La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/10/1996 | FRANCE | N°159221

France | France, Conseil d'État, 2 / 6 ssr, 02 octobre 1996, 159221


Vu la requête enregistrée le 10 juin 1994 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le préfet de la Savoie ; le préfet demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 10 mai 1994 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 6 mai 1994 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Catalin X... ;
2°) rejette la demande présentée par M. X... devant ce tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des l

ibertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Vu la Convention de Genève du 28 juil...

Vu la requête enregistrée le 10 juin 1994 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le préfet de la Savoie ; le préfet demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 10 mai 1994 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 6 mai 1994 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Catalin X... ;
2°) rejette la demande présentée par M. X... devant ce tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Vu la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocle signé à New-York le 31 janvier 1967 ;
Vu la loi du 25 juillet 1952 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990, la loi du 26 février 1992 et la loi du 24 août 1993 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de L'Hermite, Auditeur,
- les conclusions de M. Delarue, Commissaire du gouvernement ;

Considérant, d'une part, que selon l'article 31-2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 les Etats parties à cette convention ne peuvent appliquer aux déplacements des réfugiés en situation irrégulière que les restrictions nécessaires "en attendant que le statut de ces réfugiés dans le pays d'accueil ait été régularisé ou qu'ils aient réussi à se faire admettre dans un autre pays" ; qu'en vertu de la loi du 25 juillet 1952 portant création de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, il appartient à cet office de statuer, sous le contrôle de la Commission des recours des réfugiés, sur les demandes tendant à ce que soit reconnue à un étranger la qualité de réfugié au sens de l'article 1er de la convention du 28 juillet 1951 précitée ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952 susvisée, dans sa rédaction résultant de l'article 45 de la loi du 24 août 1993 " ... L'office ne peut être saisi d'une demande de reconnaissance de la qualité de réfugié qu'après que le représentant de l'Etat dans le département ou, à Paris, le préfet de police, a enregistré la demande d'admission au séjour du demandeur d'asile ..." ; que ces dispositions, qui sont d'application immédiate, ont pour effet d'obliger l'autorité de police à transmettre au préfet, et le préfet à enregistrer, une demande d'admission au séjour au titre de l'asile formulée par un étranger à l'occasion de son interpellation pour entrée irrégulière sur le territoire français ; que, par voie de conséquence, elles font légalement obstacle à ce que le préfet fasse usage des pouvoirs que lui confère l'ordonnance du 2 novembre 1945 en matière de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière avant d'avoir statué sur cette demande d'admission au séjour au titre de l'asile ;
Considérant qu'il ressort du procès-verbal de son interpellation à Modane le 6 mai 1994 par la police de l'air et des frontières que, contrairement à ce que soutient le préfet de la Savoie devant le Conseil d'Etat, M. Catalin X..., ressortissant roumain entré irrégulièrement en France le 2 mai 1994, demandait l'admission au séjour au titre de l'asile ; qu'en admettant même qu'en visant dans l'arrêté de reconduite à la frontière du 6 mai 1994 la procédure établie le même jour par la police de l'air et des frontières, le préfet de la Savoie ait entendu implicitement rejeter la demande d'admission au séjour au titre de l'asile, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette admission pouvait être légalement refusée pour l'un des motifs limitativement énumérés par les dispositions des 1° à 4° de l'article 31 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Savoie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé comme entaché d'excès de pouvoir l'arrêté en date du 6 mai 1994 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... ;
Article 1er : La requête du préfet de la Savoie est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au préfet de la Savoie, à M. Catalin X... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2 / 6 ssr
Numéro d'arrêt : 159221
Date de la décision : 02/10/1996
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

ETRANGERS - SEJOUR DES ETRANGERS - AUTORISATION DE SEJOUR - Admission au séjour au titre de l'asile (article 31 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945) - Refus - Illégalité - Refus n'étant pas justifié par l'un des motifs limitativement énumérés à l'article 31 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945.

335-01-02 La demande d'admission au séjour au titre de l'asile ne peut être légalement rejetée que pour l'un des motifs limitativement énumérés par les dispositions des 1° à 4° de l'article 31 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945.

ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE - LEGALITE INTERNE - ETRANGERS NE POUVANT FAIRE L'OBJET D'UNE MESURE DE RECONDUITE A LA FRONTIERE - DEMANDEURS D'ASILE - Etranger demandant le bénéfice du droit d'asile lors de son interpellation pour entrée irrégulière sur le territoire français - Obligation de statuer sur la demande d'admission au séjour avant de prendre un arrêté de reconduite à la frontière.

335-03-02-01-01 L'article 2 de la loi du 25 juillet 1952 portant création de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dans sa rédaction issue de l'article 45 de la loi du 24 août 1993 prévoit, que "l'office ne peut être saisi d'une demande de reconnaissance de la qualité de réfugié qu'après que le représentant de l'Etat dans le département (...) a enregistré la demande d'admission au séjour du demandeur d'asile". Ces dispositions ont pour effet d'obliger l'autorité de police à transmettre au préfet, et le préfet à enregistrer, une demande d'admission au séjour au titre de l'asile formulée par un étranger à l'occasion de son interpellation pour entrée irrégulière sur le territoire français. Le préfet ne peut prendre un arrêté de reconduite à la frontière à l'encontre de cet étranger que s'il a auparavant examiné sa demande d'admission au séjour et s'il l'a légalement rejetée, ce rejet ne pouvant intervenir que pour l'un des motifs limitativement énumérés par les dispositions des 1° à 4° de l'article 31 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945.


Références :

Convention du 28 juillet 1951 Genève art. 1, art. 31-2
Loi 52-893 du 25 juillet 1952 art. 2
Loi 93-1027 du 24 août 1993 art. 45
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 31 bis


Publications
Proposition de citation : CE, 02 oct. 1996, n° 159221
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Rapporteur ?: M. de L'Hermite
Rapporteur public ?: M. Delarue

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1996:159221.19961002
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award