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31/01/1997 | FRANCE | N°119430

France | France, Conseil d'État, 5 / 3 ssr, 31 janvier 1997, 119430


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 août 1990 et 24 décembre 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CAMPENON-BERNARD CETRA, dont le siège est ... ; la société demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 20 juin 1990 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rouen du 18 juillet 1986 rejetant sa demande tendant à la condamnation du département de la Seine-Maritime à lui verser diverses indemnités au tit

re de l'exécution du marché conclu pour la construction du "pont de Bro...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 août 1990 et 24 décembre 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CAMPENON-BERNARD CETRA, dont le siège est ... ; la société demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 20 juin 1990 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rouen du 18 juillet 1986 rejetant sa demande tendant à la condamnation du département de la Seine-Maritime à lui verser diverses indemnités au titre de l'exécution du marché conclu pour la construction du "pont de Brotonne" ;
2°) de condamner le département à lui verser à ce titre la somme de 14 641 044 F et à lui rembourser la somme de 2 007 565 F, mis à sa charge au titre des pénalités de retard, avec intérêts au taux contractuel à compter du 17 mars 1978 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lambron, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, avocat de la SOCIETE CAMPENON-BERNARD CETRA et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat du département de la Seine-Maritime,
- les conclusions de M. Gaeremynck, Commissaire du gouvernement ;

Sur l'application de l'article 32 du cahier des clauses administratives générales :
Considérant qu'aux termes de l'article 32 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché : "Lorsque le marché comporte un détail estimatif indiquant l'importance des diverses natures d'ouvrages et que des changements ordonnés par la société et résultant de circonstances qui ne sont ni de la faute ni du fait de l'entrepreneur modifient l'importance de certaines natures d'ouvrages de telle sorte que les quantités diffèrent de plus de 30 % en plus ou en moins des quantités portées au détail estimatif, l'entrepreneur peut présenter en fin de compte une demande d'indemnité pour le préjudice que lui ont causé les modifications survenues à cet égard dans les prévisions du projet" ;
Considérant, d'une part, que, alors même que l'expert a pu constater que l'augmentation des quantités d'ouvrages rémunérés par le prix B5b relatif à la fourniture et à la mise en place du sol ciment avait, parmi d'autres causes, contribué à allonger les délais d'exécution d'environ une semaine, la cour administrative d'appel n'a pas dénaturé les faits de l'espèce en rejetant la demande d'indemnité au titre de cette augmentation au motif non contesté que cette augmentation avait eu une influence négligeable sur le prix unitaire ;
Considérant, d'autre part, qu'en ce qui concerne l'augmentation des quantités d'ouvrages rémunérés par le prix B 1 relatif aux fouilles pour semelles, la Cour ne s'est pas prononcée sur la charge de la preuve en estimant qu'il ne résultait pas du rapport d'expertise que "cette révision ne soit ni de la faute ni du fait de l'entreprise" ; qu'elle n'a par suite pas commis d'erreur de droit quant à la détermination de la charge de cette preuve ; qu'en se prononçant sur l'imputabilité de cette augmentation à l'entreprise, la Cour s'est livrée à une appréciation souveraine des pièces du dossier qui n'est pas entachée de dénaturation ;
Sur les sujétions imprévues :
Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Cour ne s'est pas fondée, pour écarter pour certains travaux une indemnisation au titre des sujétions imprévues, sur la circonstance que ces travaux étaient rémunérés par un prix global forfaitaire ; que par suite, le moyen tiré de ce que la Cour aurait ainsi commis une erreur de droit doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en se fondant sur ce que les difficultés exceptionnelles rencontrées dans l'exécution d'un grand ouvrage n'ouvrent pas droit à l'application de la théorie des sujétions imprévues si elles étaient prévisibles lors de la conclusion du marché, et qu'il en va ainsi même lorsque le caractère novateur des choix technologiques retenus rendcette prévision plus difficile, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en estimant que les difficultés exceptionnelles rencontrées lors de la réalisation des fondations et des superstructures du "Pont de Brotonne", d'une part, trouvaient leur origine dans des choix technologiques proposés par l'entreprise et acceptés par le maître d'ouvrage, et n'étaient ainsi pas extérieures à la volonté des parties, d'autre part, n'étaient pas la conséquence des insuffisances relevées par l'expert dans l'avant-projet servant de base à l'appel d'offres, la Cour s'est livrée à une appréciation souveraine des faits qui n'est entachée d'aucune dénaturation, et dont elle a pu légalement déduire que les difficultés exceptionnelles susdécrites ne donnaient pas lieu à indemnité au titre des sujétions imprévues ;
Considérant enfin que si la requérante prétend à une indemnisation au titre des travaux supplémentaires consistant en des études rendues nécessaires par l'inexactitude des calculs effectués initialement, cette demande présentée pour la première fois devant le juge de cassation n'est pas recevable, et il ne saurait être reproché à la Cour de ne pas y avoir statué ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 20 juin 1990 ;
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que le département de Seine-Maritime, qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée à verser à la société requérante la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de condamner la SOCIETE CAMPENON-BERNARD CETRA à verser à ce titre au département de Seine-Maritime la somme de 20 000 F ;
Article 1er : La requête de la SOCIETE CAMPENON-BERNARD CETRA est rejetée.
Article 2 : La SOCIETE CAMPENON-BERNARD CETRA est condamnée à verser au département de Seine-Maritime la somme de 20 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CAMPENON-BERNARD CETRA, au département de Seine-Maritime et au ministre de l'intérieur.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION TECHNIQUE DU CONTRAT - ALEAS DU CONTRAT - IMPREVISION - Notion de difficultés imprévisibles - Absence - Difficultés résultant du caractère novateur des choix technologiques retenus lors de la conclusion du contrat.

39-05-01-02-01 Article 32 du cahier des clauses administratives générales des marchés de travaux et de fournitures des collectivités locales prévoyant que "lorsque le marché comporte un détail estimatif indiquant l'importance des diverses natures d'ouvrages et que des changements ordonnés par la société et résultant de circonstances qui ne sont ni de la faute ni du fait de l'entrepreneur modifient l'importance de certaines natures d'ouvrages de telle sorte que les quantités diffèrent de plus de 30% en plus ou en moins des quantités portées au détail estimatif, l'entrepreneur peut présenter en fin de compte une demande d'indemnité pour le préjudice que lui ont causé les modifications survenues à cet égard dans les prévisions du projet". Dès lors que l'augmentation des quantités d'une nature d'ouvrages n'a pas eu d'influence sur le prix unitaire, et alors même qu'elle aurait entraîné un allongement des délais d'exécution, l'entrepreneur ne justifie pas d'un préjudice dont il pourrait demander réparation au titre de ces dispositions.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION FINANCIERE DU CONTRAT - REMUNERATION DU CO-CONTRACTANT - INDEMNITES - TRAVAUX SUPPLEMENTAIRES - Article 32 du C - C - A - G - des marchés de travaux et de fournitures des collectivités locales prévoyant l'indemnisation du préjudice résultant d'une augmentation des quantités prévues par le détail estimatif - Notion de préjudice - Absence - Augmentation des quantités n'ayant entraîné aucune augmentation des prix unitaires.

39-03-03-02 Les difficultés exceptionnelles rencontrées dans l'exécution d'un ouvrage n'ouvrent pas droit à l'application de la théorie des sujétions imprévues si elles étaient prévisibles lors de la conclusion du marché. Il en va ainsi même lorsque le caractère novateur des choix technologiques retenus rendait la prévision plus difficile.


Références :

Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation: CE, 31 jan. 1997, n° 119430
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Rapporteur ?: M. Lambron
Rapporteur public ?: M. Gaeremynck

Origine de la décision
Formation : 5 / 3 ssr
Date de la décision : 31/01/1997
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 119430
Numéro NOR : CETATEXT000007914818 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1997-01-31;119430 ?
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