Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 27 juin 1994 et 27 octobre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Alain X..., demeurant Lime Clos 33, Henley's Lan-Drayton, Abington-OX 14 4 H (Grande-Bretagne) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) à titre principal, a) d'annuler l'article 1er du jugement du 27 avril 1994 par lequel le tribunal administratif de Paris, saisi par ses soins de la question préjudicielle soulevée par la cour d'appel de Rennes dans son arrêt du 12 mai 1992, a rejeté sa demande tendant à ce que l'arrêté du 1er février 1982 du ministre de la culture prononçant, sur le fondement de l'article 2 de la loi du 23 juin 1941, la rétention d'un ensemble de meubles lui appartenant qu'il se proposait d'emporter en Grande-Bretagne, soit déclaré illégal, b) de déclarer illégal cet arrêté, c) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 20 000 F, en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
2°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice des communautés européennes d'une question préjudicielle en application de l'article 177 du traité C.E.E. ;
3°) d'annuler l'article 2 du jugement précité le condamnant à payer à l'Etat une somme de 11 860 F, au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 23 juin 1941 ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Pêcheur, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Blondel, avocat de M. Alain X... et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du ministre de la culture,
- les conclusions de M. Combrexelle, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes des dispositions, alors en vigueur, de l'article 1er de l'acte dit "loi" du 23 juin 1941 relative à l'exportation des oeuvres d'art : "Les objets présentant un intérêt national d'histoire ou d'art ne pourront être exportés sans une autorisation du secrétaire d'Etat à l'éducation nationale et à la jeunesse, qui devra se prononcer dans le délai d'un mois à partir de la déclaration fournie à la douane par l'exportateur ( ...)" et qu'aux termes de l'article 2 de la même loi, "l'Etat a le droit de retenir ( ...) au prix fixé par l'exportateur, les objets proposés à l'exportation. Ce droit pourra s'exercer pendant une période de six mois" ;
Considérant que, par un arrêté du 1er février 1982, le directeur des musées de France, agissant par délégation du ministre de la culture a, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 2 de la loi du 23 juin 1941, retenu un ensemble de meubles de "transition", estampillés L.C Carpentier, appartenant à M. X..., au prix fixé par ce dernier dans la demande d'autorisation d'exportation qu'il avait présentée en vue de transférer ces objets en Grande-Bretagne ; que, ni cet arrêté, ni la lettre du 9 février 1982 qui l'a notifié à M. X..., n'indiquaient les motifs de la mesure de rétention, qui, portant atteinte au droit de M. X... de disposer des biens lui appartenant, était au nombre des décisions qui, selon les termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 "restreignent l'exercice des libertés publiques" et doivent, en application de cette loi, être motivées ; que l'arrêté du 1er février 1982 étant ainsi entaché d'illégalité, M. X... est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris qui a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit déclaré illégal ;
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que M. X..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante soit condamné à payer à l'Etat la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de ces dispositions, de condamner l'Etat à payer à M. X... une somme de 12 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 27 avril 1994 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 1er février 1982 du ministre de la culture est déclaré illégal.
Article 3 : L'Etat paiera à M. X... une somme de 12 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Les conclusions présentées par le ministre de la culture au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Alain X... et au ministre de la culture.