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30/12/1996 | FRANCE | N°177285

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 30 décembre 1996, 177285


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 février 1996 et 8 mars 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Philippe K..., demeurant ... ; M. K... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 21 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa protestation contre les opérations électorales qui se sont déroulées les 11 et 18 juin 1995 dans la commune de Chantilly et sa demande tendant à l'annulation de l'élection de M. Eric XE... et à la déclaration de son inéligibilité ;

) d'annuler ces opérations électorales, d'annuler l'élection de M. XE... et...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 février 1996 et 8 mars 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Philippe K..., demeurant ... ; M. K... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 21 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa protestation contre les opérations électorales qui se sont déroulées les 11 et 18 juin 1995 dans la commune de Chantilly et sa demande tendant à l'annulation de l'élection de M. Eric XE... et à la déclaration de son inéligibilité ;
2°) d'annuler ces opérations électorales, d'annuler l'élection de M. XE... et de le déclarer inéligible pendant une durée d'un an ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de Bellescize, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort des mentions du jugement attaqué qu'il a été prononcé en audience publique le 21 décembre 1995 ; que, cependant, par un article de son édition régionale datée du 20 décembre 1995, un quotidien a révélé le sens et les motifs de ce jugement ; qu'une telle publicité, intervenue avant la lecture du jugement, a porté au principe général du secret des délibérations de la formation de jugement une atteinte qui n'a été rendue possible que par une irrégularité de la procédure suivie devant le tribunal administratif, laquelle irrégularité doit, dans les circonstances de l'espèce, entraîner l'annulation du jugement du 21 décembre 1995 ;
Considérant que le délai imparti au tribunal administratif par l'article R. 120 du code électoral pour statuer sur la protestation de M. K... est expiré ; que, dès lors, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de statuer immédiatement sur cette protestation ;
Sur les griefs tirés de l'inéligibilité des candidats proclamés élus sur la liste "J'aime Chantilly, Ensemble pour Chantilly" conduite par M. Eric XE... et de l'irrégularité des contributions au financement de la campagne de ladite liste :
Considérant que ces griefs ne sont pas assortis des précisions permettant au Conseil d'Etat d'en apprécier le bien-fondé ; qu'ainsi, ils ne peuvent qu'être écartés ;
Sur le grief tiré du dépassement du plafond des dépenses électorales :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 52-12 du code électoral : "Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues, et selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle, par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4 ..." ;
Considérant que si un sondage a été réalisé le 19 mai 1995 auprès de 402 personnes habitant Chantilly, en vue de connaître l'intérêt des électeurs pour la création d'emplois à Chantilly et les chances de succès des différentes listes à l'élection municipale à Chantilly, il n'est pas établi que les dépenses correspondantes aient été exposées par M. XE... ou avec son accord ;

Considérant que la publication d'un ouvrage ne saurait, en principe, être regardée comme une action de propagande du seul fait que l'auteur de ce livre est candidat à une élection ; que, cependant, l'ouvrage de M. XE... intitulé le Dictionnaire de Chantilly, publié en juin 1994, comprend des réflexions critiques et des suggestions qui touchent à la gestion communale, aux activités locales et à la vie quotidienne des habitants de Chantilly ; que ce livre apparaît dans cette mesure comme un ouvrage de caractère électoral ; que, par suite, ont le caractère de dépenses engagées en vue de l'élection, au sens de l'article L. 52-12, les dépenses effectuées envue de sa promotion, dont il résulte de l'instruction qu'elles se sont limitées à la distribution gratuite de quatre-vingts exemplaires au cours de trois séances de présentation et de dédicace en librairie, pour un montant total de 3 200 F, que le candidat a fait figurer dans son compte de campagne ; qu'en revanche, dès lors que cet ouvrage ne constitue pas la présentation même du programme du candidat, il n'y a pas lieu d'inclure le coût de son édition dans le compte de campagne du candidat ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les affranchissements effectués dans le cadre de la campagne de M. XE... par la société Numismatique française ont été facturés à son association de financement électorale et que le coût correspondant figure dans son compte de campagne ; que, par suite, M. K... n'est pas fondé à soutenir que ces dépenses devraient être ajoutées au montant des dépenses électorales retracées par ce compte ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le grief tiré du dépassement du plafond des dépenses électorales doit être écarté ; que, par suite, M. K... n'est pas fondé à soutenir que M. XE... devrait être déclaré inéligible et que son élection devrait être annulée ;
Sur les griefs tirés d'irrégularités commises pendant la campagne électorale :
Considérant que l'utilisation d'une photographie du brigadier chef de la police municipale aux fins d'illustration du thème de la sécurité dans une brochure présentant le projet électoral de la liste "J'aime Chantilly - Ensemble pour Chantilly" n'a pu, dans les circonstances de l'espèce, faire croire aux électeurs que la police municipale apportait son soutien à la liste ;
Considérant que si certains des documents de propagande électorale de la liste utilisaient les couleurs noir, bleu et rouge sur fond blanc pour écrire le mot "Chantilly", faisant ainsi apparaître une combinaison des trois couleurs bleu, blanc, rouge, cette circonstance n'était pas de nature à leur conférer un caractère officiel ni à constituer une pression susceptible d'altérer la sincérité du scrutin ;

Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction que ni l'envoi au président du groupement des artisans et commerçants de Chantilly, en réponse aux questions de ce dernier, d'un courrier de M. XE... rédigé sur papier à en-tête préalablement barrée "Premier ministre - Cabinet", et ensuite photocopié à l'intention de quatre-vingt-seize commerçants de la commune, ni l'utilisation, au dos de la profession de foi de la liste, d'une photographie montrant le candidat tête de liste en compagnie de M. Jacques I... au cours de la campagne en vue des élections présidentielles, n'ont été de nature à conférer un caractère officiel à la candidature de M. XE... et n'ont constitué une manoeuvre destinée à faire pression sur les électeurs ; qu'ainsi, M. K... n'est pas fondé à soutenir que M. XE... aurait utilisé de façon abusive sa qualité de membre du cabinet du Premier ministre, en vue des élections contestées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'ordonner le supplément d'instruction sollicité que M. K... n'est pas fondé à demander l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées les 11 et 18 juin 1995 à Chantilly ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient mis à la charge de M. XE..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. K... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. K... la somme de 40 000 F au titre des frais exposés par M. XE... et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement en date du 21 décembre 1995 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.
Article 2 : La protestation de M. K... et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions de M. K... et de M. XE... tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Philippe K..., à M. Eric XE..., à M. Pierre G..., à Mme Marie-Danièle U..., à M. Claude XD..., à Mme Margaret XX..., à M. Jean Z..., à Mme Antoinette O..., à M. XY... Triai, à M. Jacques XB..., à M. Gérard A..., à Mme Caroline XC..., à M. Jean-Marie E..., à Mme Béatrice H..., à M. Xavier D..., à Mme T... Le Meunier, à M. Nicolas J..., à Mme Corinne S..., à M. Guy XW..., à Mme Viviane C..., à M. Jacques XZ..., à M. Hubert Y..., à M. Boniface X..., à M. Henri Q..., à M. André XA..., à M. François F..., à M. Bernard P..., à Mme Marie-Thérèse B..., à M. Bernard V..., à M. Pierre L..., à M. N... Louis-dit-Trieau, à M. Eric M..., à M. Philippe R... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 1 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 177285
Date de la décision : 30/12/1996
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

28-005-04-02-04 ELECTIONS - DISPOSITIONS GENERALES APPLICABLES AUX ELECTIONS POLITIQUES - FINANCEMENT ET PLAFONNEMENT DES DEPENSES ELECTORALES - COMPTE DE CAMPAGNE - DEPENSES -Publication d'un ouvrage présentant, eu égard à son contenu et à la date de sa parution, un caractère électoral - Dépenses devant figurer dans le compte de campagne - 1) Existence - Dépenses effectuées en vue de la promotion de l'ouvrage - 2) Absence - Coût de son édition.

28-005-04-02-04 La publication d'un ouvrage ne saurait, en principe, être regardée comme une action de propagande du seul fait que l'auteur de ce livre est candidat à une élection. Toutefois, un ouvrage publié un an avant les élections et comprenant des réflexions critiques et des suggestions touchant à la gestion communale, aux activités locales et à la vie quotidienne des habitants de la commune dans laquelle l'auteur est candidat aux élections municipales, présente dans cette mesure, un caractère électoral. Doivent par suite être regardées comme des dépenses engagées en vue de l'élection au sens de l'article L. 52-12 du code électoral, les dépenses engagées en vue de la promotion de cet ouvrage qui ont consisté dans la distribution gratuite de 80 exemplaires dans la circonscription. En revanche, dès lors que cet ouvrage ne constitue pas la présentation même du programme du candidat, il n'y a pas lieu d'inclure le coût de son édition dans le compte de campagne du candidat.


Références :

Code électoral R120, L52-12
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 1996, n° 177285
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Rapporteur ?: M. de Bellescize
Rapporteur public ?: Mme Maugüé

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1996:177285.19961230
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