Vu la requête enregistrée le 19 décembre 1994 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Mohamed X...
Y..., détenu à la maison d'arrêt Charles III, ... ; M. El Y... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 18 octobre 1994 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 30 mai 1994, ordonnant son expulsion du territoire français ;
2°) annule pour excès de pouvoir ledit arrêté ;
3°) prononce le sursis à l'exécution dudit arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu la loi n° 93-1352 du 30 décembre 1993 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Chemla, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Mohamed X...
Y...,
- les conclusions de M. Delarue, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 25 de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 : "Ne peuvent faire l'objet d'un arrêté d'expulsion (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider en France habituellement depuis qu'il a atteint au plus l'âge de six ans" ; qu'aux termes de l'article 26 de ladite ordonnance : "L'expulsion peut être prononcée : (...) b) Lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, par dérogation à l'article 25" ; qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure (...) nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales ..." ;
Considérant que M. El Y..., ressortissant marocain né en 1970, s'est rendu coupable, entre 1989 et 1993, à Nancy et dans les communes voisines, de diverses infractions pour lesquelles il a été condamné à huit reprises à des peines d'emprisonnement ; que si sa présence constitue compte tenu notamment de la répétition de ces délits une menace pour l'ordre public, elle ne constitue pas une menace d'une gravité telle qu'elle justifie l'utilisation de la procédure prévue à l'article 26, b, de l'ordonnance ; que par suite en estimant que son expulsion constituait une nécessité impérieuse pour la sécurité publique, le ministre de l'intérieur a commis une erreur d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. El Y... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 30 mai 1994 ordonnant son expulsion du territoire français ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 18 octobre 1994 et la décision du ministre de l'intérieur du 30 mai 1994 sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. El Y... et au ministre de l'intérieur.