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30/12/1996 | FRANCE | N°151626

France | France, Conseil d'État, 6 / 2 ssr, 30 décembre 1996, 151626


Vu l'ordonnance en date du 30 août 1993, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 3 septembre 1993, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, la demande présentée à ce tribunal par l'ASSOCIATION "ACT UP-PARIS" ;
Vu la demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 1er juin 1993, présentée par l'ASSOCIATION "ACT UP-PARIS", dont le siège est ..., représentée par son président en exer

cice et tendant à l'annulation du décret n° 93-726 du 29 mars 19...

Vu l'ordonnance en date du 30 août 1993, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 3 septembre 1993, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, la demande présentée à ce tribunal par l'ASSOCIATION "ACT UP-PARIS" ;
Vu la demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 1er juin 1993, présentée par l'ASSOCIATION "ACT UP-PARIS", dont le siège est ..., représentée par son président en exercice et tendant à l'annulation du décret n° 93-726 du 29 mars 1993 portant réforme du code pénal (deuxième partie : décrets en Conseil d'Etat) et modifiant certaines dispositions de droit pénal et de procédure pénale, en tant que le nouvel article R. 624-2 du code pénal, annexé au décret, punit notamment de l'amende prévue pour les contraventions de la 4ème classe la diffusion de messages contraires à la décence ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution et notamment ses articles 34 et 37 ;
Vu le code pénal ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle de Silva, Auditeur,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir soulevée par le ministre de l'intérieur :
Considérant que la requête de l'ASSOCIATION "ACT UP-PARIS" tend à l'annulation du décret du 29 mars 1993 susvisé en tant qu'il introduit un nouvel article R. 624-2 du code pénal, et dans la mesure où cet article punit de l'amende prévue pour les contraventions de la 4ème classe la diffusion de messages contraires à la décence ;
Considérant qu'aux termes des dispositions contestées de l'article R. 624-2 du code pénal : "Le fait de diffuser sur la voie publique ou dans des lieux publics des messages contraires à la décence est puni de l'amende prévue pour les contraventions de 4ème classe. Est puni de la même peine le fait, sans demande préalable du destinataire, d'envoyer ou de distribuer à domicile de tels messages. Les personnes coupables des contraventions prévues au présent article encourent également la peine complémentaire de confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit. Le fait de faciliter sciemment, par aide ou assistance, la préparation ou la consommation des contraventions prévues au présent article est puni des mêmes peines. Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2, des infractions définies au présent article. Les peines encourues par les personnes morales sont : 1°) L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-14 ; 2°) La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit."
Considérant qu'en donnant compétence au législateur pour fixer "les règles concernant ... les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques", l'article 34 de la Constitution n'a pas retiré au chef du gouvernement les attributions de police générale qu'il exerçait antérieurement ; qu'il appartient dès lors au Premier ministre de pourvoir, par des précautions convenables, au bon ordre sur l'ensemble du territoire ; qu'ainsi, l'association requérante n'est pas fondée à se prévaloir de l'article 34 de la Constitution pour soutenir qu'en réglementant la diffusion de messages contraires à la décence les dispositions précitées du décret attaqué seraient intervenues dans une matière qui relève du domaine de la loi ;

Considérant que, d'après l'article 37 de la Constitution : "Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire" ; que, si l'article 34 réserve à la loi le soin de fixer "les règles concernant ... la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables", cet article ne mentionne pas, en revanche, les règles concernant la détermination des infractions punies de peines contraventionnelles ; qu'au nombre de celles-ci figure, en vertu de l'article 131-12 du nouveau code pénal, s'agissant des personnesphysiques, et 131-40 du même code, s'agissant des personnes morales, l'amende ; qu'ainsi les dispositions contestées du décret attaqué ont pu légalement punir de l'amende prévue pour les contraventions de 4ème classe toute infraction aux dispositions qu'il édicte ; que ces dispositions sont rédigées en des termes qui satisfont au principe de la légalité des peines ;
Considérant qu'il appartient au Gouvernement pour maintenir l'ordre public d'adopter par voie réglementaire les mesures propres à prévenir la diffusion de messages contraires au bon ordre ; qu'il a pu apporter à la liberté de communication une restriction qui, compte-tenu du caractère limité des atteintes éventuelles portées aux possibilités de diffusion des messages relatifs à la santé publique, était nécessaire au maintien du bon ordre et de la tranquillité publics ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de l'ASSOCIATION "ACT UP-PARIS" tendant à l'annulation partielle du décret attaqué doivent être rejetées ;
Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION "ACT UP-PARIS" est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION "ACT UP-PARIS", au Garde des Sceaux, ministre de la justice, au ministre de l'intérieur et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 6 / 2 ssr
Numéro d'arrêt : 151626
Date de la décision : 30/12/1996
Type d'affaire : Administrative

Analyses

37-03 JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES - REGLES GENERALES DE PROCEDURE.


Références :

Code pénal 131-12, 131-40, R624-2
Constitution du 04 octobre 1958 art. 34, art. 37
Décret 93-726 du 29 mars 1993 décision attaquée confirmation


Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 1996, n° 151626
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mlle de Silva
Rapporteur public ?: M. Piveteau

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1996:151626.19961230
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