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14/03/1997 | FRANCE | N°119055

France | France, Conseil d'État, 7 /10 ssr, 14 mars 1997, 119055


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 août 1990 et 3 décembre 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMPAGNIE D'AMENAGEMENT DES COTEAUX DE GASCOGNE, société d'économie mixte, dont le siège est ..., représentée par son président directeur général en exercice ; la COMPAGNIE D'AMENAGEMENT DES COTEAUX DE GASCOGNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 13 mars 1990 par lequel le tribunal administratif de Caen, sur la demande des sociétés Safege, Sogreah, Coyne et Bellier et de la chambre sy

ndicale des sociétés d'études et de conseil Syntec, a annulé la lettre ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 août 1990 et 3 décembre 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMPAGNIE D'AMENAGEMENT DES COTEAUX DE GASCOGNE, société d'économie mixte, dont le siège est ..., représentée par son président directeur général en exercice ; la COMPAGNIE D'AMENAGEMENT DES COTEAUX DE GASCOGNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 13 mars 1990 par lequel le tribunal administratif de Caen, sur la demande des sociétés Safege, Sogreah, Coyne et Bellier et de la chambre syndicale des sociétés d'études et de conseil Syntec, a annulé la lettre interministérielle du 5 février 1982 autorisant la COMPAGNIE D'AMENAGEMENT DES COTEAUX DE GASCOGNE à intervenir en dehors de la région Midi-Pyrénées, la délibération du 5 avril 1984 du conseil d'administration de l'Entente interdépartementale du Bocage Normand retenant la COMPAGNIE D'AMENAGEMENT DES COTEAUX DE GASCOGNE comme maître d'oeuvre du barrage du Gast (Calvados), la lettre du 25 avril 1984 par laquelle le ministre de l'agriculture a donné son agrément à cette intervention, ainsi que la décision implicite du commissaire du gouvernement auprès de la COMPAGNIE D'AMENAGEMENT DES COTEAUX DE GASCOGNE de ne pas s'opposer à l'attribution de cette maîtrise d'oeuvre à cette compagnie ;
2°) de rejeter les demandes présentées au tribunal administratif de Caen par les sociétés Safege, Sogreah, Coyne et Bellier et par la chambre syndicale des sociétés d'études et de conseil Syntec et tendant à l'annulation de ces décisions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 51-592 du 24 mai 1951, modifiée par la loi n° 62-933 du 8 août 1962 et dont l'article 9 est repris à l'article L. 112-8 du code rural ;
Vu le décret n° 55-253 du 3 février 1955, modifié par le décret n° 69-213 du 6 mars 1969 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Lagumina, Auditeur,
- les observations de Me Guinard, avocat de la COMPAGNIE D'AMENAGEMENT DES COTEAUX DE GASCOGNE, de Me Delvové, avocat de la Société Safege, de la chambre syndicale des sociétés d'études et de conseils Syntec, de la société Coyne, Bellier et de la Société Sogreah,
- les conclusions de Mme Bergeal, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la COMPAGNIE D'AMENAGEMENT DES COTEAUX DE GASCOGNE, société anonyme d'économie mixte, constituée en application des dispositions de l'article 9 de la loi du 24 mai 1951, a été autorisée par une lettre du 5 février 1982 du ministre de l'économie et des finances, du ministre délégué chargé du budget et du ministre de l'agriculture, à engager des "actions autonomes" "sur le territoire national en dehors de la région Midi-Pyrénées" ; que, par une délibération du 5 avril 1984, le conseil d'administration de l'Entente interdépartementale du Bocage Normand a décidé de lui confier la maîtrise d'oeuvre du barrage du Gast (Calvados) ; que, par lettre du 25 avril 1984, le ministre de l'agriculture a donné son "agrément" à cette intervention ; que le commissaire du gouvernement n'a pas exercé ses pouvoirs de tutelle ; que par une décision implicite résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois sur la demande qui lui en était faite par la société Syntec, le commissaire du gouvernement auprès de cette compagnie a refusé de revenir sur cette décision ; que, par jugement en date du 13 mars 1990, le tribunal administratif a annulé l'ensemble de ces décisions et a déclaré nul et non avenu le contrat conclu entre la COMPAGNIE D'AMENAGEMENT DES COTEAUX DE GASCOGNE et l'Entente interdépartementale du Bocage Normand ;
Sur la recevabilité des demandes présentées au tribunal administratif de Caen :
En ce qui concerne l'intérêt pour agir de la chambre syndicale Syntec :
Considérant que la chambre syndicale des sociétés d'études et de conseil Syntec avait intérêt à demander l'annulation des deux lettres précitées des 5 février 1982 et 25 avril 1984 qui, en autorisant la COMPAGNIE D'AMENAGEMENT DES COTEAUX DE GASCOGNE à intervenir sur l'ensemble du territoire national et en donnant l'agrément du ministre del'agriculture à son intervention comme maître d'oeuvre pour la construction d'un barrage dans le département du Calvados, portent atteinte aux intérêts collectifs que cette chambre syndicale a pour objet de défendre ; qu'elle était, en revanche, sans intérêt à demander l'annulation de la délibération du 5 avril 1984 par laquelle le conseil d'administration a rejeté les offres des sociétés Safege, Sogreah, Coyne et Bellier, ainsi que celle de la décision implicite précitée par laquelle le commissaire du gouvernement auprès de la COMPAGNIE D'AMENAGEMENT DES COTEAUX DE GASCOGNE a rejeté la demande présentée par la société Syntec le 11 mai 1985, dès lors qu'elle n'a été ni candidate au marché ni écartée à tort de celui-ci ; que, par suite, la COMPAGNIE D'AMENAGEMENT DES COTEAUX DE GASCOGNE est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a accueilli les conclusions présentées par la chambre syndicale Syntec contre la décision du commissaire du gouvernement auprès de la COMPAGNIE D'AMENAGEMENT DES COTEAUX DE GASCOGNE et à demander, dans cette mesure, l'annulation du jugement attaqué, ainsi que le rejet de ces conclusions ;
En ce qui concerne les conclusions des demandes tendant à ce que le contrat passé entre l'Entente interdépartementale du Bocage Normand et la COMPAGNIE D'AMENAGEMENT DES COTEAUX DE GASCOGNE soit déclaré nul et de nul effet :

Considérant que ces conclusions à fin d'annulation qui sont dirigées contre des stipulations contractuelles qui n'ont pas un caractère réglementaire sont irrecevables ; que, dès lors, la COMPAGNIE D'AMENAGEMENT DES COTEAUX DE GASCOGNE est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il déclare nul et de nul effet le contrat par lequel l'Entente interdépartementale du Bocage Normand lui a confié la maîtrise d'ouvrage du barrage du Gast ;
Sur la légalité des décisions attaquées :
Considérant que, pour annuler les décisions attaquées, le tribunal administratif de Caen s'est fondé sur la méconnaissance des stipulations du contrat de société fixant les statuts de la COMPAGNIE D'AMENAGEMENT DES COTEAUX DE GASCOGNE ; que la méconnaissance des stipulations d'un contrat ne peut être utilement invoquée comme moyen de légalité à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir formé à l'encontre de décisions administratives ; que, dès lors, la COMPAGNIE D'AMENAGEMENT DES COTEAUX DE GASCOGNE est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen s'est fondé sur la méconnaissance des stipulations des statuts de la compagnie pour annuler les décisions attaquées ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens des demandeurs tant en première instance qu'en appel ;
Considérant qu'aux termes des prescriptions de l'article 9 de la loi du 24 mai 1951, dans la rédaction qui leur a été donnée par l'article 28 de la loi du 8 août 1962, reprises à l'article L. 112-8 du code rural : "Lorsque la mise en valeur de régions déterminées nécessite la réalisation de travaux concernant plusieurs départements ministériels et mettant en oeuvre plusieurs sources de financement, l'étude, l'exécution et éventuellement l'exploitation ultérieure des ouvrages peuvent, à l'initiative d'un ou des ministres compétents en accord avec le ministre des finances et des affaires économiques et après avis du ministre chargé de l'aménagement du territoire, faire l'objet d'une mission générale définie par décret en Conseil d'Etat ou d'une concession unique, consentie par décret en conseil des ministres à un établissement public doté de l'autonomie financière, à une société d'économie mixte ou à touteautre forme d'organisme groupant l'ensemble des personnes publiques et privées intéressées à condition que la majorité des capitaux appartienne à des personnes publiques ... - Ces dispositions pourront être étendues à l'étude, la construction et, éventuellement, la gestion d'un ouvrage isolé présentant un intérêt général, par la valorisation d'une production, pour diverses catégories d'utilisateurs ..." ; qu'aux termes de l'article 7 du décret du 3 février 1955, pris pour l'application de ces prescriptions, "les statuts de l'organisme titulaire de la concession et, en l'absence de statuts, ses règles d'organisation en ce qui concerne le fonctionnement de la concession, sont approuvés par un règlement d'administration publique ..." ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la lettre susmentionnée du 5 février 1992 du ministre de l'économie et des finances, du ministre délégué au budget et du ministre de l'agriculture, ainsi que la lettre du ministre de l'agriculture du 25 avril 1984, qui autorisent la COMPAGNIE D'AMENAGEMENT DES COTEAUX DE GASCOGNE à intervenir sur le territoire national en dehors de la région précédemment déterminée par le décret du 6 janvier 1959 approuvant ses statuts sont entachées d'incompétence et doivent être annulées ;
Considérant que la délibération en date du 5 avril 1984 et la décision implicite par laquelle le commissaire du gouvernement auprès de la COMPAGNIE D'AMENAGEMENT DES COTEAUX DE GASCOGNE a refusé d'user de ses pouvoirs de tutelle pour s'opposer à la passation du contrat de maîtrise d'oeuvre ont été prises en application des lettres précitées et doivent donc être annulées par voie de conséquence ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMPAGNIE D'AMENAGEMENT DES COTEAUX DE GASCOGNE n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué du 13 mars 1990, le tribunal administratif de Caen ait annulé les décisions susmentionnées ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen est annulé en tant qu'il annule la décision implicite du commissaire du gouvernement auprès de la COMPAGNIE D'AMENAGEMENT DES COTEAUX DE GASCOGNE et en tant qu'il déclare nul et de nul effet le contrat passé entre l'Entente interdépartementale du Bocage Normand et la COMPAGNIE D'AMENAGEMENT DES COTEAUX DE GASCOGNE.
Article 2 : Les conclusions des demandes présentées au tribunal administratif de Caen tendant à l'annulation de la décision implicite du commissaire du gouvernement auprès de la COMPAGNIE D'AMENAGEMENT DES COTEAUX DE GASCOGNE rejetant la demande présentée par la Syntec le 11 mai 1985 et à ce que le contrat entre cette compagnie et l'Entente interdépartementale du Bocage Normand soit déclaré nul et de nul effet sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMPAGNIE D'AMENAGEMENT DES COTEAUX DE GASCOGNE est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMPAGNIE D'AMENAGEMENT DES COTEAUX DE GASCOGNE, aux sociétés Safege, Sogreah, Coyne et Bellier, à la chambre syndicale des sociétés d'études et de conseil Syntec, à l'Entente interdépartementale du Bocage Normand et au ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.


Synthèse
Formation : 7 /10 ssr
Numéro d'arrêt : 119055
Date de la décision : 14/03/1997
Type d'affaire : Administrative

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPETENCE - COMPETENCE EN MATIERE DE DECISIONS NON REGLEMENTAIRES - Décret en Conseil d'Etat - Extension du domaine d'intervention d'une société d'économie mixte créée pour la mise en valeur de régions déterminées (article L - 112-8 du code rural).

01-02-03, 03-01, 68-05-04 Décret du 3 février 1955 pris pour l'application des dispositions de la loi du 24 mai 1951 modifiées par l'article 28 de la loi du 8 août 1962 et codifiées à l'article L.112-8 du code rural, prévoyant que les statuts ou les règles d'organisation des organismes titulaires d'une concession accordée sur le fondement de ces dispositions législatives pour la mise en valeur de régions déterminées sont approuvés par un décret en Conseil d'Etat. Incompétence des ministres de l'économie et des finances d'une part, et du ministre de l'agriculture d'autre part, pour autoriser une société d'économie mixte constituée en application de l'article L. 112-8 du code rural à intervenir sur l'ensemble du territoire national, au-delà des limites de la région pour le développement de laquelle elle a été créée.

AGRICULTURE - CHASSE ET PECHE - INSTITUTIONS AGRICOLES - Société d'économie mixte créée pour la mise en valeur de régions déterminées (article L - 112-8 du code rural) - Extension du domaine d'intervention - Compétence - Décret en Conseil d'Etat.

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - DEVELOPPEMENT RURAL - Société d'économie mixte créée pour la mise en valeur de régions déterminées (article L - 112-8 du code rural) - Extension du domaine d'intervention - Compétence - Décret en Conseil d'Etat.


Références :

Code rural L112-8
Décret du 06 janvier 1959
Décret 55-253 du 03 février 1955 art. 7
Loi 51-592 du 24 mai 1951 art. 9
Loi 62-933 du 08 août 1962 art. 28


Publications
Proposition de citation : CE, 14 mar. 1997, n° 119055
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Gentot
Rapporteur ?: Mlle Lagumina
Rapporteur public ?: Mme Bergeal

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1997:119055.19970314
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