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21/02/1997 | FRANCE | N°139504

France | France, Conseil d'État, 6 / 2 ssr, 21 février 1997, 139504


Vu le recours, enregistré le 20 juillet 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement en date du 7 mai 1992 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, à la demande du Syndicat des agriculteurs irrigants du Val d'Allier Bourbonnais, annulé l'arrêté en date du 24 juillet 1991 par lequel le préfet de l'Allier a réglementé l'utilisation de l'eau ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979

modifiée relative à la motivation des actes administratifs ;
Vu le ...

Vu le recours, enregistré le 20 juillet 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement en date du 7 mai 1992 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, à la demande du Syndicat des agriculteurs irrigants du Val d'Allier Bourbonnais, annulé l'arrêté en date du 24 juillet 1991 par lequel le préfet de l'Allier a réglementé l'utilisation de l'eau ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle de Silva, Auditeur,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir invoquée par le Syndicat des agriculteurs irrigants du Val d'Allier Bourbonnais :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié au ministre de l'intérieur le 22 mai 1992 ; que dès lors le syndicat n'est pas fondé à soutenir que l'appel enregistré le 20 juillet 1992 était tardif ;
Sur la légalité de la décision préfectorale contestée :
Considérant que l'article L. 131-2 du code des communes, alors applicable, énonce : "La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : ( ...) 6°) Le soin de prévenir, par des précautions convenables, ( ...) les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature ( ...)" ; qu'aux termes de l'article L. 131-13 du même code, alors applicable : "Les pouvoirs qui appartiennent au maire en vertu de l'article L. 131-2 ne font pas obstacle au droit du représentant de l'Etat dans le département de prendre, pour toutes les communes du département ou plusieurs d'entre elles, et dans tous les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques ( ...)" ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet de l'Allier était compétent pour instituer, par l'arrêté attaqué, des limitations à l'usage de la ressource en eau ; qu'aucun texte ni aucun principe n'imposait la consultation des organes administratifs appelés à intervenir en matière de police spéciale des eaux, ou du préfet de région, dont le rôle se limitait à coordonner l'action de l'Etat en cette matière ; qu'il suit de là que le ministre de l'environnement est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand s'est fondé sur la circonstance que le préfet de l'Allier n'aurait pas procédé auxdites consultations pour annuler l'arrêté du préfet de l'Allier du 24 juillet 1991 réglementant l'usage de l'eau ;
Considérant qu'il appartient toutefois au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par le Syndicat des agriculteurs irrigants du Val d'Allier Bourbonnais, soit à l'appui de sa demande devant le tribunal administratif, soit devant le Conseil d'Etat ;
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait que l'arrêté contesté, qui présente un caractère réglementaire, soit motivé ; que le moyen doit donc, en tout état de cause, être écarté ;

Considérant que, compte tenu de la situation de sécheresse constatée dans le département de l'Allier en 1991, la mesure de police décidée par le préfet était nécessaire et proportionnée aux nécessités de la salubrité publique, notamment eu égard aux modalités retenues, qui n'interdisaient l'irrigation des prairies et cultures que dans certaines conditions, pendant une période limitée, et pour certains jours de la semaine ; que, par suite, le préfet n'a pas fait usage illégal des pouvoirs qui lui sont dévolus aux termes de l'article L. 131-13 du code des communes ; que les mesures d'interdiction, qui sont édictées à titre temporaire et ne réglementent que certains usages, n'excèdent pas, compte-tenu des circonstances de l'espèce, celles que l'autorité investie du pouvoir de police pouvait légalement prendre dans l'intérêt général ;
Considérant que le préfet pouvait légalement exonérer de l'interdiction d'irrigation les maraîchers, horticulteurs et pépiniéristes, qui ne se trouvent pas dans une situation comparable à celle des autres agriculteurs, au regard de leurs besoins en eau ; que par ailleurs, le syndicat ne saurait soutenir que l'arrêté comportait une discrimination entre les entreprises et les autres catégories d'usagers de la ressource en eau ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'atteinte au principe d'égalité doit être écarté ;
Considérant que le Syndicat des agriculteurs irrigants du Val d'Allier Bourbonnais ne saurait utilement invoquer, à l'encontre de l'arrêté attaqué, qui constitue une mesure de police, la circonstance que certains de ses membres seraient soumis à la redevance destinée au financement des agences de bassin ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'environnement est fondé à demander l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de ClermontFerrand a, à la demande du Syndicat des agriculteurs irrigants du Val d'Allier Bourbonnais, annulé l'arrêté susvisé du préfet de l'Allier ;
Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 7 mai 1992 est annulé.
Article 2 : La demande formée par le Syndicat des agriculteurs irrigants du Val d'Allier Bourbonnais devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au Syndicat des agriculteurs irrigants du Val d'Allier Bourbonnais et au ministre de l'environnement.


Synthèse
Formation : 6 / 2 ssr
Numéro d'arrêt : 139504
Date de la décision : 21/02/1997
Type d'affaire : Administrative

Analyses

- RJ1 COLLECTIVITES TERRITORIALES - DEPARTEMENT - ORGANISATION DU DEPARTEMENT - REPRESENTANTS DE L'ETAT DANS LE DEPARTEMENT - POUVOIRS DU PREFET - Article L - 131-13 du code des communes - Pouvoirs de police - Interdiction de certaines utilisations de l'eau dans un département en raison d'une situation de sécheresse - Légalité (1).

135-03-01-04-02, 27-05, 49-03-06, 49-04-05 Arrêté du 24 juillet 1991 du préfet de l'Allier réglementant l'usage de l'eau dans le département. Le préfet était compétent pour instituer des limitations à l'usage de l'eau sur le fondement des dispositions des articles L.131-2-6° et L.131-13 du code des communes (devenus les articles L.2212-2-5° et L.2215-1 du code général des collectivités territoriales). Aucun texte ni aucun principe ne lui imposait de consulter les organes administratifs appelés à intervenir en matière de police spéciale des eaux. Compte tenu de la situation de sécheresse constatée dans le département, et eu égard au fait que l'arrêté n'interdisait l'irrigation des prairies et cultures que dans certaines conditions, pendant une période limitée et pour certains jours de la semaine, la mesure de police édictée par le préfet est nécessaire et proportionnée à ce qu'exigeait la salubrité publique. Légalité.

- RJ1 EAUX - GESTION DE LA RESSOURCE EN EAU - Possibilité de limiter l'usage de l'eau en application des pouvoirs de police générale prévus par l'article L - 131-2-6° du code des communes - Existence (1) - Inapplicabilité des formalités prévues pour l'exercice de la police spéciale de l'eau.

- RJ1 POLICE ADMINISTRATIVE - ETENDUE DES POUVOIRS DE POLICE - POLICE GENERALE ET POLICE SPECIALE - Possibilité de limiter l'usage de l'eau en application des pouvoirs de police générale prévus par l'article L - 131-2-6° du code des communes - Existence (1) - Inapplicabilité des formalités prévues pour l'exercice de la police spéciale de l'eau.

- RJ1 POLICE ADMINISTRATIVE - POLICE GENERALE - SALUBRITE PUBLIQUE - Possibilité de limiter l'usage de l'eau sur le fondement de l'article L - 131-2-6° du code des communes - Existence - Conditions de légalité de telles restrictions (1).


Références :

Code des communes L131-2, L131-13

1.

Cf. 1991-09-23, Commune de Narbonne c/ Préfet de l'Aude, p. 313


Publications
Proposition de citation : CE, 21 fév. 1997, n° 139504
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vught
Rapporteur ?: Mlle de Silva
Rapporteur public ?: M. Piveteau

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1997:139504.19970221
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