Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 septembre 1994 et 9 janvier 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Nelly X..., demeurant ... ; Mme X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 29 juin 1994 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 17 mars 1993, confirmée sur recours gracieux, le 23 juillet 1993, par laquelle le président du Conseil général du Gard a refusé de lui accorder l'agrément en vue d'adopter un enfant, pupille de l'Etat ou étranger ;
2°) annule pour excès de pouvoir ces décisions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la famille et de l'aide sociale ;
Vu le décret du 23 août 1985 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Forray, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme Nelly X... et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du département du Gard,
- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 63 du code de la famille et de l'aide sociale : "Les pupilles de l'Etat peuvent être adoptés ... par des personnes agréées à cet effet, dans des conditions fixées par décret, par le responsable du service de l'aide sociale à l'enfant. Un agrément est accordé par l'autorité compétente dans un délai qui ne peut excéder neuf mois à compter du jour de la demande" ; qu'aux termes de l'article 4, 1er alinéa, du décret du 23 août 1985 relatif à l'agrément des personnes qui souhaitent adopter un pupille de l'Etat : "Pour l'instruction de la demande, le responsable du service de l'aide sociale à l'enfance fait procéder à toutes les investigations permettant d'apprécier les conditions d'accueil que le demandeur est susceptible d'offrir à des enfants sur les plans familial, éducatif et psychologique" et que, selon l'article 9 du même décret : "Tout refus d'agrément doit être motivé dans les conditions fixées à l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée. Il ne peut être motivé par la seule constatation de l'âge ou de la situation matrimoniale du demandeur ou de la présence d'enfants à son foyer" ; qu'en vertu de l'article 100-3 du code de la famille et de l'aide sociale, les dispositions précitées sont applicables aux personnes qui souhaitent accueillir, en vue de son adoption, un enfant étranger ;
Considérant que la décision du 17 mars 1993 et celle du 23 juillet 1993, prise sur recours gracieux, par lesquelles le président du conseil général du Gard a rejeté la demande d'agrément aux fins d'adoption présentée par Mme X... sont suffisamment motivées au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 ;
Considérant que les décisions attaquées ont été prises au motif que les choix et conditions de vie de l'intéressée risqueraient d'entraîner des difficultés psychologiques pour l'enfant adopté ; que, par suite, le moyen tiré de ce que lesdites décisions seraient fondées sur la situation matrimoniale de Mme X... en violation des dispositions précitées de l'article 9 du décret du 23 août 1985, doit, en tout état de cause, être écarté ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient la requérante, le président du Conseil général n'a pas fondé son refus d'agrément sur une position de principe à l'égard du choix de vie de l'intéressée ; que, par suite et en tout état de cause, la requérante n'est pas fondée à invoquer la méconnaissance des stipulations des articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui posent les principes du droit au respect de la vie privée et familiale et à la jouissance des droits et libertés reconnus dans cette Convention ; qu'elle ne peut utilement se prévaloir de l'article 26 du Pacte international deNew-York relatif aux droits civils et politiques qui ne peut concerner que les droits civils et politiques mentionnés par le Pacte ;
Considérant, enfin, qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des éléments recueillis au cours de l'instruction de la demande de Mme BETTAN que celle-ci, eu égard à ses conditions de vie et malgré des qualités humaines et éducatives certaines, ne présentait pas des garanties suffisantes sur les plans familial, éducatif et psychologique pour accueillir un enfant adopté ; qu'ainsi, en refusant de lui accorder l'agrément pour les motifs susindiqués, le président du Conseil général du Gard n'a pas fait une inexacte appréciation des dispositions législatives et réglementaires précitées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande dirigée contre les décisions du président du Conseil général du Gard des 17 mars 1993 et 23 juillet 1993 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que le département du Gard, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à Mme X... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du département du Gard tendant à l'application desdites dispositions ;
Article 1er : La requête de Mme X... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du département du Gard tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Nelly X..., au département du Gard et au ministre du travail et des affaires sociales.