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08/01/1997 | FRANCE | N°183363

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 08 janvier 1997, 183363


Vu la requête sommaire, le mémoire rectificatif et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 et 31 octobre et le 20 novembre 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Bernard X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 28 octobre 1996 par lequel il a été constaté que son inéligibilité mettait fin à son mandat de représentant au Parlement européen ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 50 000 F en application de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juill

et 1991 ;
3°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution du décret attaqué...

Vu la requête sommaire, le mémoire rectificatif et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 et 31 octobre et le 20 novembre 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Bernard X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 28 octobre 1996 par lequel il a été constaté que son inéligibilité mettait fin à son mandat de représentant au Parlement européen ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 50 000 F en application de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
3°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution du décret attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 ;
Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne ;
Vu le protocole du 8 avril 1965 sur les privilèges et immunités des Communautés européennes ;
Vu l'acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct annexé à la décision du Conseil du 20 septembre 1976 ;
Vu la directive 93/109/CE du Conseil du 6 décembre 1993 fixant les modalités de l'exercice du droit de vote et d'éligibilité aux élections au Parlement européen pour les citoyens de l'Union résidant dans un Etat membre dont ils ne sont pas les ressortissants ;
Vu le règlement intérieur du Parlement européen ;
Vu le code électoral ;
Vu le nouveau code pénal ;
Vu la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants de l'Assemblée des communautés européennes et notamment son article 5 ;
Vu la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises et notamment ses articles 194 et 195 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Gervasoni, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. Bernard X...,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 7 paragraphe 2 de "l'acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct annexé à la décision du conseil des communautés européennes du 20 septembre 1976" : "Jusqu'à l'entrée en vigueur d'une procédure électorale uniforme, et sous réserve des autres dispositions du présent acte, la procédure électorale est régie, dans chaque Etat membre, par les dispositions nationales" ; qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 7 juillet 1977 susvisée prise sur le fondement des ces dispositions : "Les articles LO 127 à LO 130-1 du code électoral sont applicables à l'élection des représentants au Parlement européen (...) L'inéligibilité, lorsqu'elle survient en cours de mandat, met fin à celui-ci. La constatation en est effectuée par décret" ; qu'aux termes de l'article 194 de la loi du 25 janvier 1985 susvisée : "Le jugement qui prononce soit la faillite personnelle soit l'interdiction prévue à l'article 192 emporte l'incapacité d'exercer une fonction publique élective. L'incapacité s'applique également à toute personne physique à l'égard de laquelle la liquidation judiciaire a été prononcée (...)" ; qu'aux termes de l'article 195 de la même loi : "La durée de l'incapacité d'exercer une fonction publique élective résultant du jugement de liquidation judiciaire est de cinq ans (...)" ;
Considérant que, par un jugement du 14 décembre 1994, le tribunal de commerce de Paris a, en application de l'article 178 de la loi du 25 janvier 1985, prononcé la liquidation judiciaire personnelle de M. X..., par voie de conséquence de la liquidation judiciaire des sociétés dont celui-ci est l'associé ; que le décret attaqué en date du 28 octobre 1996, après avoir relevé que la liquidation judiciaire emportait l'incapacité d'exercer une fonction publique élective, constate que l'inéligibilité de M. X... met fin à son mandat de représentant au Parlement européen ;
Sur la légalité du décret attaqué :
Sur les moyens tirés du droit interne :
Considérant, en premier lieu, que le décret contesté a été pris sur le fondement de l'article 194 précité de la loi du 25 janvier 1985 et non sur celui de l'article LO 130 du code électoral aux termes duquel : "Sont, en outre, inéligibles : 1° Les individus privés par décision judiciaire de leur droit d'éligibilité, en application des lois qui autorisent cette privation (...)" ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement susmentionné du 14 décembre 1994 du tribunal de commerce de Paris ne serait pas une "décision judiciaire" au sens de ces dispositions et de ce que le décret litigieux ferait une inexacte application de celles-ci est inopérant ;

Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions de l'article 194 de la loi du 25 janvier 1985, qui visent toute fonction publique élective, s'appliquent aux représentants de la France au Parlement européen placés en liquidation judiciaire, alors même que l'article 5 de la loi du 7 juillet 1977 ne s'y réfère pas expressément ; que la procédure de constatation de la déchéance du mandat prévue au second alinéa de cet article 5 s'applique dans tous les cas d'inéligibilité, qu'ils soient ou non mentionnés au premier alinéa ; que, par suite, le moyen selon lequel M. X... ne pouvait être déclaré inéligible sur le fondement direct de l'article 194 de la loi du 25 janvier 1985 et la déchéance de son mandat de représentant au Parlement européen constatée selon la procédure prévue à l'article 5 de la loi du 7 juillet 1977 ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, que ni l'article 132-17 du nouveau code pénal, entré en vigueur le 1er mars 1994, qui dispose qu'"aucune peine ne peut être appliquée si la juridiction ne l'a expressément prononcée", ni l'article 132-21 de ce code, aux termes duquel "l'interdiction de tout ou partie des droits civiques, civils et de famille mentionnés à l'article 131-26 ne peut, nonobstant toute disposition contraire, résulter de plein droit d'une condamnation pénale", n'ont eu pour objet ou pour effet de supprimer les régimes particuliers d'incapacité résultant de décisions rendues par les juridictions non répressives ; que si la loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 a modifié l'article L.5 du code électoral en supprimant notamment la disposition de cet article qui excluait de l'inscription sur les listes électorales "les personnes condamnées à la faillite personnelle", elle n'a pas abrogé l'article L. 202 dudit code, aux termes duquel : "Conformément à l'article 194 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises, sont inéligibles les personnes physiques à l'égard desquelles la liquidation judiciaire, la faillite personnelle ou l'interdiction de gérer prévue par l'article 192 de la loi précitée à été prononcée" ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que l'article 194 de la loi du 25 janvier 1985 aurait été implicitement abrogé ne peut qu'être écarté ; que le moyen tiré d'une prétendue caducité de cet article n'est pas davantage susceptible d'être accueilli ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il n'appartient pas au Conseil d'Etat statuant au contentieux d'examiner la conformité à la Constitution des dispositions de l'article 194 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Considérant enfin, que le requérant n'est pas fondé à invoquer le jugement du 7 novembre 1996 du tribunal de commerce de Paris qui n'a pas prononcé sa réhabilitation et n'a pas supprimé les effets s'attachant, en vertu de l'article 194 de la loi du 25 janvier 1985, au jugement du tribunal de commerce de Paris prononçant sa liquidation judiciaire personnelle ;

Sur les moyens tirés du droit communautaire :
Considérant qu'en vertu de l'article 7 paragraphe 2 de l'acte du 20 septembre 1976, il appartient aux Etats membres, jusqu'à l'entrée en vigueur d'une procédure électorale uniforme, de définir les modalités d'élection de leurs représentants au Parlement européen "sous réserve des autres dispositions du présent acte" ; qu'en vertu de l'article 11 de cet acte, le Parlement européen prend acte des résultats proclamés officiellement par les Etats membres et statue sur les contestations qui pourraient être éventuellement soulevées sur la base des dispositions de l'acte, "à l'exclusion des dispositions nationales auxquelles celui-ci renvoie" ; qu'aux termes de l'article 12 du même acte : "1. Jusqu'à l'entrée en vigueur de la procédure uniforme prévue à l'article 7, paragraphe 1, et sous réserve des autres dispositions du présent acte, chaque Etat membre établit les procédures appropriées pour que, au cas où un siège devient vacant au cours de la période quinquennale visée à l'article 3, ce siège soit pourvu pour le reste de cette période./ 2. Lorsque la vacance résulte de l'application des dispositions nationales en vigueur dans un Etat membre, celui-ci en informe le Parlement européen qui en prend acte./ Dans tous les autres cas, le Parlement européen constate la vacance et en informe l'Etat membre" ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte clairement de ces dispositions que la procédure électorale applicable aux représentants au Parlement européen relève, pour toutes les règles qui ne sont pas fixées par l'acte du 20 septembre 1976, de la compétence des Etats membres ; que l'acte de 1976, dès lors qu'il ne définit aucun cas d'inéligibilité et n'apporte aucune restriction aux mesures que les Etats membres sont habilités à prendre en la matière, n'a pas limité les causes d'interruption du mandat des représentants au Parlement européen aux seules hypothèses de la démission, du décès ou de la survenance de l'une des situations d'incompatibilité qu'il prévoit expressément ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les règles d'éligibilité applicables aux représentants de la France au Parlement européen et la procédure selon laquelle la déchéance du mandat de ces représentants est constatée, telles qu'elles sont fixées par l'article 5 de la loi du 7 juillet 1977 et l'article 194 de la loi du 25 janvier 1985 seraient incompatibles avec les dispositions de l'acte du 20 septembre 1976 ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 7 juillet 1977 : "Le candidat venant sur une liste immédiatement après le dernier candidat élu est appelé à remplacer le représentant élu sur cette liste dont le siège deviendrait vacant pour quelque cause que ce soit" ; que le siège de représentant au Parlement européen laissé vacant par M. X... pouvant, en application de ces dispositions, être immédiatement pourvu par un autre candidat de sa liste, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le décret attaqué entraverait le fonctionnement du Parlement européen et porterait atteinte aux stipulations de l'article 5 du traité de Rome, en vertu desquelles les Etats membres ont l'obligation de faciliter à la Communauté l'accomplissement de sa mission et de s'abstenir de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du traité ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte clairement des dispositions précitées de l'acte du 20 septembre 1976 qu'il appartient aux Etats membres de constater que leurs représentants au Parlement européen sont atteints par une cause d'inéligibilité mettant fin à leur mandat ; que, par suite, le requérant ne peut utilement soutenir que le décret attaqué serait intervenu en méconnaissance des prérogatives du Parlement européen ;
Considérant, enfin, que les stipulations de l'article 10 du protocole du 8 avril 1965 sur les privilèges et immunités des communautés européennes auquel renvoie l'article 4 paragraphe 2 de l'acte de 1976 et aux termes desquelles : "Pendant la durée des sessions du Parlement européen, les membres de celui-ci bénéficient : a) sur leur territoire national, des immunités reconnues aux membres du Parlement de leur pays (...)", concernent exclusivement le régime des immunités des représentants au Parlement européen ; qu'elles n'imposent pas aux Etats membres d'instituer au bénéfice de ces derniers les mêmes règles de déchéance de leur mandat que celles qui s'appliquent aux parlementaires nationaux ; que, dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en confiant au gouvernement le soin de constater par décret la déchéance du mandat des représentants de la France au Parlement européen, alors que l'article LO 136 du code électoral attribue cette compétence, en ce qui concerne les sénateurs et les députés, au Conseil constitutionnel, la loi du 7 juillet 1977 serait incompatible avec les stipulations précitées de l'article 10 du protocole du 8 avril 1965 ;
Sur les autres moyens :
Considérant, en premier lieu, que si, aux termes de l'article 6 paragraphe 1er de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle", les dispositions de l'article 194 de la loi du 25 janvier 1985 et de l'article 5 alinéa 2 de la loi du 7 juillet 1977 n'ont pas pour effet d'infliger au représentant au Parlement européen une sanction pénale et ne tranchent pas de contestation sur des droits et obligations de caractère civil ; que, dès lors, le requérant ne peut utilement invoquer les stipulations de l'article 6 paragraphe 1er de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 3 du pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966, ratifié par le décret n° 81-76 du 29 janvier 1981 et publié au Journal Officiel le 1er février 1981 : "Les Etats parties au présent Pacte s'engagent à assurer le droit égal des hommes et des femmes de jouir de tous les droits civils et politiques énoncés dans le présent Pacte" ; que le requérant ne peut utilement se prévaloir de ces stipulations qui sont sans rapport avec le présent litige ;

Considérant, enfin, que la seule circonstance que les dispositions de l'article 194 de la loi du 25 janvier 1985 appliquent la règle d'inéligibilité qu'elles énoncent dans les mêmes conditions aux personnes en situation de faillite personnelle et aux personnes en liquidation judiciaire et prévoient, en outre, que l'inéligibilité est emportée de plein droit par le jugement qui prononce la liquidation judiciaire, alors que la personne condamnée par le juge pénal n'est privée de son droit d'éligibilité que si le juge en dispose expressément, ne saurait les faire regarder comme incompatibles avec les stipulations de l'article 14 du Pacte susmentionné du 19 décembre 1966, en vertu desquelles : "Tous sont égaux devant les tribunaux et les cours de justice" ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de saisir la cour de justice des communautés européennes d'une question préjudicielle ni de procéder à la mesure d'instruction sollicitée, qui n'est pas nécessaire au respect du caractère contradictoire de la procédure, que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation du décret du 28 octobre 1996 par lequel il a été constaté que son inéligibilité mettait fin à son mandat de représentant au Parlement européen ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Bernard X..., au Premier ministre, au garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre des affaires étrangères.


Synthèse
Formation : 3 / 5 ssr
Numéro d'arrêt : 183363
Date de la décision : 08/01/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA REGLE DE DROIT - LOI (1) Article 194 de la loi du 25 janvier 1985 - 1) Application aux représentants de la France au Parlement européen - Existence - 2) Abrogation implicite par le nouveau code pénal - Absence - (2) Abrogation implicite - Absence - Article 194 de la loi du 25 janvier 1985.

01-04-02(1), 28-023(1) Article 194 de la loi du 25 janvier 1985 prévoyant que l'incapacité d'exercer une fonction publique élective qui résulte d'un jugement prononçant la faillite personnelle s'applique également à toute personne physique à l'égard de laquelle la liquidation judiciaire a été prononcée. Ces dispositions, qui visent toute fonction publique élective s'appliquent aux représentants de la France au Parlement européen placés en liquidation judiciaire alors même que l'article 5 de la loi du 5 juillet 1977 relative à l'élection des représentants à l'Assemblée des communautés européennes ne s'y réfère pas expressément. Ni l'article 132-17 du nouveau code pénal aux termes duquel "aucune peine ne peut être appliquée si la juridiction ne l'a expressément prononcée", ni l'article 132-21 aux termes duquel "l'interdiction de tout ou partie des droits civiques, civils et de famille mentionnés à l'article 131-26 ne peut, nonobstant toute disposition contraire, résulter de plein droit d'une condamnation pénale" n'ont eu pour objet ou pour effet de supprimer les régimes particuliers d'incapacité résultant de décisions rendues par les juridictions non répressives. Si la loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 a modifié l'article L. 5 du code électoral en supprimant notamment la disposition de cet article qui excluait de l'inscription sur les listes électorales "les personnes condamnées à la faillite personnelle", elle n'a pas abrogé les dispositions de l'article L. 202 du même code rappelant la règle d'inéligibilité énoncée à l'article 194 de la loi du 25 janvier 1985. Les dispositions de cet article ne peuvent dès lors être regardées ni comme implicitement abrogées, ni, en tout état de cause, comme devenues caduques.

COMMUNAUTES EUROPEENNES - APPLICATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE PAR LE JUGE ADMINISTRATIF FRANCAIS - ACTES CLAIRS - TRAITE INSTITUANT LA COMMUNAUTE EUROPEENNE - PRINCIPES (ARTICLES 1 A 7 C) - Article 5 - Procédure nationale constatant la déchéance du mandat d'un représentant de la France au Parlement européen - Violation - Absence.

01-04-02(2) Ni l'article 132-17 du nouveau code pénal aux termes duquel "aucune peine ne peut être appliquée si la juridiction ne l'a expressément prononcée", ni l'article 132-21 aux termes duquel "l'interdiction de tout ou partie des droits civiques, civils et de famille mentionnés à l'article 131-26 ne peut, nonobstant toute disposition contraire, résulter de plein droit d'une condamnation pénale" n'ont eu pour objet ou pour effet de supprimer les régimes particuliers d'incapacité résultant de décisions rendues par les juridictions non répressives. Si la loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 a modifié l'article L. 5 du code électoral en supprimant notamment la disposition de cet article qui excluait de l'inscription sur les listes électorales "les personnes condamnées à la faillite personnelle", elle n'a pas abrogé les dispositions de l'article L. 202 du même code rappelant la règle d'inéligibilité énoncée à l'article 194 de la loi du 25 janvier 1985. Les dispositions de cet article ne peuvent dès lors être regardées ni comme implicitement abrogées, ni, en tout état de cause, comme devenues caduques.

COMMUNAUTES EUROPEENNES - APPLICATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE PAR LE JUGE ADMINISTRATIF FRANCAIS - ACTES CLAIRS - DECISIONS DU CONSEIL DES COMMUNAUTES EUROPEENNES - Acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct annexé à la décision du Conseil en date du 20 septembre 1976 - Portée - Compétence des Etats-membres pour définir les conditions d'éligibilité - Existence.

15-03-01-04, 28-023(2) Il résulte clairement des dispositions des articles 7 et 12 de l'acte du 20 septembre 1976 que la procédure applicable aux représentants au Parlement européen relève, pour toutes les règles qui ne sont pas fixées par cet acte lui-même, de la compétence des Etats membres. Dès lors qu'il ne définit aucun cas d'inéligibilité et n'apporte aucune restriction aux mesures que les Etats sont habilités à prendre en la matière, l'acte du 20 septembre 1976 ne s'oppose pas à l'application, aux représentants de la France au Parlement européen, des règles d'inéligibilité et de constat de la déchéance du mandat qui résultent des dispositions combinées de l'article 194 de la loi du 25 janvier 1985 et de l'article 5 de la loi du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants de l'Assemblée des Communautés européennes.

- RJ1 DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - DROITS GARANTIS PAR LA CONVENTION - DROIT A UN PROCES EQUITABLE (ART - 6) - Applicabilité - Absence - Constat de la déchéance d'un mandat électoral (1).

15-03-01-01-01 L'article 24 de la loi du 7 juillet 1977 prévoyant que "le candidat venant sur une liste immédiatement après le dernier candidat élu est appelé à remplacer le représentant élu sur cette liste dont le siège deviendrait vacant pour quelque cause ce soit", le décret constatant la déchéance du mandat d'un représentant de la France au Parlement européen ne peut être regardé comme portant atteinte à l'article 5 du traité de Rome, en vertu duquel les Etats membres ont l'obligation de faciliter à la Communauté l'accomplissement de sa mission et de s'abstenir de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du traité.

ELECTIONS - ELECTIONS AU PARLEMENT EUROPEEN (1) Article 194 de la loi du 25 janvier 1985 - 1) Application aux représentants de la France au Parlement européen - Existence - 2) Abrogation implicite par le nouveau code pénal - Absence - (2) Acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct annexé à la décision du Conseil en date du 20 septembre 1976 - Portée - Compétence des Etats-membres pour définir les conditions d'éligibilité - Existence.

26-055-01-06 Le décret constatant la déchéance du mandat d'un représentant de la France au Parlement européen devenu inéligible en vertu de l'article 194 de la loi du 25 janvier 1985 à la suite d'un jugement prononçant sa liquidation judiciaire ne concerne pas les droits et obligations de caractère civil de l'intéressé, et n'a pas le caractère d'une accusation en matière pénale. Les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme ne peuvent être utilement invoquées à l'appui du recours formé contre ce décret.


Références :

CEE Décision du 20 septembre 1976 Conseil art. 4, art. 7, art. 11, art. 12
CEE Protocole du 08 avril 1965 art. 10
Code pénal 132-17, 132-21
Code électoral L5, L202, LO130, LO136
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 6
Décret du 28 octobre 1996 décision attaquée confirmation
Décret 81-76 du 29 janvier 1981
Loi 77-729 du 07 juillet 1977 art. 5, art. 24
Loi 85-98 du 25 janvier 1985 art. 194, art. 195, art. 178
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Loi 92-1336 du 16 décembre 1992
Pacte international du 19 décembre 1966 droits civils et politiques art. 3, art. 14
Traité du 25 mars 1957 Rome art. 5

1.

Cf. 1993-07-07, Mme Roustan, Elections cantonales de Nice 12, T. p. 571 ;

1993-10-20, Sorgniard, Elections cantonales de Jargeau, T. p. 571.


Publications
Proposition de citation : CE, 08 jan. 1997, n° 183363
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Rapporteur ?: M. Gervasoni
Rapporteur public ?: M. Stahl
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1997:183363.19970108
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