Vu la requête, enregistrée le 18 février 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jean-Claude X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 1er février 1994 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a annulé la décision du 26 août 1993 du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle annulant la décision de l'inspecteur du travail du 10 mars 1993, qui avait autorisé la Compagnie Fiduciaire Européenne de Reims à le licencier ;
2°) rejette la demande présentée par la Compagnie Fiduciaire Européenne de Reims devant ledit tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Struillou, Auditeur,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la Compagnie Fiduciaire Européenne de Reims,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 514-2 et L. 412-18 du code du travail, le licenciement des salariés qui exercent les fonctions de conseiller prud'homme ou qui ont cessé de telles fonctions depuis moins de six mois doit être autorisé par l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'autorité compétente de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte-tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
Considérant que, par une décision du 10 mars 1993, l'inspecteur du travail a autorisé la Compagnie Fiduciaire Européenne de Reims à licencier, pour faute, M. X..., ancien conseiller prudh'omme ; que cette décision a été annulée le 26 août 1993 par le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle au motif que l'autorité administrative était incompétente "rationae materiae" pour statuer sur la demande dont elle avait été saisie par l'employeur de M. X... ; que, par le jugement dont ce dernier fait appel, le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a annulé la décision du ministre ;
Considérant, en premier lieu, que si M. X... soutient que son employeur avait rompu son contrat de travail antérieurement à la décision de l'inspecteur du travail, il ne présente aucun élément permettant d'apprécier le bien-fondé de ce moyen ;
Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... s'est engagé, par lettre du 25 juin 1991, à céder contre rétribution les éléments incorporels de son cabinet d'expertise comptable à la Compagnie Fiduciaire Européenne de Reims ; que cette lettre précise que l'acte comportera "une clause de garantie de clientèle visant le départ éventuel de clientèle lié à la transaction", étant précisé que l'intéressé "continue son activité avec cette clientèle en qualité de salarié" de la compagnie ; que celle-ci a regardé la convention conclue ultérieurement avec M. X... comme une convention de cession du droit de présentation de clientèle ; qu'elle a, en conséquence, estimé que M. X... avait commis une faute justifiant son licenciement en exerçant parallèlement aux fonctions pour lesquelles elle lui versait un salaire, une activité d'expertise-comptable qu'il avait développée par démarchage et détournement de clientèle et manqué, ainsi, à son obligation de fidélité et de non-concurrence ; que M. X... qui a saisi le tribunal de grande instance de Reims, le 25 juin 1991, d'un litige portant sur la qualification de la convention précitée soutient que sa situation au sein de la Compagnie Fiduciaire Européenne de Reims n'était pas celle d'un salarié, ainsi que l'a estimé le ministre du travail pour censurer la décision de l'inspecteur du travail ; que l'appréciation du bien-fondé de ce moyen, relatif à l'existence et à la validité d'un contrat de travail entre les parties, commande la solution du litige ; que, eu égard au caractère sérieux de la contestation ainsi soulevée, il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, de surseoir à statuer sur la requête de M. X... jusqu'à ce que la juridiction compétente se soit prononcée sur cette question préjudicielle ;
Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de M. X... jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question de l'existence et de la validité d'un contrat de travail entre l'intéressé et la Compagnie Fiduciaire Européenne de Reims. M. X... devra justifier dans le délai de deux mois, à compter de la notification de la présente décision, de sa diligence à saisir de cette question la juridiction compétente.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Claude X..., à la Compagnie Fiduciaire Européenne de Reims et au ministre du travail et des affaires sociales.