Vu le recours sommaire, le mémoire et les observations complémentaires, enregistrés les 24 mars 1993, 20 juillet 1993 et 30 juin 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le MINISTRE DU BUDGET ; celui-ci demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 20 janvier 1993 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir annulé le jugement du 16 mai 1991 du tribunal administratif de Nantes, a déchargé la Coopérative agricole vendéenne d'approvisionnement et de vente de céréales (CAVAC) des suppléments d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquels elle a été assujettie au titre des années 1977 à 1981 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Froment-Meurice, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Delvolvé, avocat de la Coopérative agricole vendéenne d'approvisionnement et de vente de céréales (CAVAC),
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité du recours du MINISTRE DU BUDGET :
Considérant qu'en vertu d'un arrêté du 18 novembre 1992 du MINISTRE DU BUDGET, publié au Journal Officiel le 21 novembre 1992 et d'un arrêté du 18 mars 1993 du directeur général des impôts, publié au Journal officiel le 28 mars 1993, M. Ynden X..., sous-directeur à la direction générale des impôts, avait qualité pour introduire devant le Conseil d'Etat, au nom et par délégation du MINISTRE DU BUDGET, un recours dirigé contre l'arrêt de la cour adminsitrative d'appel de Nantes du 20 janvier 1993, qui a déchargé la Coopérative agricole vendéenne d'approvisionnement et de vente de céréales (CAVAC) des suppléments d'impôt sur les sociétés, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquels elle avait été assujettie au titre des années 1977 à 1981 ;
Sur le bien-fondé de l'arrêt :
Considérant qu'aux termes du 1. de l'article 206 du code général des impôts : " ... Sont passibles de l'impôt sur les sociétés ... les sociétés coopératives et leurs unions ainsi que toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif" ; que le I. de l'article 239 quater du même code, issu de l'article 19 de l'ordonnance n° 67-821 du 23 septembre 1967 dispose que "les groupements d'intérêt économique constitués et fonctionnant dans les conditions prévues par l'ordonnance n° 67-821 du 23 septembre 1967 n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 206-1", mais que "chacun de leurs membres est personnellement passible, pour la part des bénéfices correspondant à ses droits dans le groupement, soit de l'impôt sur le revenu, soit de l'impôt sur les sociétés s'il s'agit de personnes morales relevant de cet impôt" ; qu'aux termes, enfin, des dispositions, alors applicables, du 1. de l'article 207 du même code : "Sont exonérés de l'impôt sur les sociétés ... 3°) à condition qu'elles fonctionnent conformément aux dispositions qui les régissent, les sociétés coopératives de production, de transformation, conservation et vente de produits agricoles ..., sauf pour les opérations ci-après désignées : ... c. Opérations effectuées par les sociétés coopératives ... susvisées avec des non-sociétaires" ;
Considérant que l'exonération prévue par ces dernières dispositions s'applique, sous la condition qu'elles énoncent, aux bénéfices tirés par une société coopérative de production, de transformation, conservation ou vente de produits agricoles des opérations qu'elle réalise directement avec ses sociétaires, mais ne s'étend pas, lorsqu'une telle société est membre d'un groupement d'intérêt économique, à la part des bénéfices, correspondant à ses droits dans legroupement, qui résultent d'opérations effectuées, même avec ses propres sociétaires, par le groupement lui-même ; que, par suite, en jugeant que la Coopérative agricole vendéenne d'approvisionnement et de vente de céréales (CAVAC) était en droit de bénéficier de cette exonération pour la part lui revenant des bénéfices tirés d'opérations effectuées avec ses propres sociétaires, au cours des exercices clos en 1977, 1978, 1979, 1980 et 1981, par le groupement d'intérêt économique "CAVAC SOCOPA", qu'elle avait constitué avec la société d'intérêt collectif agricole "Maine-Viande-SOCOPA", la cour administrative d'appel de Nantes a fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article 207 du code général des impôts ; que le ministre du budget est, dès lors, fondé à demander l'annulation de son arrêt ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la Coopérative agricole vendéenne d'approvisionnement et de vente de céréales (CAVAC) a été à bon droit assujettie à l'impôt sur les sociétés au titre des années 1977 à 1981, à raison de la part des bénéfices, correspondant à ses droits dans le groupement d'intérêt économique "CAVAC SOCOPA", que celui-ci a tirés d'opérations effectuées avec ses propres sociétaires au cours des exercices clos pendant lesdites années ; que la Coopérative agricole vendéenne d'approvisionnement et de vente de céréales (CAVAC) n'est, en conséquence, pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 16 mai 1991, le tribunal administratif de Nantes a refusé de la décharger de ces impositions, ainsi que des pénalités dont elles ont été assorties ;
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la Coopérative agricole vendéenne d'approvisionnement et de vente de céréales (CAVAC) la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 20 janvier 1993 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par la Coopérative agricole vendéenne d'approvisionnement et de vente de céréales (CAVAC) devant la cour administrative d'appel de Nantes est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par la Coopérative agricole vendéenne d'approvisionnement et de vente de céréales (CAVAC) au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à la Coopérative agricole vendéenne d'approvisionnement et de vente de céréales (CAVAC).