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08/01/1997 | FRANCE | N°139711

France | France, Conseil d'État, 9 / 8 ssr, 08 janvier 1997, 139711


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 24 juillet 1992 et 24 novembre 1992, présentés pour M. Georges X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 16 juin 1992 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à la réformation du jugement du tribunal administratif de Paris du 25 octobre 1989, qui n'a fait que partiellement droit à ses demandes aux fins de réduction des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre

de chacune des années 1979, 1980 et 1981, ainsi que des pénalités...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 24 juillet 1992 et 24 novembre 1992, présentés pour M. Georges X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 16 juin 1992 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à la réformation du jugement du tribunal administratif de Paris du 25 octobre 1989, qui n'a fait que partiellement droit à ses demandes aux fins de réduction des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre de chacune des années 1979, 1980 et 1981, ainsi que des pénalités ajoutées à ces impositions, et du montant de sa souscription à l'emprunt obligatoire de 1983 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Fabre, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Boré, Xavier, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de la procédure suivie devant la cour administrative d'appel :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel de Paris que le dernier mémoire présenté devant celle-ci par le ministre du budget le 14 avril 1992 ne comportait aucun élément nouveau qui fût de nature à influer sur le jugement de l'affaire ; que, dès lors, la Cour a pu, sans commettre d'irrégularité, s'abstenir de communiquer ce mémoire à M. X... avant de porter l'affaire au rôle de l'audience au cours de laquelle elle en a délibéré ;
Sur le bien-fondé de l'arrêt :
En ce qui concerne les droits procédant des bases notifiées à M. X... le 21 décembre 1983 :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel qu'à l'issue d'une vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble de M. X..., l'administration a, le 21 décembre 1983, fait connaître à celui-ci qu'en application des dispositions de l'article 168 du code général des impôts, les bases de l'impôt sur le revenu le concernant seraient portées pour chacune des années 1979 à 1981, aux sommes forfaitaires résultant de l'application du barème inclus dans cet article à certains éléments de son train de vie ; que M. X... a, notamment, contesté, devant les juges du fond, le montant des droits procédant des bases ainsi notifiées, en soutenant qu'il y aurait eu lieu d'opérer, sur la somme forfaitaire découlant de la prise en compte d'un véhicule de marque Citroën, la réduction de moitié prévue par le barème pour "les voitures qui sont affectées principalement à un usage professionnel" ;
Considérant, en premier lieu, qu'en estimant qu'il ne ressortait "d'aucune pièce du dossier que ledit véhicule ait été, au cours des années en cause, affecté par M. X... à un usage principalement professionnel", la cour administrative d'appel n'a aucunement dénaturé les faits ;
Considérant, en second lieu, qu'en écartant le moyen tiré par M. X... de ce que l'administration aurait formellement admis l'usage professionnel du véhicule au titre d'années précédentes, au motif que les dispositions, invoquées par l'intéressé, de l'article L.80-B du livre des procédures fiscales, issues de la loi du 8 juillet 1987, n'étaient pas encore en vigueur à la date de la mise en recouvrement des impositions contestées, soit le 30 septembre 1984, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ;
En ce qui concerne les droits procédant, au titre de l'année 1981, des bases supplémentaires notifiées à M. X... le 28 mars 1984 :
Considérant qu'aux termes de l'article L.50 du livre des procédures fiscales : "Lorsqu'elle a procédé à une vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble d'un contribuable au regard de l'impôt sur le revenu, l'administration des impôts ne peut plus procéder à des redressements pour la même période et pour le même impôt, à moins que le contribuable ne lui ait fourni des éléments incomplets ou inexacts" ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel que, par une seconde notification du 28 mars 1984, l'administration a fait connaître à M. X... qu'au titre de l'année 1981, la base d'imposition forfaitaire qui lui avait été notifiée le 21 décembre 1983 serait rehaussée, du fait de plusieurs corrections apportées dans l'application du barème de l'article 168 du code général des impôts à ses éléments de train de vie ; que l'une de ces corrections ayant, toutefois, pour effet de réduire la base imposable, le nouveau redressement notifié par l'administration a uniquement procédé, d'une part, du quintuplement de la somme forfaitaire correspondant à la prise en compte d'un bateau de plaisance, prévu au barème "pour les bateaux de plaisance battant pavillon d'un pays ou territoire qui n'a pas conclu avec la France de convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales" et, d'autre part, de la prise en compte d'une voiture supplémentaire de marque Fiat ;
Considérant, en premier lieu, que M. X..., à qui le vérificateur avait, le 16 mars 1982, demandé de lui préciser la nature de ses éléments de train de vie sur un imprimé "modèle 2060" comportant, sous la rubrique "yachts et bateaux de plaisance", une colonne "nationalité du pavillon (Etat ou territoire)", n'est pas fondé à prétendre qu'il n'aurait pas été interrogé sur ce point au cours de la vérification de sa situation fiscale d'ensemble, et que la cour administrative d'appel aurait dénaturé les faits en relevant que, s'étant abstenu, à l'occasion des opérations de vérification, d'aviser l'administration de ce que son bateau "Starcraft" battait pavillon d'un pays n'ayant pas conclu de convention d'assistance administrative avec la France, il invoquait à tort une violation des dispositions précitées de l'article L.50 du livre des procédures fiscales en ce qui concerne ce chef de rehaussement ;

Considérant, en second lieu, qu'en ce qui concerne la prise en compte d'une voiture de marque Fiat qui, selon l'administration, aurait été mise à la disposition de M. X... par une société dont il était l'un des dirigeants à partir du début de l'année 1981, M. X... a soutenu, devant la cour administrative d'appel, n'avoir utilisé qu'une fois ce véhicule appartenant à la société, et qu'en tout état de cause, l'administration n'avait recueilli, postérieurement à la première notification de redressements du 21 décembre 1983, aucun élément nouveau justifiant de le prendre en compte et qu'il lui aurait dissimulé au cours des opérations de vérification ; qu'en se bornant à énoncer que M. X... avait omis de déclarer à l'administration qu' "au cours des années 1979, 1980 et 1981", il avait eu la disposition, ainsi que cela ressortait des pièces du dossier, de ce véhicule de marque Fiat, la cour administrative d'appel n'a pas répondu au moyen, non inopérant, dont elle était saisie, tiré d'une méconnaissance des dispositions de l'article L.50 du livre des procédures fiscales en ce qui concerne ce chef de rehaussement, ni, eu égard à sa référence aux trois années 1979 à 1981, durant lesquelles il est constant que M. X... a eu la disposition d'une autre voiture de marque Fiat que celle retenue par l'administration au titre de la seule année 1981, mis le juge de cassation en mesure de s'assurer qu'elle a réellement examiné les faits contestés ; que, par suite, M. X... est fondé à demander que l'arrêt attaqué soit annulé, en tant que la Cour a statué sur la régularité et le bienfondé du supplément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1981, à concurrence de la fraction des droits assignés procédant de l'inclusion, dans sa base d'imposition, de la somme forfaitaire s'élevant à 32 040 F, afférente à la disposition d'un véhicule de marque Fiat ;
En ce qui concerne les pénalités :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'ensemble des dispositions du code général des impôts que, jusqu'à l'entrée en vigueur de l'article 112 de la loi de finances pour 1993, du 30 décembre 1992, le législateur avait entendu exclure l'obligation pour l'administration de suivre une procédure contradictoire pour l'établissement des pénalités fiscales ; que la cour administrative d'appel, dont l'arrêt n'est pas, sur ce point, insuffisamment motivé, a, par suite, écarté sans commettre d'erreur de droit le moyen tiré par M. X... de ce que les pénalités mises à sa charge auraient irrégulièrement été établies sans que fût indiqué, dans la lettre de motivation qui lui a été adressée le 30 mai 1984, qu'il disposait d'un délai pour présenter des observations ;

Considérant, en second lieu, qu'en se bornant à énoncer, pour juger bien fondées les pénalités pour mauvaise foi appliquées par l'administration à une partie des droits litigieux, "que la bonne foi du contribuable ne peut, dans les circonstances de l'espèce, être retenue", sans rechercher si M. X... devait être regardé comme ayant délibérément omis de mentionner des éléments de son train de vie sur ses déclarations de revenus, et en admettant le bien-fondé des pénalités pour manoeuvres frauduleuses appliquées par l'administration à une partie des droits établis au titre de l'année 1981 au seul motif que M. X... avait dissimulé au service des éléments importants de son train de vie et, par là-même, tenté d'éluder l'impôt correspondant, sans rechercher si l'intéressé avait, lors de la souscription de sa déclaration de revenus, créé des apparences de nature à égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle, la cour administrative d'appel n'a pas légalement motivé les qualifications juridiques ainsi données aux comportements de M. X... ; que celui-ci est, par suite, fondé à demander que l'arrêt attaqué soit, sur ce point, annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer devant la cour administrative d'appel de Paris les conclusions de la requête présentée à celle-ci par M. X..., qui tendent, d'une part, à la décharge de la fraction du supplément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1981, en conséquence de l'inclusion dans sa base d'imposition de la somme forfaitaire de 32 040 F correspondant à la disposition d'une voiture de marque Fiat, d'autre part, à ce que soient jugées non fondées les pénalités pour mauvaise foi ou pour manoeuvres frauduleuses appliquées par l'administration à une partie des impositions contestées ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 16 juin 1992 est annulé, en tant que la Cour a statué sur la régularité et le bien-fondé de la fraction du supplément d'impôt sur le revenu auquel M. X... a été assujetti au titre de l'année 1981 à raison d'une somme forfaitaire de 32 040 F correspondant à la prise en compte d'une voiture de marque Fiat pour l'application du barème de l'article 168 du code général des impôts, d'une part, et sur le bienfondé des pénalités appliquées aux suppléments d'impôt sur le revenu auxquels M. X... a été assujetti au titre de chacune des années 1979 à 1981, d'autre part.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative de Paris en ce qui concerne les points définis à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Georges X... et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 9 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 139711
Date de la décision : 08/01/1997
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES - IMPOT SUR LE REVENU - DETERMINATION DU REVENU IMPOSABLE - EVALUATION FORFAITAIRE DU REVENU - Détermination des éléments du train de vie - Contrôle du juge de cassation - Appréciation souveraine des juges du fond.

19-04-01-02-03-05, 54-08-02-02-01-03 L'appréciation portée par les juges du fond sur la détermination des éléments du train de vie d'un contribuable utilisés par l'administration pour appliquer le barème fixé par l'article 168 du code général des impôts afin de déterminer forfaitairement le revenu de ce contribuable n'est pas soumise au contrôle du juge de cassation, sauf dénaturation.

PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTROLE DU JUGE DE CASSATION - REGULARITE INTERNE - APPRECIATION SOUVERAINE DES JUGES DU FOND - Evaluation forfaitaire du revenu d'un contribuable (article 168 du C - G - I - ) - Appréciation des juges du fond sur la détermination des éléments du train de vie.


Références :

CGI 168
CGI Livre des procédures fiscales L80, L50
Loi du 08 juillet 1987
Loi du 30 décembre 1992 art. 112 Finances pour 1993


Publications
Proposition de citation : CE, 08 jan. 1997, n° 139711
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Groux
Rapporteur ?: M. Fabre
Rapporteur public ?: M. Goulard

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1997:139711.19970108
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