Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 22 janvier 1996 et 22 février 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Jacques X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'article 2 du jugement du 21 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées le 18 juin 1995 dans la commune de Vitrolles ;
2°) condamne M. C... et MM. A..., B..., Z... et Y... à lui verser la somme de 19 926 F en application de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Gervasoni, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. Jean-Jacques X... et de Me Pradon, avocat de M. Bruno C...,
- les conclusions de M. Touvet, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours des opérations électorales qui ont eu lieu le 18 juin 1995 à Vitrolles pour le second tour des élections municipales, des délégués de la liste "Pour l'amour de Vitrolles" conduite par M. X..., ont dans deux des dix-neuf bureaux de vote et pendant une partie au moins du scrutin, communiqué à des tiers des renseignements permettant d'identifier les électeurs qui n'avaient pas encore pris part au vote à l'effet de les exhorter à se rendre aux urnes ; que la divulgation préférentielle de renseignements nominatifs au cours du scrutin à des fins étrangères à la mission de contrôle des opérations de vote dévolue aux délégués des candidats par l'article L. 67 du code électoral, pour blâmable qu'elle soit, n'a pas dans les circonstances de l'espèce, et compte tenu notamment de l'écart de 353 voix, représentant plus de 2,12 % des suffrages exprimés, ayant séparé les deux listes arrivées en tête lors de ce second tour, été à elle seule de nature à altérer la sincérité du scrutin ; que par suite, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé pour annuler les élections en cause sur ce que cette manoeuvre avait à elle seule faussé les résultats du scrutin ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres griefs soulevés par M. C... à l'appui de sa protestation ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres griefs :
Considérant qu'il résulte, en premier lieu de l'instruction, que l'avant-veille du scrutin, des informations inexactes selon lesquelles M. Lecler, conseiller municipal sortant et personnalité politique connue à Vitrolles cessait d'apporter son soutien à M. C... ont été publiées ; que ces informations largement diffusées n'ont pu être démenties en temps utile et ont contribué à fausser la sincérité du scrutin ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 49 du code électoral : "A partir de la veille du scrutin à zéro heures, il est interdit de diffuser par tout moyen de communication audiovisuelle tout message ayant le caractère de propagande électorale" ; qu'en violation de ces dispositions, le service de radiodiffusion "France Info" a diffusé de façon répétée au cours de la journée du samedi 17 juin, veille du scrutin, un communiqué de la direction nationale du RPR appelant à "tout mettre en oeuvre pour battre M. C..." ; qu'eu égard à l'audience de cette radio, la diffusion répétée de ce message dont les effets n'ont pu être utilement combattus par des appels à voter pour M. C... lancés par des partisans de sa liste circulant dans des voitures munies de mégaphones a également contribué à altérer la sincérité du scrutin ;
Considérant, enfin, que la loi du 30 septembre 1986 modifiée notamment par la loi du 17 janvier 1989, a confié au Conseil supérieur de l'audiovisuel la mission de veiller au respect des principes définis aux articles 1 et 3 de ladite loi, au nombre desquels figurent l'égalité de traitement et l'expression du pluralisme des courants de pensée et d'opinion ; que, par sa recommandation n° 95-2 du 25 avril 1995 concernant les élections municipales de juin 1995, adressée à l'ensemble des services de communication audiovisuelle, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a précisé qu'à compter du 8 mai 1995, "les prises de position, les comptes-rendus, commentaires et présentations auxquels donnent lieu les élections municipales sont exposés avec un souci constant d'équité. Les services de communication audiovisuelle veillent à ce que les listes, les personnalités ou formations politiques qui les soutiennent bénéficient d'un accès à l'antenne équitable. Les diffuseurs nationaux et régionaux veillent à ne pas consacrer une couverture disproportionnée à certaines circonscriptions. Lorsqu'il est traité d'une circonscription donnée, les services de communication audiovisuelle veillent à rendre compte de l'ensemble des listes candidates" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les services de télévision TF1 et France 2 ont, au cours des journaux de 20 heures du 17 juin 1995 diffusé des reportages de plusieurs minutes relatifs aux élections municipales à Vitrolles ; que ces reportages presque exclusivement consacrés à un meeting organisé la veille par M. X... et au soutien que lui apportaient plusieurs personnalités politiques nationales ne faisaient allusion que très brièvement, en termes hostiles ou ironiques, à la candidature de M. C... ; que les services de télévision en cause ont ainsi méconnu l'obligation d'impartialité qui leur incombe en vertu des dispositions susrappelées de la loi du 30 septembre 1986 ; qu'eu égard à l'audience des émissions en cause qui ont constitué l'essentiel des émissions consacrées par les services de télévision au second tour des élections municipales à Vitrolles, les irrégularités ainsi commises ont contribué à altérer la sincérité du scrutin ;
Considérant que si aucune des irrégularités ou manoeuvres ci-dessus évoquées ne peut être regardée comme ayant pu à elle seule altérer la sincérité du scrutin, leur conjonction ajoutée à la sollicitation illicite des abstentionnistes dans au moins deux bureaux de vote, a été de nature compte tenu de l'écart réduit des voix obtenues par les listes arrivées en tête à en vicier les résultats ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé les opérations électorales litigieuses ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. C... qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à M. X... la somme de 19 926 F qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande présentée sur le même fondement par M. C... ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. C... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Jacques X..., à M. Bruno C... et au ministre de l'intérieur.