La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/07/1996 | FRANCE | N°131786

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 10 juillet 1996, 131786


Vu le recours sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 19 novembre 1991 et 18 mars 1992, présentés par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Bordeaux du 30 juillet 1991 en tant qu'il a déchargé M. François Fantini du supplément d'impôt sur le revenu auquel il avait été assujetti au titre de l'année 1978, à raison de la fraction lui revenant de la plus value réalisée par les consorts X... lors de la cession, le 13 octo

bre 1977, de terrains sis à Toulouse-Ginestous ;
Vu les autres p...

Vu le recours sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 19 novembre 1991 et 18 mars 1992, présentés par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Bordeaux du 30 juillet 1991 en tant qu'il a déchargé M. François Fantini du supplément d'impôt sur le revenu auquel il avait été assujetti au titre de l'année 1978, à raison de la fraction lui revenant de la plus value réalisée par les consorts X... lors de la cession, le 13 octobre 1977, de terrains sis à Toulouse-Ginestous ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Froment-Meurice, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, avocat de M. François Fantini,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 150 A du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 76-660 du 19 juillet 1976 : "Les plus-values effectivement réalisées par les personnes physiques ... lors de la cession de biens ou droits de toute nature sont passibles ... 2°/ de l'impôt sur le revenu selon les modalités définies aux articles 150 B à 150 T", lorsque ces plus-values proviennent : ...."c) de biens ou droits de toute nature cédés plus de dix ans après l'acquisition ..." ; que l'article 150 S, deuxième alinéa, dispose qu'"en cas d'expropriation, l'impôt est dû au titre de l'année où l'indemnité a été perçue" ; qu'aux termes de l'article 150 M, dans sa rédaction applicable en 1978 : "Les plus-values à long terme réalisées plus de dix ans après l'acquisition du bien cédé ... sont réduites de 5 % par année de possession au-delà de la dixième pour les immeubles autres que les terrains à bâtir tels qu'ils sont définis par l'article 691 ; de 3,33 % par année de possession au-delà de la dixième pour les terrains à bâtir tels qu'ils sont définis à l'article 691. Elles sont exonérées à compter de la vingtième année pour les immeubles autres que les terrains à bâtir ; à compter de la trentième année pour les terrains à bâtir" ; qu'aux termes, enfin, de l'article 691 : "I - Sont exonérées de la taxe de publicité foncière ou de droits d'enregistrement lorsqu'elles donnent lieu au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, les acquisitions : 1°/ de terrains nus ou recouverts de bâtiments destinés à être démolis ; 2°/ d'immeubles inachevés ; 3°/ du droit de surélévation d'immeubles préexistants ... II - Cette exonération est subordonnée à la condition : 1°/ que l'acte d'acquisition contienne l'engagement, par l'acquéreur, d'effectuer dans un délai de quatre ans à compter de la date de l'acte les travaux nécessaires ... pour édifier un immeuble, pour terminer les immeubles inachevés ... ou pour construire de nouveaux locaux en surélévation ..." ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que les terrains à bâtir visés par l'article 150 M ne doivent pas s'entendre des seuls terrains et biens assimilés à ces terrains par le I de l'article 691, dont l'acquisition a donné lieu au paiement effectif de la taxe sur la valeur ajoutée et a été assortie, de la part de l'acquéreur, de l'engagement prévu par le II du même article, dès lors que ce paiement et cet engagement conditionnent seulement l'exonération de la taxe de publicité foncière ou des droits d'enregistrement ; que, si ces conditions ne sont pas remplies, l'administration reste en droit d'établir que la cession a porté sur un terrain à bâtir, en démontrant qu'elle aurait dû être assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée en vertu de l'article 257-7° du code général des impôts, qui soumet à cette taxe les "opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles" et inclut, notamment, dans ces opérations les ventes de terrains à bâtir et biens assimilés à ces terrains par le I de l'article 691 ;

Considérant que par acte du 13 octobre 1977, les consorts X... ont cédé à l'amiable à la ville de Toulouse, après que leur acquisition eût été déclarée d'utilité publique par un arrêté préfectoral du 24 août 1977, un ensemble de terrains et de bâtiments situés à Toulouse-Ginestous d'une superficie d'environ 12 hectares, d'un seul tenant, en contrepartie du paiement d'une indemnité de 5 300 000 F, correspondant, pour 4 630 000 F, à la valeur propre des terrains, et, pour 670 000 F, à la valeur des constructions ; que M. François Fantini, pour contester l'imposition mise à sa charge au titre de l'année en 1978, en application de l'article 150 A du code général des impôts, à raison de la part lui revenant, en tant que propriétaire indivis, de la plus-value réalisée par les consorts X... à l'occasion de l'opération ci-dessus décrite, s'est prévalu, devant la Cour administrative d'appel de Bordeaux, sur le fondement de l'article L. 80-A du livre des procédures fiscales, de l'instruction du ministre des finances 8 M-1-76 du 30 décembre 1976, relative au régime d'imposition des plus-values réalisées par les particulierslors de la cession d'immeubles bâtis ou non bâtis ; que, pour faire droit à la requête de M. François Fantini la cour administrative d'appel s'est fondée exclusivement sur les paragraphes 144 et 145 de l'instruction précitée, qui prévoient que les terrains à bâtir sont désormais les biens immobiliers qui, à l'occasion d'une mutation, entrent dans le champ d'application de l'article 691 du code général des impôts relatif à la taxe sur la valeur ajoutée immobilière. Concrètement, il s'agit des terrains dont la mutation, passible de la taxe sur la valeur ajoutée, est exonérée de la taxe de publicité foncière ou du droit d'enregistrement, à condition que l'acquéreur s'engage dans l'acte à effectuer dans un délai de quatre ans, éventuellement prorogé, les travaux nécessaires, selon le cas, pour édifier un immeuble ou un groupe d'immeubles, pour terminer les immeubles inachevés ou pour construire de nouveaux locaux en surélévation" ;

Considérant que, ni ces paragraphes, ni, d'ailleurs, le paragraphe 151 de la même instruction, dont la Cour a omis de tenir en compte, et selon lequel "la circonstance que l'acquéreur n'ait pas pris dans l'acte de cession, l'engagement de construire, n'implique pas que cette cession se trouve exclue, ipso facto, du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, car cet engagement n'a d'autre effet que d'exonérer l'acquéreur des droits de mutation. Il s'ensuit que lorsque postérieurement à la cession, il est établi que celle-ci était destinée, en fait, à la production ou à la livraison d'immeubles, l'administration a la possibilité, dans le délai de répétition, d'exiger le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Elle peut également, dans le même délai, soumettre la plus-value réalisée par le cédant à l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues pour les ventes de terrains à bâtir", ne donnent de l'article 150 M du code général des impôts une interprétation différente de celle retracée ci-dessus ; que, par suite, en jugeant que M. François Fantini était fondé à se prévaloir, à l'appui de sa demande en décharge, des paragraphes 144 et 145 de l'instruction du 31 décembre 1976, dès lors que l'acte de cession du 13 octobre 1977 ne mentionnait pas que les terrains cédés étaient destinés à la construction et que cette cession était passible de la taxe sur la valeur ajoutée, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les terrains cédés par les consorts X... à la ville de Toulouse le 13 octobre 1977, étaient à cette date en grande partie cultivés et frappés de servitudes du fait de l'existence de lignes à haute tension et d'une canalisation maîtresse d'eau potable, mais situés dans une zone déjà urbanisée ; que la ville de Toulouse les a acquis, à un prix d'ailleurs très supérieur à celui des terres agricoles, en vue de la création d'un dépôt pour autobus ; que, dans ces conditions, l'administration établit que la cession a porté sur des terrains à bâtir, au sens des dispositions ci-dessus rappelées des articles 150 M et 691 du code général des impôts ; que, par suite, M. François Fantini ne peut prétendre à la décharge de l'imposition contestée, au motif que les immeubles cédés à la ville de Toulouse en 1977, ayant été acquis par les vendeurs en 1951 et 1953, il devait bénéficier de l'exonération prévue par l'article 150 M pour les plus-values de cession d'immeubles autres que les terrains à bâtir, réalisées plus de 20 ans après leur acquisition ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'instruction 8 M-1-76 du 30 décembre 1976 ne contient aucune interprétation formelle de la loi fiscale susceptible d'être invoquée sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales ;
Considérant que de tout ce qui précède, il résulte que M. François Fantini n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 20 janvier 1987, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande en décharge ;
Article 1er : L'article 1er de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 30 juillet 1991 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par M. François Fantini devant la cour administrative d'appel de Bordeaux est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances, et à M. François Fantini.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES - IMPOT SUR LE REVENU.


Références :

CGI 150 A, 257, 691, 150 M
CGI Livre des procédures fiscales L80 A
Instruction du 30 décembre 1976 8M-1-76
Loi 76-660 du 19 juillet 1976
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11


Publications
Proposition de citation: CE, 10 jui. 1996, n° 131786
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Froment-Meurice
Rapporteur public ?: M. Bachelier

Origine de la décision
Formation : 8 / 9 ssr
Date de la décision : 10/07/1996
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 131786
Numéro NOR : CETATEXT000007929108 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1996-07-10;131786 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award