Vu le pourvoi, enregistré le 5 janvier 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le PREFET DE LA LOIRE ; il demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 7 décembre 1994 par lequel le magistrat délégué par le tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 15 novembre 1994 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Fathia Y... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme Y... devant ce même tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Rapone, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Chantepy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que Mme Fathia Y..., née X... se trouvait dans l'un des cas où, en application de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le PREFET DE LA LOIRE pouvait ordonner sa reconduite à la frontière ;
Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressée est entrée en France pour y rejoindre son époux qui entré en France à l'âge de 10 ans, y séjournait depuis 22 ans à la date de l'arrêté attaqué et est titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2004 ; que le couple a deux enfants nés en France ; que dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à l'état de santé de M. Y..., atteint d'une invalidité au taux de 80 % qui le rend dépendant de la présence d'une tierce personne et ne lui permet pas d'assurer la charge de ses enfants, le PREFET DE LA LOIRE, en prenant l'arrêté attaqué, a porté au droit de Mme Y... au respect de sa vie familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise et commis une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 15 novembre 1994 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Y... ;
Article 1er : Le recours susvisé du PREFET DE LA LOIRE est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA LOIRE, à Mme Fathia Y... et au ministre de l'intérieur.