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06/12/1996 | FRANCE | N°169554

France | France, Conseil d'État, 10 ss, 06 décembre 1996, 169554


Vu la requête enregistrée le 22 mai 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU RHONE ; le PREFET DU RHONE demande au président de la section du contentieux :
1°) d'annuler le jugement du 20 avril 1995 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté en date du 18 avril 1995 décidant la reconduite à la frontière de Mlle Kheira X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mlle X... devant ledit tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenn

e de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordon...

Vu la requête enregistrée le 22 mai 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU RHONE ; le PREFET DU RHONE demande au président de la section du contentieux :
1°) d'annuler le jugement du 20 avril 1995 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté en date du 18 avril 1995 décidant la reconduite à la frontière de Mlle Kheira X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mlle X... devant ledit tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par les lois du 2 août 1989, du 10 janvier 1990 et du 24 août 1993 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Rousselle, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Denis-Linton, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "le représentant de l'Etat dans le département, et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1°) Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. 2°) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation de visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré" ;
Considérant qu'à supposer que Mlle X... soit entrée régulièrement sur le territoire français, il n'est pas contesté qu'elle s'y est maintenue sans titre de séjour jusqu'à la date à laquelle le PREFET DU RHONE a décidé sa reconduite à la frontière ; qu'ainsi elle se trouvait dans un des cas prévus à l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant que la circonstance que le retour en France de Mlle X... après sa reconduite à la frontière, dans des conditions régulières et dans un délai raisonnable, aurait été particulièrement aléatoire, à la supposer vérifiée, n'était pas de nature, à elle seule, à établir que l'arrêté attaqué portait au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il avait été pris ; que le PREFET DU RHONE est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur ce motif pour annuler ledit arrêté ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mlle X... tant devant le tribunal administratif de Lyon qu'en appel ;
Considérant que si Mlle X... soutient que l'arrêté décidant sa reconduite à la frontière faisait obstacle à son projet de mariage avec un ressortissant français, cet arrêté ne pouvait avoir ni pour effet ni pour objet de lui interdire de se marier ; qu'il n'a donc pu méconnaître les stipulations de l'article 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que l'arrêté contesté n'emportait au détriment de Mlle X... aucune conséquence discriminatoire ; qu'il n'a donc pas davantage méconnu les stipulations de l'article 14 de ladite convention ;
Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions contenues dans des instructions ministérielles relatives à la situation des parents algériens d'enfants français ne peut en tout état de cause être invoqué utilement par Mlle X..., qui n'était pas mère d'unenfant français à la date à laquelle a été prise la décision de la reconduite à la frontière ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DU RHONE ait entaché son arrêt d'une erreur manifeste dans son appréciation de la gravité des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de Mlle X... ;
Considérant, enfin, que la circonstance que, postérieurement à l'annulation de l'arrêté du 18 avril 1995 par le jugement attaqué, Mlle X... s'est mariée avec le ressortissant français avec lequel elle souhaitait contracter mariage, et a eu un enfant français, demeure en tout état de cause sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué, laquelle doit être appréciée à la date où celui-ci a été pris ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Mlle X... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement susvisé, en date du 20 avril 1995, du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mlle X... devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de Mlle X... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU RHONE, à Mlle X... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 10 ss
Numéro d'arrêt : 169554
Date de la décision : 06/12/1996
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 12, art. 14
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 22 bis


Publications
Proposition de citation : CE, 06 déc. 1996, n° 169554
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Rousselle
Rapporteur public ?: Mme Denis-Linton

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1996:169554.19961206
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