Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 mars 1991 et 29 juillet 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le Groupement foncier agricole de la Baume, dont le siège est à Auberoques (12150) ; le Groupement foncier agricole de la Baume demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêté en date des 23 et 25 janvier 1991 par lesquels les préfets de la Lozère et de l'Aveyron ont autorisé l'Etat à occuper, avant le transfert de propriété devant résulter des opérations de remembrement, les parcelles constituant l'emprise du projet de mise à deux fois deux voies de la RN 9 dans le périmètre des opérations de remembrement conduites dans les communes de Campagnac, Séverac-le-Château (Aveyron) et La Tieule (Lozère) ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu la loi du 29 décembre 1892 ;
Vu la loi n° 62-933 du 8 août 1962 complémentaire à la loi d'orientation agricole, et notamment son article 10 ;
Vu le décret n° 63-393 du 10 avril 1963 portant application de l'article 10 de la loi n° 62-933 du 8 août 1962 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de Bellescize, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, avocat du Groupement foncier agricole de la Baume,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête :
Sur les moyens tirés de ce que l'arrêté interpréfectoral des 23 et 25 janvier 1991 serait entaché d'incompétence et de ce que la consultation de la commission départementale d'aménagement foncier aurait été irrégulière :
Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté en date du 9 mars 1989, le préfet de la Lozère a, comme il en avait légalement la possibilité, donné délégation de signature au secrétaire général de la préfecture pour, notamment, "les décisions qui intéressent plusieurs chefs de services départementaux des administrations civiles de l'Etat" ; qu'ainsi, le Groupement foncier agricole de la Baume n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué, en tant qu'il est signé par le secrétaire général de la préfecture de la Lozère, aurait été pris par une autorité incompétente ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 du décret susvisé du 10 avril 1963 modifié pris pour l'application de l'article 10 de la loi susvisée du 8 août 1962, l'occupation temporaire des parcelles nécessaires à la réalisation d'un projet d'autoroutes ou, en application du décret du 26 avril 1968, de routes nationales à deux fois deux voies, peut être autorisée "par arrêté préfectoral pris après avis de la commission départementale d'aménagement foncier" et qu'aux termes de l'alinéa 2 de l'article 2-2 du code rural : "Si le périmètre d'aménagement foncier s'étend sur plusieurs départements, les compétences attribuées ... à la commission départementale d'aménagement foncier par le présent titre sont exercées par ... la commission du département où se trouve la plus grande étendue de terrains concernés par l'opération" ; qu'il n'est pas contesté que le remembrement des communes de Campagnac et de Séverac-le-Château (Aveyron) et de La Tieule (Lozère) ordonné par arrêté interpréfectoral du 16 juillet 1990 avait pour objet l'aménagement foncier de ces trois communes ; qu'il résulte de l'instruction que, pour sa plus grande partie, il concernait le département de l'Aveyron ; que, par suite, la circonstance que la commission départementale d'aménagement foncier de la Lozère n'a pas été consultée préalablement à l'édiction de l'arrêté attaqué est sans incidence sur la régularité de ce dernier ;
Considérant, en troisième lieu, que 21 des 26 membres de la commission départemenale d'aménagement foncier de l'Aveyron étaient présents lors de la séance du 15 novembre 1990 au cours de laquelle celle-ci a émis un avis favorable à l'occupation temporaire des parcelles concernées par le projet d'extension à deux fois deux voies de la RN 9 sur les communes de Campagnac et de Séverac-le-Château (Aveyron) et de La Tieule (Lozère) ; que le "quorum" était ainsi, en tout état de cause, atteint ; que la présence au cours de cette séance d'un représentant des services fiscaux et de deux suppléants n'a pu, à elle seule, vicier ladite délibération ; que la commission départementale d'aménagement foncier disposait, à la date de sa délibération, du dossier d'enquête parcellaire alors en cours et qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'exigeait qu'elle disposât, pour émettre son avis, qui est suffisamment motivé, du rapport du commissaire-enquêteur ; que, par suite, les moyens tirés de ce que l'avis de la commission départementale d'aménagement foncier de l'Aveyron aurait été rendu dans des conditions irrégulières doivent être écartés ;
Sur les moyens tirés de la violation de la loi du 29 décembre 1892 :
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 29 décembre 1892 susvisée, l'arrêté préfectoral autorisant l'occupation temporaire "indique d'une façon précise les travaux à raison desquels l'occupation est ordonnée, les surfaces sur lesquelles elle doit porter, la nature et la durée de l'occupation et la voie d'accès. Un plan parcellaire désignant par une teinte les terrains à occuper est annexé à l'arrêté, à moins que l'occupation n'ait pour but exclusif le ramassage de matériaux" ; qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient le Groupement foncier agricole de la Baume, les plans et l'état parcellaires annexés à l'arrêté attaqué, qui délimitent par des traits de couleur les parcelles concernées par le projet d'extension à deux fois deux voies de la RN 9 et pour lesquelles l'occupation temporaire est autorisée, ne laissent aucun doute sur leur étendue ; que, de même, la nature des travaux à raison desquels l'occupation est autorisée est suffisamment précisée ; que, si l'arrêté ne mentionne pas les voies d'accès aux terrains concernés, il résulte de l'instruction et de l'examen des plans parcellaires que, celui-ci s'effectuant exclusivement par la RN 9 existante et n'empiétant sur aucun terrain privé, l'absence de cette mention est, en l'espèce, sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué ;
Considérant que, si l'arrêté attaqué a autorisé l'Etat à occuper temporairement les parcelles qu'il désigne "jusqu'au transfert de propriété résultant des opérations de remembrement", il s'est borné, sur ce point, à faire application des dispositions expresses du quatrième alinéa de l'article 10 de la loi du 8 août 1962 et de celles, prises pour l'application dudit article 10, du premier alinéa de l'article 8 du décret du 10 avril 1963 ; que si le deuxième alinéa du même article 8 du décret du 10 avril 1963 renvoie, pour la mise en oeuvre du régime d'occupation des terrains prévu par ces dispositions à divers articles de la loi du 29 décembre 1892, ce renvoi n'a pas eu pour effet de limiter à la durée fixée par l'article 9 de la loi du 29 décembre 1892 l'occupation régie par l'article 10 de la loi du 8 août 1962 ;
Sur les moyens tirés de l'illégalité de la déclaration d'utilité publique :
Considérant que si le Groupement requérant soutient que, par application de l'article R. 11-2 du code de l'expropriation, la déclaration d'utilité publique aurait dû être prononcée par décret en Conseil d'Etat, un tel moyen doit être écarté dès lors que les travaux étaient relatifs non à la construction d'une autoroute mais à la mise à deux fois deux voies d'une route nationale ;
Considérant que la modification du tracé initial entre le lieu-dit "Lavisille Mamille" et le lieu-dit "Combalade", qui a été décidée pour éviter une pente trop importante en direction de Séverac-le-Château, ne rendait pas nécessaire, eu égard à sa faible ampleur, une nouvelle enquête publique ;
Considérant, enfin, que les travaux faisant l'objet de la déclaration d'utilité publique qui sont relatifs à la mise à deux fois deux voies de la RN 9 sur une distance de 7 km environ et qui s'intègrent dans le plan d'amélioration de la desserte routière entre Clermont-Ferrand et Béziers présentent un caractère d'intérêt général ; que les atteintes portées notamment aux exploitations agricoles ne peuvent être regardées comme excessives par rapport à l'intérêt que présente l'opération et ne sont pas de nature à lui retirer son caractère d'utilité publique ;
Sur les moyens tirés de l'illégalité de l'arrêté préfectoral du 16 juillet 1990 déclarant le remembrement rural :
Considérant que l'arrêté du 16 juillet 1990 est devenu définitif ; que son illégalité ne peut, dès lors, être invoquée par voie d'exception ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le Groupement foncier agricole de la Baume n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté interpréfectoral des 23 et 25 janvier 1991 ;
Sur les conclusions du Groupement foncier agricole de la Baume tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Eat, qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à payer au Groupement foncier agricole de la Baume le remboursement des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : La requête du Groupement foncier agricole de la Baume est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au Groupement foncier agricole de la Baume, au ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme et au ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.