Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 26 novembre 1993, présentée par M. Chikh X..., demeurant à El Menia, ... (47300) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 17 juin 1993 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision en date du 7 octobre 1991 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé d'abroger l'arrêté d'expulsion pris à son encontre le 10 août 1971 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;
Vu la loi n° 72-11 du 3 janvier 1972 modifiée instituant l'aide judiciaire et le décret n° 72-809 modifié pris pour son application ;
Vu le décret n° 82-440 du 26 mai 1982 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Chemla, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 23 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : "L'arrêté d'expulsion peut à tout moment être abrogé par le ministre de l'intérieur. Lorsque la demande d'abrogation est présentée à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de l'exécution effective de l'arrêté d'expulsion, elle ne peut être rejetée que sur avis conforme de la commission prévue à l'article 24, devant laquelle l'intéressé peut se faire représenter" ; qu'aux termes de l'article 24 de la même ordonnance, l'étranger convoqué devant la commission d'expulsion "... peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle dans les conditions prévues par la loi n° 72-11 du 3 janvier 1972. Cette faculté est indiquée dans la convocation. L'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par le président de la commission (...)" ;
Considérant que si M. X... a été avisé par une lettre du préfet du Lot-et-Garonne du 13 mai 1991 que sa demande serait examinée par la commission d'expulsion de ce département le 3 juin 1991 et qu'il avait le droit de se faire représenter par un conseil de son choix, il ne lui a pas été indiqué qu'il avait la faculté de demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que cette omission, qui était de nature à le priver d'un moyen de présenter utilement sa défense devant la commission d'expulsion, laquelle a émis un avis défavorable à l'abrogation de l'arrêté d'expulsion du 10 août 1971 qui le frappait, présente le caractère d'une irrégularité substantielle ; que par suite le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus d'abrogation ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 17 juin 1993 et la décision du ministre de l'intérieur en date du 7 octobre 1991 sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Chikh X... et au ministre de l'intérieur.