liste électorale, déférer les opérations de la commission précitée au tribunal administratif qui statuera dans les trois jours et fixera, s'il y a lieu, le délai dans lequel les opérations annulées devront être refaites ;
Considérant que si l'article 34 de la Constitution réserve au législateur la fixation des règles concernant l'exercice des droits civiques, il appartient au pouvoir réglementaire d'édicter les mesures nécessaires pour l'application de ces règles ;
Considérant que la loi du 5 février 1994, en rendant applicables au contrôle de l'établissement des listes électorales complémentaires les dispositions des articles L. 17 à L. 20 du code électoral, a entendu permettre au préfet, comme l'indique l'article L. 20, de soumettre au contrôle du tribunal administratif la régularité des opérations administratives d'établissement ou de révision de la liste, qui est distinct du contrôle du bien-fondé des inscriptions ou des radiations individuelles sur ladite liste qui relève du tribunal d'instance, ainsi qu'il est dit à l'article L. 25 du code précité ;
Considérant qu'en spécifiant dans l'article R. 12 du code électoral que le contrôle de la régularité des opérations administratives portait sur le respect des "formalités et délais prescrits" et pas seulement sur la mention sur la liste des indications de nom, prénoms, domicile ou résidence des électeurs exigées par l'article L. 18, le pouvoir réglementaire a, dans le cadre de sa compétence propre, fixé les mesures nécessaires à l'application des règles posées par la loi ; que, de même, il avait compétence pour faire obligation au représentant de l'Etat dans le département, lorsqu'il estime que des irrégularités ont été commises dans les opérations administratives d'établissement ou de révision de la liste, d'en saisir le tribunal administratif ;
Considérant qu'il suit de là qu'en rendant applicables au contrôle de la régularité de l'établissement et de la révision de la liste électorale complémentaire les dispositions de l'article R. 12 du code électoral, le décret attaqué, pris en Conseil d'Etat comme l'exige l'article 27 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 modifiée, n'a ni empiété sur la compétence réservée au législateur en vertu de l'article 34 de la Constitution, ni méconnu les dispositions de l'article L. 20 du code électoral ;
Sur les conclusions dirigées contre la circulaire ministérielle du 24 février 1994 en tant qu'elle rend applicable à l'établissement des listes électorales complémentaires le paragraphe 73 de l'instruction ministérielle du 31 juillet 1969 modifiée relative à la révision et à la tenue des listes électorales :
Considérant que l'annulation des dispositions susanalysées de la circulaire du 24 février 1994 n'est sollicitée que pour autant que le Conseil d'Etat ferait droit aux conclusions dirigées contre le décret du 10 mars 1994 ; que, dès lors que ces dernières conclusions sont écartées par la présente décision, les conclusions tendant à l'annulation de la circulaire doivent, elles aussi, être écartées ;
Sur l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à verser à M. X... la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête susvisée de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Alain X... et au ministre de l'intérieur, augarde des sceaux, ministre de la justice et au Premier ministre.