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04/10/1996 | FRANCE | N°149704

France | France, Conseil d'État, 5 / 3 ssr, 04 octobre 1996, 149704


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 juillet 1993 et 8 novembre 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Janique X... demeurant ... Normande à Argenteuil (95100) Val-d'Oise ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 11 février 1993 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 30 janvier 1992 aux termes de laquelle le maire de Conflans-Sainte-Honorine (Val-d'Oise) l'a informée de son licenciement, d'autre par

t, à l'annulation de la condamnation de la commune à lui verser ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 juillet 1993 et 8 novembre 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Janique X... demeurant ... Normande à Argenteuil (95100) Val-d'Oise ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 11 février 1993 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 30 janvier 1992 aux termes de laquelle le maire de Conflans-Sainte-Honorine (Val-d'Oise) l'a informée de son licenciement, d'autre part, à l'annulation de la condamnation de la commune à lui verser une indemnité égale au montant des rémunérations nette et des indemnités auxquelles elle pouvait prétendre pendant la période d'éviction illégale de son emploi ainsi qu'une somme de quarante mille francs à titre de dommages et intérêts, le tout assorti des intérêts de droit ;
2°) d'annuler la décision susmentionnée du maire de Conflans-Sainte-Honorine ;
3°) de lui accorder les indemnités réclamées ;
4°) de lui allouer une somme de dix mille francs au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Philippe Boucher, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme Janique X... et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la commune de Conflans-Sainte-Honorine,
- les conclusions de M. Gaeremynck, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision du 30 janvier 1992 :
Considérant qu'aux termes de l'article 41 du décret susvisé du 15 février 1988 : "Aucun licenciement ne peut être prononcé lorsque l'agent se trouve en état de grossesse médicalement constaté, en congé de maternité ou d'adoption ou pendant une période de quatre semaines suivant l'expiration du congé de maternité ou d'adoption. ... L'engagement peut toutefois être résilié dans les conditions prévues aux articles L. 122-25-2 et L. 122-27 du code du travail" ;
Considérant, d'une part, qu'il ressort des termes mêmes de la lettre du 30 janvier 1992, ainsi que des mémoires de la commune de Conflans-Sainte-Honorine (Val-d'Oise) devant les premiers juges, qu'en écrivant alors à Mme Janique X..., sous la forme d'une lettre recommandée avec avis de réception, "Je vous informe de ma décision de prononcer votre licenciement pour sureffectif à compter du 1er avril 1992", la commune a notifié dès cette date à son agent la mesure de licenciement qui la frappait ; que la commune ne saurait soutenir que ce courrier n'aurait été que de "courtoisie" afin de l'avertir de ce qui était envisagé dès lors que Mme X... avait été avertie par écrit dès le 24 janvier 1992 qu'une procédure de licenciement était engagée contre elle et avait consulté son dossier le 29 janvier ;
Considérant qu'il est constant et non contesté que le congé de maternité de Mme X... prenait fin le 6 mars 1992 ; qu'ainsi, son licenciement a été pris en violation des dispositions précitées, nonobstant la circonstance que le maire de la commune a pris le 13 mars suivant un arrêté reportant la date d'effet du licenciement à l'issue du congé postnatal et que seul cet arrêté aurait été transmis à la préfecture ;
Considérant que Mme X... est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a décidé que son licenciement était intervenu après la période de protection fixée par les dispositions précitées de l'article 41 du décret du 15 février 1988 ;
Considérant, d'autre part, que si la commune de Conflans-Sainte-Honorine soutient que le licenciement de Mme X... a été pris par référence à l'article L. 122-25-2 du code du travail qui autorise le licenciement, sous réserve d'observer les dispositions de l'article L. 122-27 du même code, dans l'impossibilité où se trouve l'employeur, pour un motif étranger à l'accouchement, de maintenir le contrat et que si la commune invoque les nécessités du service et la situation de sureffectif du personnel municipal, il ressort des pièces du dossier que cette situation était due, en réalité, au remplacement, qui n'aurait dû être que temporaire, par un autre agent recruté à cette fin pendant la période où Mme X... était placée régulièrement en congé de maladie d'abord, de maternité ensuite, et non à des impératifs d'organisation du service ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions dirigées contre son licenciement ; que le jugement du tribunal ainsi que la décision du 30 janvier 1992 doivent être annulés ;
Sur les conclusions tendant à l'octroi d'indemnités :
Considérant que les demandes d'indemnités de Mme X..., y compris celles qui concernent le préjudice moral, n'ont pas fait l'objet d'une démarche préalable auprès de la commune ; qu'elles ne peuvent donc qu'être rejetées ;
Sur l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'aux termes de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de Mme X... en condamnant la commune de Conflans-Sainte-Honorine à lui verser la somme de dix mille francs au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que la commune de Conflans-Sainte-Honorine, qui succombe dans la présente instance, obtienne la somme qu'elle réclame ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles du 11 février 1993 ensemble la décision du 30 janvier 1992 sont annulés.
Article 2 : La commune de Conflans-Sainte-Honorine est condamnée à payer à Mme X... la somme de 10 000 F.
Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme X... est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Conflans-Sainte-Honorine tendant au bénéfice de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Janique X..., à la commune de Conflans-Sainte-Honorine et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 5 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 149704
Date de la décision : 04/10/1996
Type d'affaire : Administrative

Analyses

- RJ1 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - POSITIONS - CONGES - CONGES DIVERS - Congé de maternité - Interdiction de licencier un agent en congé de maternité - Licenciement prenant effet après la fin du congé de maternité - Illégalité (1).

36-05-04-04, 36-10-06-02, 36-12-03-01 Article 41 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 interdisant de prononcer le licenciement d'un agent en congé de maternité. Ces dispositions sont méconnues dès lors que la décision de licenciement est notifiée à l'intéressée pendant son congé de maternité, alors même qu'est fixée une date d'effet du licenciement postérieure à la fin de ce congé.

- RJ1 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - CESSATION DE FONCTIONS - LICENCIEMENT - AUXILIAIRES - AGENTS CONTRACTUELS ET TEMPORAIRES - Licenciement d'un agent en congé de maternité - Licenciement prenant effet après la fin du congé de maternité - Illégalité (1).

- RJ1 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - AGENTS CONTRACTUELS ET TEMPORAIRES - FIN DU CONTRAT - LICENCIEMENT - Licenciement d'un agent en congé de maternité - Licenciement prenant effet après la fin du congé de maternité - Illégalité (1).


Références :

Code du travail L122-25-2, L122-27
Décret 88-145 du 15 février 1988 art. 41
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75

1.

Cf. 1981-04-24, F.O.R.M.A. p. 190


Publications
Proposition de citation : CE, 04 oct. 1996, n° 149704
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Gentot
Rapporteur ?: M. Ph. Boucher
Rapporteur public ?: M. Gaeremynck

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1996:149704.19961004
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