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31/01/1997 | FRANCE | N°130410

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 31 janvier 1997, 130410


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 28 octobre 1991 et 28 février 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ANONYME DES ETABLISSEMENTS IUNG, dont le siège est ..., représentée par ses dirigeants en exercice ; la SOCIETE ANONYME DES ETABLISSEMENTS IUNG demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 25 juin 1991 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a, sur le recours formé par le ministre de l'économie, des finances et du budget contre le jugement du 1er juillet 1988 du tribunal administratif de Nanc

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 28 octobre 1991 et 28 février 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ANONYME DES ETABLISSEMENTS IUNG, dont le siège est ..., représentée par ses dirigeants en exercice ; la SOCIETE ANONYME DES ETABLISSEMENTS IUNG demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 25 juin 1991 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a, sur le recours formé par le ministre de l'économie, des finances et du budget contre le jugement du 1er juillet 1988 du tribunal administratif de Nancy qui l'avait déchargée de l'amende fiscale à laquelle elle a été assujettie en vertu de l'article 1740 ter du code général des impôts par un avis de mise en recouvrement du 3 octobre 1980, d'une part, annulé ce jugement, d'autre part, remis intégralement l'amende à sa charge ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Froment-Meurice, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Capron, avocat de la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS IUNG,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes des dispositions, applicables en l'espèce, des deux premiers alinéas de l'article 1740 ter du code général des impôts : "Lorsqu'il est établi qu'une personne, à l'occasion de l'exercice de ses activités professionnelles, a travesti l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, ou sciemment accepté l'utilisation d'une identification ou d'un prête-nom, elle est redevable d'une amende fiscale égale à 50 % des sommes versées ou reçues au titre de ces opérations. Cette amende est à recouvrer selon les procédures et sous les garanties prévues pour les taxes sur le chiffre d'affaires. Les réclamations sont instruites et jugées comme pour ces taxes" ;
Considérant qu'il appartient à l'administration, lorsqu'elle a mis en recouvrement une amende fiscale sur le fondement de l'article 1740 ter du code général des impôts, d'apporter la preuve que les faits retenus à l'encontre du redevable entrent bien dans les prévisions de cet article ;
Considérant que, pour rejeter le moyen tiré par la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS IUNG de l'inexactitude des faits en raison desquels elle a été constituée redevable, par avis de mise en recouvrement du 3 octobre 1980, d'une amende fiscale en application de l'article 1740 ter du code général des impôts, la cour administrative d'appel de Nancy s'est exclusivement fondée, d'une part, sur les constatations d'achats fictifs et de fausses factures résultant des procès-verbaux dressés à l'encontre de cette société, les 23 novembre 1979 et 8 janvier 1980, par des agents de la direction générale des impôts, d'autre part, sur le fait que la société n'avait pas produit des éléments de nature à établir l'inexactitude alléguée des constatations ainsi effectuées ; qu'il ressort de ce qui a été dit ci-dessus que la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS IUNG qui, contrairement à ce que soutient le ministre, est recevable à soulever un tel moyen devant le juge de cassation, même après l'expiration du délai de recours, dès lors qu'il se rattache à la même cause juridique que les moyens qu'elle a invoqués dans ce délai, est fondée à soutenir qu'en mettant à sa charge la preuve de l'inexactitude des faits qui sont à l'origine de l'amende contestée, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que l'arrêt attaqué doit, dès lors, être annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu par application, de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, de régler l'affaire au fond ;

Considérant que, jusqu'à l'entrée en vigueur des dispositions du II de l'article 105 de la loi n° 92-677 du 17 juillet 1992, qui ont complété le deuxième alinéa de l'article 1740 ter du code général des impôts, le législateur avait entendu exclure l'obligation pour l'administration de suivre une procédure contradictoire pour l'établissement de l'amende fiscale prévue par l'article 1740 ter ; qu'ainsi c'est à tort que le tribunal administratif de Nancy s'est fondé, pour décharger la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS IUNG de la partie de l'amende fiscale dont elle n'avait pas été antérieurement dégrevée, sur le fait que l'administration l'avait mise en recouvrement sans avoir préalablement invité cette société à présenter ses observations et n'avait pas, de ce fait, respecté les exigences d'une procédure contradictoire ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS IUNG devant le tribunal administratif de Nancy ;
Considérant, d'une part, que les procès-verbaux dressés les 23 novembre 1979 et 8 janvier 1980 par des agents de la direction générale des impôts à l'occasion d'un contrôle des approvisionnements de la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS IUNG citent les dispositions de l'article 1740 ter du code général des impôts, relatent avec précision les constatations opérées sur place et comportent, notamment, les déclarations de M. X..., récupérateur de métaux à Vandoeuvre, relatives au montant des sommes remises par lui en 1977, 1978 et 1979, à la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS IUNG, en contrepartie d'opérations fictives d'achats de métaux ; que ces procès-verbaux ont été rédigés en présence de M. IUNG, président directeur général de la société des établissements IUNG, convoqué à cette fin et assisté de son conseil ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que lesdits procès-verbaux auraient été établis dans des conditions portant atteinte aux droits de la défense, manque en fait ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction qu'au cours des années 1977 à 1979, la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS IUNG a procédé à des achats sans facture de métaux ferreux, dissimulés par des factures de complaisance établies notamment par M. X..., qui lui reversait, en argent liquide, les sommes y figurant, sous déduction d'une commission ; que des achats de métaux non ferreux ont, en outre, été réalisés sous couvert de "manifolds" à en-tête de M. X..., établis directement par la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS IUNG ; qu'ainsi, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, à sa charge, de ce que la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS IUNG a sciemment accepté, dans l'exercice de ses activités, l'utilisation de fausses factures et de factures de complaisance établies par un prête-nom ; que le moyen tiré de ce que l'amende contestée ne trouverait pas de base légale dans les dispositions précitées de l'article 1740 ter du code général des impôts ne peut, dès lors, être accueilli ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre chargé du budget est fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 1er juillet 1988, le tribunal administratif de Nancy a déchargé la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS IUNG, à concurrence d'une somme de 781 238 F, de l'amende fiscale dont elle avait été constituée redevable et à demander que cette somme, qui est égale à 50 % du montant total des opérations fictives et de complaisance, ci-dessus décrites, effectuées en 1977, 1978 et 1979 par l'intermédiaire de M. X..., soit remise entièrement à sa charge ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 25 juin 1991 est annulé.
Article 2 : L'amende fiscale, à laquelle la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS IUNG a été assujettie, par avis de mise en recouvrement du 3 octobre 1980, est remise à sa charge, à concurrence d'une somme de 781 238 F.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 1er juillet 1989 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : La demande présentée par la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS IUNG devant le tribunal administratif de Nancy est rejetée.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS IUNG et au ministre de l'économie et des finances.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - AMENDES - PENALITES - MAJORATIONS - Amende fiscale pour fausses factures (article 1740 ter du C - G - I - ) - (1) - RJ1 - RJ2 Charge de la preuve de l'inexactitude des faits justifiant le prononcé de l'amende attribuée au contrevenant - Erreur de droit (1) (2) - (2) - RJ3 Caractère contradictoire de la procédure d'établissement de l'amende - Absence (3).

19-01-04(1) Article 1740 ter du code général des impôts prévoyant qu'est redevable d'une amende fiscale une personne pour laquelle il est établi que, à l'occasion de l'exercice de ses activités professionnelles, elle a travesti l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, ou sciemment accepté l'utilisation d'une identification ou d'un prête-nom. Il appartient à l'administration, lorsqu'elle a mis en recouvrement une amende fiscale sur le fondement de ces dispositions, d'apporter la preuve que les faits retenus à l'encontre du redevable entrent bien dans les prévisions de cet article (1). Par suite, commet une erreur de droit une cour administrative d'appel qui met à la charge du contrevenant la preuve de l'inexactitude des faits qui sont à l'origine de l'amende contestée (2).

19-01-04(2) Jusqu'à l'entrée en vigueur des dispositions du II de l'article 105 de la loi n° 92-677 du 17 juillet 1992, qui ont complété le deuxième alinéa de l'article 1740 ter du code général des impôts, le législateur avait entendu exclure l'obligation pour l'administration de suivre une procédure contradictoire pour l'établissement de l'amende fiscale prévue à cet article (3).


Références :

CGI 1740 ter
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11
Loi 92-677 du 17 juillet 1992 art. 105

1.

Cf. CE, 1989-04-21, Mme Ezan, n° 81231 ;

CE, 1989-04-21, Ministre du budget c/ Fradet, n° 80601. 2. Inf. CAA Nancy, 1991-06-25, n° 89NC01027, Ministre délégué chargé du budget c/ Etablissements Iung, T. p. 816 (sur un autre point). 3.

Rappr. CE, 1994-03-18, S.A. Sovemarco Europe et ministre de l'économie, des finances et du budget, p. 131


Publications
Proposition de citation: CE, 31 jan. 1997, n° 130410
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Groux
Rapporteur ?: M. Froment-Meurice
Rapporteur public ?: M. Bachelier

Origine de la décision
Formation : 8 / 9 ssr
Date de la décision : 31/01/1997
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 130410
Numéro NOR : CETATEXT000007920895 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1997-01-31;130410 ?
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