Vu la requête, enregistrée le 14 février 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Kheira X... épouse A..., demeurant chez Maître Caroline Y..., ... ; Mme A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 9 novembre 1994 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de police de Paris en date du 7 novembre 1994 ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision fixant le pays de renvoi ;
2°) d'annuler ledit arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée notamment par les lois des 2 août 1989, 10 janvier 1990, 26 février 1992 et 24 août 1993 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Rapone, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Chantepy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ... 6°) Si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l'autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l'étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé ..." ;
Considérant que, pour ordonner par arrêté du 7 novembre 1994 la reconduite à la frontière de Mme Kheira A..., le préfet de police s'est fondé sur la circonstance que le récépissé de sa demande de carte de séjour ne lui avait pas été renouvelé ;
Considérant qu'après avoir épousé le 6 mars 1993 un ressortissant français, Mme A... a déposé le 12 juillet 1993 une demande de certificat de résident algérien en qualité de conjointe de Français ; qu'un récépissé de demande de titre de séjour, valable jusqu'au 11 octobre 1993, lui a été délivré ; que si à cette date il n'a pas été renouvelé au motif que les époux n'avaient plus de communauté de vie et si le silence de l'administration a fait naître une décision implicite de refus de séjour, cette décision n'est pas devenue définitive en l'absence de transmission à l'intéressée d'un accusé de réception de sa demande comportant les indications mentionnées à l'article 5 du décret du 28 novembre 1983 susvisé ; que par lettre du 25 juillet 1994, qui doit être regardée comme un recours gracieux, Mme A... a réitéré sa demande de titre de séjour ; que cette demande doit être regardée comme ayant été rejetée le 7 novembre 1994, date à laquelle un arrêté de reconduite à la frontière a été pris ; que, par suite, la requérante est recevable à exciper contre ce dernier arrêté de l'illégalité des décisions par lesquelles le préfet de police a refusé tout à la fois de lui renouveler son récépissé de demande de carte de séjour et de l'admettre au séjour ;
Considérant qu'aux termes de l'article 7 bis de l'accord du 27 décembre 1968 ajouté par l'avenant du 22 décembre 1985, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles : "Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit : a) au conjoint algérien d'un ressortissant français ..." ; qu'en application de ces dispositions et même en l'absence de vie commune, le préfet ne pouvait légalement refuser à Mme A... le certificat de résidence demandé ; que, par suite, cette dernière est fondée à soutenir que le jugement attaqué ainsi que l'arrêté qui ordonne sa reconduite à la frontière et la décision qui fixe l'Algérie comme pays de destination sont entachés d'illégalité et doivent être annulés ;
Considérant en revanche que les conclusions tendant à l'annulation des décisionsrefusant à la requérante le renouvellement de son récépissé de demande de certificat de résidence sont nouvelles en appel et par suite irrecevables ; qu'elles doivent être rejetées ;
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu, en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 de condamner l'Etat à verser à Mme A... la somme de 8 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêté du 7 novembre 1994 du préfet de police de Paris ordonnant la reconduite à la frontière Mme A... ainsi que la décision fixant l'Algérie comme pays de renvoi et le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris en date du 9 novembre 1994 sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 8 000 F au titre des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Kheira Z..., au préfet de police de Paris et au ministre de l'intérieur.