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17/01/1997 | FRANCE | N°120228

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 17 janvier 1997, 120228


Vu le recours du MINISTRE DE LA SOLIDARITE, DE LA SANTE ET DE LA PROTECTION SOCIALE, enregistré le 2 octobre 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE LA SOLIDARITE, DE LA SANTE ET DE LA PROTECTION SOCIALE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 5 juillet 1990 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé, sur la demande de l'Association "Vivre à Couret" et de la commune de Couret, les arrêtés du préfet de la Haute-Garonne des 16 juin 1988, 13 février 1989 et 10 août 1989 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par

l'Association "Vivre à Couret" et la commune de Couret devant le t...

Vu le recours du MINISTRE DE LA SOLIDARITE, DE LA SANTE ET DE LA PROTECTION SOCIALE, enregistré le 2 octobre 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE LA SOLIDARITE, DE LA SANTE ET DE LA PROTECTION SOCIALE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 5 juillet 1990 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé, sur la demande de l'Association "Vivre à Couret" et de la commune de Couret, les arrêtés du préfet de la Haute-Garonne des 16 juin 1988, 13 février 1989 et 10 août 1989 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par l'Association "Vivre à Couret" et la commune de Couret devant le tribunal administratif de Toulouse ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la famille et de l'aide sociale ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 75-535 du 30 juin 1975, modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Hubac, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 5 juillet 1990 a été notifié au MINISTRE DE LA SOLIDARITE, DE LA SANTE ET DE LA PROTECTION SOCIALE le 2 octobre 1990 ; que l'appel formé par le ministre contre ce jugement, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 2 octobre 1990 n'est, par suite, pas tardif ; que la fin de non-recevoir opposée par la commune de Couret (Haute-Garonne) doit donc être écartée ;

Considérant que les pouvoirs que le préfet tient des articles 210 et 212 du code de la famille et de l'aide sociale d'ordonner la fermeture, définitive ou provisoire, d'un établissement hébergeant des personnes accueillies en vue de leur réadaptation sociale et d'y désigner un administrateur provisoire, ne peuvent s'exercer, aux termes du premier alinéa de l'article 210, que "si la santé, la sécurité, ou le bien-être moral et physique des personnes hébergées sont menacées ou compromis par les conditions d'installation, d'organisation ou de fonctionnement de l'établissement" ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 16 juin 1988, pris sur le fondement de ces dispositions, par lequel le préfet de la Haute-Garonne a ordonné la fermeture provisoire du centre d'aide par le travail "Les Comminges" géré par l'Association "Vivre à Couret" et nommé un administrateur provisoire, a été motivé, à la suite de contrôles effectués par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales sur les activités de l'Association "Vivre à Couret", par le fonctionnement illicite d'un "atelier pour l'emploi" créé pour commercialiser les produits fabriqués par le centre d'aide par le travail ; que ces faits, qui ont donné lieu à l'ouverture d'une information judiciaire des chefs d'escroquerie, d'abus de confiance et d'abus de label à l'encontre du président de l'association, n'étaient pas de nature à menacer ou compromettre la santé, la sécurité ou le bien-être moral ou physique des personnes hébergées par l'établissement, ni, par suite, à justifier légalement, au regard des dispositions précitées, les mesures ainsi prises ;
Mais, considérant, qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 14 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975, modifiée, dont le ministre se prévaut en appel, le préfet peut prononcer "la fermeture totale ou partielle, provisoire ou définitive, d'un établissement ou d'un service, dans les conditions prévues aux articles 97 et 210 du code de la famille et de l'aide sociale ... 2° Lorsque sont constatées, dans l'établissement ou le service et du fait de celui-ci, des infractions aux lois et règlements entraînant la responsabilité civile de l'établissement ou du service ou la responsabilité pénale de ses dirigeants" ; qu'eu égard aux motifs retenus par le préfet, la décision qu'il a prise de prononcer la fermeture provisoire du centre d'aide par le travail "Les Comminges" et de nommer un administrateur provisoire trouve sa base légale dans ces dispositions de la loi du 30 juin 1975 qui, dans les cas qu'elles visent, donnent au préfet les mêmes pouvoirs que ceux que lui confèrent les articles 210 et 212 du code de la famille et del'aide sociale ; que le MINISTRE DE LA SOLIDARITE, DE LA SANTE ET DE LA PROTECTION SOCIALE est, dès lors, fondé à soutenir que le tribunal administratif de Toulouse s'est à tort fondé sur ce que l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 16 juin 1988 aurait été entaché d'un détournement de procédure pour en prononcer l'annulation ainsi que, pour annuler, par voie de conséquence, l'arrêté préfectoral du 13 février 1989 qui a confié la gestion du centre d'aide par le travail à l'Association de parents inadaptés de la Haute-Garonne et attribué à celle-ci le patrimoine du précédent gestionnaire, et l'arrêté préfectoral du 10 août 1989, qui prolonge de six mois la mission confiée à cette association ;

Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués en première instance à l'encontre des arrêtés attaqués ;
Sur la légalité de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 16 juin 1988 :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de l'Association "Vivre à Couret" :
Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 210 du code de la famille et de l'aide sociale : "En cas d'urgence ... le préfet peut, sans injonction préalable ni consultation du conseil départemental d'hygiène, prononcer par arrêté motivé et à titre provisoire une mesure de fermeture immédiate, à charge pour lui d'en saisir ledit conseil, dans le délai d'un mois" ; que, compte tenu de l'urgence qui s'attachait à faire cesser la situation résultant du fonctionnement illicite de "l'atelier pour l'emploi" créé par l'Association "Vivre à Couret", le préfet n'était pas tenu de consulter le conseil départemental d'hygiène avant d'ordonner la fermeture immédiate du centre d'aide par le travail "Les Comminges" ; que le préfet a pu aussi légalement décider, en application de l'article 212 du code de la famille et de l'aide sociale, que les pouvoirs de l'administrateur provisoire, désigné par son arrêté du 16 juin 1988 pour gérer provisoirement le centre d'aide par le travail, s'étendraient à la gestion de l'ensemble du patrimoine de l'Association "Vivre à Couret" affecté à l'établissement, eu égard aux liens existant entre celle-ci et le centre d'aide par le travail ; que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Sur la légalité du préfet de la Haute-Garonne du 13 février 1989 :
Considérant qu'aux termes de l'article 18 du décret du 24 mars 1988, relatif à la gestion budgétaire et comptable et aux modalités de financement de certains établissements sociaux et médico-sociaux à la charge de l'Etat ou de l'assurance maladie, applicable, en vertu de son article 1er, aux centres d'aides par le travail : "En ce qui concerne les établissements mentionnés à l'article 1er, exploités par une personne privée, les frais financiers, les dotations au compte d'amortissement et aux comptes de provisions ainsi que le cas échéant, les dotations annuelles au fond de roulement et les annuités des emprunts contractés en vue de la constitution de ce fonds ne peuvent être pris en compte dans le calcul de la dotation globale de financement ou du prix de journée que dans les cas suivants ... 2°) S'il s'agit d'une association privée, à condition que ses statuts prévoient, en cas de cessation de l'activité de l'établissement, la dévolution à une collectivité publique ou à un établissement poursuivant un but similaire de l'ensemble dudit patrimoine affecté audit établissement. Le préfet a qualité pour approuver ou provoquer la désignation de l'attributaire ou pour procéder, le cas échéant, lui-même à cette désignation" ;

Considérant que l'arrêté du 13 février 1989 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé de mettre fin, à compter du 1er mars 1989, au mandat de l'administrateur provisoire qu'il avait précédemment désigné aux fins de gérer le centre d'aide par le travail "Les Comminges" et de confier cette gestion, à compter de la même date, à l'Association des parents d'enfants inadaptés de la Haute-Garonne, désignée comme attributaire du patrimoine du précédent gestionnaire, a été motivé par les conséquences résultant de la dissolution de l'Association "Vivre à Couret", prononcée par son assemblée générale le 30 décembre 1988 ; que cet arrêté répondait ainsi aux exigences de la loi du 11 juillet 1979, relative à la motivation des actes administratifs ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait que cette décision fût précédée d'une concertation avec la commune ; que le préfet tenait de l'article 18 du décret du 24 mars 1988, dont les dispositions étaient applicables, alors même que les statuts de l'Association "Vivre à Couret" auraient été approuvés antérieurement au 24 mars 1988, le pouvoir de procéder à la désignation d'un attributaire du patrimoine affecté à l'établissement dont l'activité avait cessé et a pu, à bon droit, désigner, à cette fin, compte tenu de son objet, l'Association départementale des parents d'enfants inadaptés de la Haute-Garonne ;
Sur la légalité de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 10 août 1989 :
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'exigeait que cet arrêté, qui a prolongé de six mois la mission de l'Association départementale des parents d'enfants inadaptés de la Haute-Garonne en tant que gestionnaire du centre d'aide par le travail "Les Comminges", fût précédé de l'établissement d'un bilan de gestion ; que l'arrêté comporte l'énoncé des motifs pour lesquels il a été pris ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le préfet tenait de l'article 18 du décret du 23 mars 1988 le pouvoir de désigner l'attributaire du patrimoine de l'Association "Vivre à Couret" affecté au centre d'aide par le travail "Les Comminges" alors même que l'assemblée générale ayant prononcé la dissolution de l'association avait prévu de transférer la totalité de l'actif de celle-ci à la commune de Couret, dès lors que ce transfert n'avait pas été approuvé par le préfet ; que ce dernier a pu, à bon droit, désigner à cette fin, compte tenu de son objet, l'Association départementale des parents d'enfants inadaptés de la Haute-Garonne ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE LA SOLIDARITE, DE LA SANTE ET DE LA PROTECTION SOCIALE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêtés du préfet de la Haute-Garonne des 16 juin 1988, 13 février et 10 août 1989 ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 5 juillet 1990 est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par l'Association "Vivre à Couret" et la commune de Couret devant le tribunal administratif de Toulouse sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre du travail et des affaires sociales, à l'Association "Vivre à Couret" et à la commune de Couret.


Synthèse
Formation : 1 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 120228
Date de la décision : 17/01/1997
Type d'affaire : Administrative

Analyses

AIDE SOCIALE - INSTITUTIONS SOCIALES ET MEDICO-SOCIALES - ETABLISSEMENTS - QUESTIONS COMMUNES - ETABLISSEMENTS D'AIDE PAR LE TRAVAIL - Mesures de police - Fermeture provisoire ordonnée par le préfet sur le fondement de l'article 210 du code de la famille et de l'aide sociale qui ne pouvait la justifier légalement - Mesure trouvant une base légale dans les dispositions de l'article 14-2 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975.

04-03-01-06, 54-07-01-05 Préfet ordonnant la fermeture provisoire d'un centre d'aide par le travail, en raison du fonctionnement illicite, qui avait donné lieu à l'ouverture d'une information judiciaire contre le président de l'association gestionnaire, d'un atelier pour l'emploi créé pour commercialiser les produits fabriqués par les personnes hébergées. Ces faits ne justifiaient pas légalement une mesure de fermeture au regard des dispositions de l'article 210 du code de la famille et de l'aide sociale dès lors qu'ils n'étaient pas de nature à menacer ou compromettre la santé, la sécurité ou le bien-être moral ou physique des personnes hébergées par l'établissement. Toutefois, la décision préfectorale trouve une base légale dans les dispositions, invoquées en appel par le ministre, de l'article 14-2 de la loi du 30 juin 1975 qui prévoit qu'une mesure de fermeture provisoire ou définitive peut être prise lorsque sont constatées, dans l'établissement ou le service et du fait de celui-ci, des infractions aux lois et règlements entraînant la responsabilité civile de l'établissement ou du service ou la responsabilité pénale de ses dirigeants , et qui donne au préfet les mêmes pouvoirs que ceux que lui confère l'article 210 du code de la famille et de l'aide sociale.

PROCEDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GENERALES - SUBSTITUTION DE BASE LEGALE - Fermeture provisoire d'un établissement médico-social ordonnée par le préfet sur le fondement de l'article 210 du code de la famille et de l'aide sociale qui ne pouvait la justifier légalement - Mesure trouvant une base légale dans les dispositions de l'article 14-2 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975.


Références :

Code de la famille et de l'aide sociale 210, 212
Décret du 23 mars 1988 art. 18
Décret du 24 mars 1988 art. 18, art. 1
Loi 75-535 du 30 juin 1975 art. 14
Loi 79-587 du 11 juillet 1979


Publications
Proposition de citation : CE, 17 jan. 1997, n° 120228
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Groux
Rapporteur ?: Mme Hubac
Rapporteur public ?: M. Bonichot

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1997:120228.19970117
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