Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 janvier 1990 et 2 mars 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Roumanille, dont le siège social est ... (13100), représentée par ses représentants légaux en exercice ; la société Roumanille demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 12 octobre 1989 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé, à la demande de MM. Y..., A..., Z... et X..., l'arrêté du maire d'Aix-en-Provence en date du 14 mars 1989 lui accordant le permis de construire 15 logements sur la parcelle située ... ;
2°) de rejeter la demande présentée par MM. Y..., A..., Z... et X... devant le tribunal administratif de Marseille ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme, notamment ses articles L. 315-2-1 et R. 315-45 ;
Vu la loi n° 88-13 du 8 juillet 1988 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Keller, Auditeur,
- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la société Roumanille,
- les conclusions de Mme Pécresse, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du 1er alinéa de l'article L. 315-2-1 du code de l'urbanisme : "Lorsqu'un plan d'occupation des sols ou un document d'urbanisme en tenant lieu a été approuvé, les règles d'urbanisme contenues dans les documents approuvés d'un lotissement cessent de s'appliquer au terme de dix années à compter de la délivrance de l'autorisation de lotir" ; qu'aux termes du deuxième alinéa du même article L. 315-2-1 : "Toutefois, lorsqu'une majorité de colotis, calculée comme il est dit à l'article L. 315-3, a demandé le maintien de ces règles, elles ne cessent de s'appliquer qu'après décision expresse de l'autorité compétente prise après enquête publique" ; qu'en vertu de l'article R. 315-45 dudit code, lorsqu'elle se trouve saisie d'une demande présentée en application du deuxième alinéa de l'article L. 315-2-1 : "... L'autorité compétente vérifie si la demande reçue émane d'une majorité de colotis calculée comme il est dit à l'article L. 315-3" ;
Considérant, en premier lieu, que le préfet des Bouches-du-Rhône a, par un arrêté du 12 janvier 1928, approuvé le cahier des charges du lotissement Saint-Michel de Pigueunet à Aix-en-Provence sous réserve du respect de certaines prescriptions ; que le texte du cahier des charges soumis au préfet a été modifié, le 8 mars 1928, pour tenir compte des prescriptions susmentionnées ; que, dans ces conditions, le cahier des charges établi le 8 mars 1928 doit être regardé comme ayant fait l'objet d'une approbation préfectorale et ayant acquis, de ce fait, un caractère réglementaire ;
Considérant, en second lieu, que si le cahier des charges prévoyait que les travaux devaient être exécutés dans un délai de dix-huit mois à compter de la date de son approbation, il ne ressort pas en tout état de cause des pièces du dossier que cette condition n'aurait pas été respectée et que l'autorisation préfectorale serait, de ce fait, devenue caduque ;
Considérant, en troisième lieu, que le 21 juin 1988, soit antérieurement au 8 juillet 1988, date à laquelle les dispositions précitées de l'article L. 315-2-1 étant entrées en vigueur conformément aux dispositions de l'article 60 de la loi du 5 janvier 1988 susvisée, les règles du lotissement auraient cessé de s'appliquer si leur maintien n'avait pas été demandé, 86 colotis ont adressé au maire d'Aix-en-Provence, sur le fondement du 2ème alinéa précité de l'article L. 315-2-1, une demande tendant au maintien des règles d'urbanisme contenues dans le cahier des charges approuvé du lotissement ; qu'après avoir procédé à la vérification prévue par la disposition précitée de l'article R. 315-45, le maire d'Aix-en-Provence a, le 6 mars 1989, constaté que la demande émanait d'une majorité de colotis ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'à la date d'intervention de l'arrêté attaqué, soit le 14 mars 1989, les règles d'urbanisme contenues dans le cahier des charges du lotissement restaient en vigueur ;
Mais considérant que, si l'article 5 du cahier des charges indique que "le morcellement ... a principalement pour but la création de jardins avec ou sans maison d'habitation", cette indication n'est mentionnée, comme il résulte de la formulation dudit article 5, que pour justifier un certain nombre d'interdictions dans le champ desquelles n'entre pas le projet autorisé par le permis attaqué ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce que le permis attaqué serait contraire à la disposition précitée de l'article 5 du cahier des charges pour annuler ledit permis ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les demandeurs de première instance devant le tribunal administratif de Marseille ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :
Considérant qu'aux termes du 3° de l'article R. 123-22 du code de l'urbanisme : "... le coefficient d'occupation du sol ... fixe ... une surface maximum de plancher hors oeuvre nette susceptible d'être édifiée qui est calculée selon les règles fixées à l'article R. 112-2" ; qu'aux termes de l'article R. 112-2 du code de l'urbanisme : "La surface hors oeuvre nette d'une construction est égale à la surface hors oeuvre brute après déduction : ... b) des surfaces de plancher hors oeuvre des toitures, terrasses, des balcons, des loggias ainsi que des surfaces non closes situées au rez-de-chaussée" ;
Considérant que les galeries ouvertes desservant les logements et les escaliers aux premier et deuxième étages du projet n'entraient pas dans les prévisions de l'article R. 112-2 ... b) précité, contrairement à ce qu'a estimé l'auteur de l'acte attaqué pour regarder le projet comme respectant le coefficient d'occupation des sols fixé par le plan d'occupation des sols ; que, dès lors, les demandeurs de première instance sont fondés à soutenir que le permis attaqué est intervenu en méconnaissance des articles R. 123-22 et R. 112-2 du code de l'urbanisme et des règles relatives au coefficient d'occupation des sols fixées par le plan d'occupation des sols ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé le permis que lui a délivré, le 14 mars 1989, le maire d'Aix-en-Provence ;
Article 1er : La requête de la société Roumanille est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Roumanille, à MM. Y..., A..., Z..., X..., à la commune d'Aix-en-Provence et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.