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10/07/1996 | FRANCE | N°158536

France | France, Conseil d'État, President de la section du contentieux, 10 juillet 1996, 158536


Vu la requête enregistrée le 13 mai 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 11 février 1994 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 9 février 1994 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Y... Rabha X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mlle X... devant ledit tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'

ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août...

Vu la requête enregistrée le 13 mai 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 11 février 1994 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 9 février 1994 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Y... Rabha X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mlle X... devant ledit tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990, la loi du 26 février 1992 et la loi du 24 août 1993 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu l'ordonnance n° 68-825 du 21 juillet 1962, la loi n° 66-945 du 20 décembre 1966 et la loi n° 73-42 du 9 janvier 1973 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- les conclusions de Mme Denis-Linton, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que l'article 1er de l'ordonnance du 22 novembre 1945 exclut du champ d'application d'une mesure de reconduite à la frontière une personne qui, à la date de cette mesure, a la nationalité française alors même qu'elle aurait également une nationalité étrangère ;
Considérant qu'il est constant que Mlle X... titulaire d'un passeport algérien en cours de validité à la date du 9 février 1994 à laquelle a été pris à son encontre l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué est née à Marseille le 14 octobre 1960 de parents nés en Algérie et qu'ainsi elle est née française par application des articles 6, 23 et 24 du code de la nationalité dans leur rédaction en vigueur à la date de sa naissance ;
Considérant toutefois qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 66-945 du 20 décembre 1966 toujours en vigueur "l'article 2 de l'ordonnance n° 65-825 du 21 juillet 1962 relative à certaines dispositions concernant la nationalité française cesse d'être applicable à l'expiration du délai de trois mois suivant la publication de la présente loi. Les personnes de statut civil de droit local originaires d'Algérie qui n'ont pas souscrit à cette date la déclaration prévue à l'article 152 du code de la nationalité sont réputées avoir perdu la nationalité française au 1er janvier 1963. Toutefois, les personnes de statut civil de droit local, originaires d'Algérie, conservent de plein droit la nationalité française si une autre nationalité ne leur a pas été conférée postérieurement au 3 juillet 1962" ; que si les articles 4 et 5 de la même loi, abrogés par le 6° de l'article 28 de la loi n° 73-42 du 9 janvier 1973, avaient ouvert aux enfants mineurs des personnes susmentionnées, lorsqu'ils avaient été élevés ou recueillis en France avant l'entrée en vigueur de cette loi, un droit propre à se faire reconnaître la nationalité française, l'article 6, qui n'a pas été abrogé, prévoit que "les mineurs visés aux articles 4 et 5 de la présente loi perdent la nationalité française à l'expiration du délai fixé auxdits articles s'ils n'ont pas souscrit la déclaration prévue à l'article 152 du code de la nationalité" ;
Considérant qu'il ne ressort en aucune façon des pièces du dossier, et n'a d'ailleurs pas même été allégué, que Mlle X... qui, née avant le 1er janvier 1963 de parents de statut civil de droit local originaires d'Algérie, entrait dans le champ d'application des dispositions spéciales précitées, satisferait aux exigences desdites dispositions pour avoir conservé la nationalité française que la loi lui avait attribuée à sa naissance ; qu'il n'a pas davantage été même allégué qu'à défaut d'avoir conservé sa nationalité française de naissance, elle aurait acquis la nationalité française à sa majorité sur le fondement des dispositions générales de l'article 44 du code de la nationalité en vigueur à cette date ; qu'enfin, contrairement à ce qu'a implicitement admis d'office le jugement attaqué, la loi n° 93-933 du 22 juillet 1993 réformant le droit de la nationalité ne contient aucune disposition ayant pour objet ou pour effet de réattribuer leur nationalité française de naissance aux personnes entrant dans le champ d'application des dispositions spéciales susmentionnées et qui l'ont perdue par application de ces dispositions ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il ne saurait être sérieusement soutenu que Mlle X... était de nationalité française à la date de l'arrêté de reconduite à la frontière dont elle a fait l'objet et que, par voie de conséquence, sans qu'il soit nécessaire de surseoir à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur ce point, le préfet estfondé à soutenir que c'est à tort que le conseiller délégué par le président du PREFET DE POLICE s'est fondé sur la nationalité de Mlle X... pour annuler cet arrêté ;
Considérant qu'en vertu de l'effet dévolutif de l'appel il y a lieu d'examiner le moyen soulevé en première instance par Mlle X... ;
Considérant que si Mlle X... fait valoir qu'elle vit chez sa soeur, de nationalité française, il résulte des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment des conditions du séjour de l'intéressée en France et de la résidence en Algérie de ses parents l'arrêté du PREFET DE POLICE n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'ainsi il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Article 1er : Le jugement susvisé en date du 11 février 1994 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mlle X... au tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mlle Y... Rabha X... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : President de la section du contentieux
Numéro d'arrêt : 158536
Date de la décision : 10/07/1996
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Code de la nationalité française 6, 23, 24, 44
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Loi 66-945 du 20 décembre 1966 art. 1, art. 4, art. 5, art. 6
Loi 73-42 du 09 janvier 1973 art. 28
Loi 93-933 du 22 juillet 1993
Ordonnance 45-2658 du 22 novembre 1945 art. 1


Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 1996, n° 158536
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M VIGOUROUX
Rapporteur public ?: Mme Denis-Linton

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1996:158536.19960710
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