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13/12/1996 | FRANCE | N°169706

France | France, Conseil d'État, 7 /10 ssr, 13 décembre 1996, 169706


Vu 1°), sous le n° 169 706, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 mai 1995 et 7 juin 1995 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le Syndicat intercommunal pour la revalorisation des déchets du secteur Cannes-Grasse, dont le siège est à l'Hôtel de Ville, BP 140 à Cannes Cedex (06406) ; le syndicat demande au Conseil d'Etat :
- d'annuler l'ordonnance du 13 avril 1995 par laquelle le magistrat délégué chargé des référés du tribunal administratif de Nice a, en application des dispositions de l'article L. 22 du code de

s tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et à la...

Vu 1°), sous le n° 169 706, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 mai 1995 et 7 juin 1995 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le Syndicat intercommunal pour la revalorisation des déchets du secteur Cannes-Grasse, dont le siège est à l'Hôtel de Ville, BP 140 à Cannes Cedex (06406) ; le syndicat demande au Conseil d'Etat :
- d'annuler l'ordonnance du 13 avril 1995 par laquelle le magistrat délégué chargé des référés du tribunal administratif de Nice a, en application des dispositions de l'article L. 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et à la demande de la société Coved et de la société Mistral Travaux Jean, d'une part, ordonné la suspension de la procédure de passation de la convention de délégation de service public relative à un complexe de valorisation des déchets urbains et, d'autre part, enjoint au syndicat de reprendre l'ensemble de la procédure en respectant les règles fixées par la loi modifiée du 29 janvier 1993, par le décret modifié du 1er mars 1993 et par le règlement de mise en concurrence ;
- d'ordonner le sursis à l'exécution de ladite ordonnance ;
- de condamner les sociétés Coved et Mistral Travaux Jean à lui verser la somme de 15 000 F au titre des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu 2°), sous le n° 169 796, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 mai 1995 et 14 juin 1995 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le Groupement Ufiner Cofreth, dont le siège est ... (92746) et la société anonyme Elyo, venant aux droits du groupement, et dont le siège est à la même adresse ; le Groupement Ufiner Cofreth et la société anonyme Elyo demandent au Conseil d'Etat :
- d'annuler l'ordonnance du 13 avril 1995 par laquelle le magistrat délégué chargé des référés du tribunal administratif de Nice a, en application des dispositions de l'article L. 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et à la demande de la société Coved et de la société Mistral Travaux Jean, d'une part, ordonné la suspension de la procédure de passation de la convention de délégation de service public relative à un complexe de valorisation des déchets urbains lancée par le Syndicat intercommunal pour la revalorisation des déchets du secteur Cannes-Grasse et, d'autre part, enjoint au syndicat de reprendre l'ensemble de la procédure en respectant les règles fixées par la loi modifiée du 29 janvier 1993, par le décret modifié du 1er mars 1993 et par le règlement de mise en concurrence ;
- d'ordonner le sursis à l'exécution de ladite ordonnance ;
- de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Nice ;
- de condamner les sociétés Coved et Mistral Travaux Jean à lui verser la somme de 20 000 F au titre des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 88-905 du 2 septembre 1988 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de Lesquen, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Ricard, avocat du Syndicat intercommunal pour la revalorisation des déchets du secteur Cannes-Grasse, de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la Société Coved et de la société Mistral Travaux Jean et de la SCP Coutard, Mayer, avocat du Groupement Ufiner Cofreth et de la société anonyme Elyo,
- les conclusions de M. Chantepy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre une même ordonnance du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nice en date du 13 avril 1995 ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Le président du tribunal administratif, ou son délégué, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics et des conventions de délégation de service public (...) - Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement ...- Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations (...) - Le président du tribunal administratif ou son délégué statue en premier et dernier ressort en la forme des référés" ;
Considérant qu'eu égard aux pouvoirs qui sont conférés au juge statuant sur le fondement de l'article L. 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et à la circonstance que l'ordonnance qu'il rend n'est pas susceptible d'appel, les parties doivent être mises à même de présenter au cours d'une séance publique des observations orales à l'appui de leurs observations écrites ; que la décision qu'il prend ne peut être regardée comme ayant été rendue à l'issue d'une séance publique si elle ne comporte pas la mention correspondante ; que l'ordonnance du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nice en date du 13 avril 1995 ne comporte pas une telle mention ; que dès lors, et alors même qu'elle fait mention de la convocation et de l'audition des avocats des parties à l'audience, cette ordonnance a été rendue à l'issue d'une procédure irrégulière ; que, par suite, le Syndicat intercommunal pour la revalorisation des déchets du secteur Cannes-Grasse, le Groupement Ufiner Cofreth et la société anonyme Elyo sont fondés à en demander l'annulation ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision de la juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant que la société Coved et la société Mistal Travaux Jean ont présenté une offre pour la concession du service public de valorisation des déchets urbains que se proposait de conclure le Syndicat intercommunal pour la revalorisation des déchets du secteur Cannes-Grasse ; que, dès lors, elles étaient habilitées à agir sur le fondement de l'article L. 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Considérant que les moyens tirés de la caducité des offres soumises au syndicat intercommunal et des conditions dans lesquelles elles peuvent être prorogées sont relatifs à des manquements aux conditions de la mise en concurrence ; que, par suite, ils sont susceptibles d'être soumis au juge administratif statuant sur le fondement de l'article L. 22 précité ;
Sur la demande formée sur le fondement de l'article L. 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande :
Considérant qu'aux termes de l'article 38 de la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques : "Les délégations de service public des personnes morales de droit public sont soumises à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans les conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat. - La collectivité publique dresse la liste des candidats admis à présenter une offre après examen de leurs garanties professionnelles et financières et de leur aptitude à assurer la continuité du service public et l'égalité des usagers devant le service public. - La collectivité adresse à chacun des candidats un document définissant les conditions quantitatives et qualitatives des prestations ainsi que, s'il y a lieu, les conditions de tarification du service rendu à l'usager. -Les offres ainsi présentées sont librement négociées par l'autorité responsable de la personne publique déléguante qui, au terme de ces négociations, choisit le délégataire" ; qu'aux termes de l'article 43 de la même loi, applicables aux collectivités locales, aux groupements de ces collectivités et à leurs établissements publics : "Les plis concernant les offres sont ouverts par une commission (...) Au vu de l'avis de la commission, l'autorité habilitée à signer la convention engage librement toute discussion avec une ou des entreprises ayant présenté une offre. Elle saisit l'assemblée délibérante du choix de l'entreprise auquel elle a procédé (...)" ;
Considérant qu'il résulte des dispositions susmentionnées de la loi du 29 janvier 1993 que si l'autorité déléguante choisit le délégataire à l'issue de négociations librement menées avec les candidats en fonction des offres qu'ils ont présentées, elle est tenue de mettre en oeuvre une procédure de publicité et de recueil des offres ; que, dès lors, dans le cas où le règlement de mise en concurrence édicté par l'autorité déléguante prévoit une date limite de validité des offres, celle-ci ne peut être prorogée qu'avec l'accord de l'ensemble des candidats admis à présenter une offre ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le Syndicat intercommunal pour la revalorisation des déchets du secteur Cannes-Grasse a reporté la date de validité des offres présentées par les cinq candidats qu'elle avait retenus, en ne recueillant l'accord que de trois d'entre eux ; que, par suite, et alors même que les offres des deux autres candidats n'avaient pas reçu un avis favorable de la part de la commission mentionnée à l'article 43 de la loi du 29 janvier 1993, la procédure de délégation du service public de valorisation des déchets poursuivie par le syndicat intercommunal est entachée d'irrégularité ; qu'il y a lieu, dès lors, de suspendre la passation du contrat et, eu égard à l'irrégularité commise, d'enjoindre au Syndicat intercommunal pour la revalorisation des déchets du secteur Cannes-Grasse de reprendre l'ensemble de la procédure de délégation du service public de valorisation des déchets ;
Sur les conclusions présentées par la société Coved et la société Mistral Travaux Jean tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner le Syndicat intercommunal pour la revalorisation des déchets du secteur Cannes-Grasse, d'une part, et le Groupement Ufiner Cofreth et la société anonyme Elyo, d'autre part, à payer chacun aux sociétés Coved et Mistral Travaux Jean une somme de 10 000 F au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
Considérant en revanche que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que les sociétés Coved et Mistral Travaux Jean, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, soient condamnées à verser au Syndicat intercommunal pour la revalorisation des déchets du secteur Cannes-Grasse et à la société Elyo la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'ordonnance du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nice en date du 13 avril 1995 est annulée.
Article 2 : La passation de la convention de délégation de service public relative à un complexe de valorisation des déchets urbains lancée par le Syndicat intercommunal pour la revalorisation des déchets du secteur Cannes-Grasse est suspendue.
Article 3 : Il est enjoint au Syndicat intercommunal pour la revalorisation des déchets du secteur Cannes-Grasse de reprendre l'ensemble de la procédure de délégation du service public.
Article 4 : Le Syndicat intercommunal pour la revalorisation des déchets du secteur Cannes-Grasse, d'une part, et le Groupement Ufiner Cofreth et la société anonyme Elyo sont condamnés à verser aux sociétés Coved et Mistral Travaux Jean une somme de 10 000 F chacun au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes du Syndicat intercommunal pour la revalorisation des déchets du secteur Cannes-Grasse, du Groupement Ufiner Cofreth et de la société anonyme Elyo est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée au Syndicat intercommunal pour la revalorisation des déchets du secteur Cannes-Grasse, au Groupement Ufiner Cofreth, à la société anonyme Elyo, à la société Coved, à la société Mistral Travaux Jean et au ministre de l'intérieur.


Sens de l'arrêt : Annulation suspension d'une délégation de service public injonction
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Référé

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FORMATION DES CONTRATS ET MARCHES - MODE DE PASSATION DES CONTRATS - DELEGATIONS DE SERVICE PUBLIC - Prorogation de la date de validité des offres sans recueil préalable de l'accord de l'ensemble des candidats - Irrégularité.

39-02-02-01, 39-02-005 Il résulte des dispositions des articles 38 et 43 de la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques que si l'autorité déléguante choisit le délégataire à l'issue de négociations librement menées avec les candidats en fonction des offres qu'ils ont présentées, elle est tenue de mettre en oeuvre une procédure de publicité et de recueil des offres. Dès lors, dans le cas où le réglement de mise en concurrence édicté par l'autorité déléguante prévoit une date limite de validité des offres, celle-ci ne peut être prorogée qu'avec l'accord de l'ensemble des candidats admis à présenter une offre. Par suite, est entachée d'irrégularité la procédure poursuivie par un syndicat intercommunal qui a reporté la date de validité des offres présentées par les cinq candidats qu'il avait retenus en ne recueillant l'accord que de trois d'entre eux, alors même que les offres des deux autres candidats n'avaient pas reçu un avis favorable de la part de la commission d'ouverture des plis.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FORMATION DES CONTRATS ET MARCHES - FORMALITES DE PUBLICITE ET DE MISE EN CONCURRENCE - Délégation de service public (article 38 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993) - Prorogation de la date de validité des offres sans recueil préalable de l'accord de l'ensemble des candidats - Irrégularité.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L22
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Loi 93-122 du 29 janvier 1993 art. 38, art. 43


Publications
Proposition de citation: CE, 13 déc. 1996, n° 169706
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Gentot
Rapporteur ?: M. de Lesquen
Rapporteur public ?: M. Chantepy
Avocat(s) : Me Ricard, SCP Piwnica, Molinié, Coutard, Mayer, Avocat

Origine de la décision
Formation : 7 /10 ssr
Date de la décision : 13/12/1996
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 169706
Numéro NOR : CETATEXT000007920655 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1996-12-13;169706 ?
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