Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 janvier 1994 et 9 mai 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société AUTOCARS DANIEL RIGNON ET FILS, dont le siège social est ... (Cedex 05101) ; la société AUTOCARS DANIEL RIGNON ET FILS demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'arrêt du 24 novembre 1993, par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 24 septembre 1992 du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande en décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er février 1987 au 31 mars 1988 ;
2°) condamne l'Etat à lui payer une somme de 15 000 F en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Mignon, Auditeur,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la société AUTOCARS DANIEL RIGNON ET FILS,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel de Lyon que la société AUTOCARS DANIEL RIGNON ET FILS avait invoqué, devant cette dernière, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le bénéfice des mesures prévues par l'instruction 3 A-2314 du 1er septembre 1981, relative à l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée des transports internationaux par route de voyageurs, et par une lettre adressée le 3 décembre 1981, sur le même sujet, par le directeur du service de la législation fiscale au directeur général des transports intérieurs du ministère des transports ; qu'en s'abstenant de préciser les motifs pour lesquels ce moyen ne pouvait être retenu, la cour administrative d'appel de Lyon, a entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation ; que cet arrêt doit donc être annulé ;
Considérant que, par application de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'aux termes de l'article 262-II du code général des impôts : "Sont également exonérés de taxe sur la valeur ajoutée : ( ...) 10° Les transports par route de voyageurs étrangers en provenance et à destination de l'étranger, circulant en groupe d'au moins dix personnes" ; que le législateur a entendu réserver le bénéfice de cette exonération aux transports par route de voyageurs en situation de transit international, c'est-à-dire de ceux qui, arrivés en France en provenance d'un pays étranger, se rendent dans un autre pays étranger ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en vertu d'un contrat conclu en 1987 avec une société britannique, la société AUTOCARS DANIEL RIGNON ET FILS assurait le transport de voyageurs arrivés de Grande-Bretagne à l'aéroport de Grenoble vers des stations de sport d'hiver des Alpes, puis le transport de retour des mêmes voyageurs vers l'aéroport de Grenoble, à destination de la Grande-Bretagne ; que le transport de ces voyageurs, qui ne se trouvaient pas dans la situation de transit international ci-dessus décrite, ne pouvait bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par l'article 262-II-10° du code précité ;
Considérant, il est vrai, que la société AUTOCARS DANIEL RIGNON ET FILS invoque le bénéfice de l'instruction administrative du 1er septembre 1981 et de la lettre du 3 décembre 1981, déjà susmentionnées, en faisant état de ce qu'elle réalisait des transports dits "en étoile", c'est-à-dire rayonnant à partir d'un même lieu ;
Mais considérant qu' il résulte des termes mêmes des mesures invoquées que celles-ci réservent l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par l'article 262-II-10° du code général des impôts aux transports routiers "en étoile" exécutés en vertu d'un contrat de transport international unique faisant effectuer à des voyageurs étrangers un transit par la France ;que tel n'étant pas le cas des transports effectués par la société AUTOCARS DANIEL RIGNON ET FILS, ce moyen doit être écarté ;
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la société AUTOCARS DANIEL RIGNON ET FILS la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 24 novembre 1993 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par la société AUTOCARS DANIEL RIGNON ET FILS devant la cour administrative d'appel de Lyon et le surplus des conclusions de son pourvoi devant le Conseil d'Etat sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société AUTOCARS DANIEL RIGNON ET FILS et au ministre de l'économie et des finances.