Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 juillet et 27 novembre 1992 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Sadok X..., domicilié 23872 D327, 5B rue Alexandre Y... à Bois d'Arcy (78395) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 21 avril 1992 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 21 décembre 1988 prononçant son expulsion ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée notamment par la loi n° 86-1025 du 9 septembre 1986 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Guyomar, Auditeur,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ; que M. X..., ressortissant tunisien, est né en France en 1966 et y a toujours vécu ; que toute sa famille réside en France et qu'il n'a aucune attache familiale avec le pays dont il possède la nationalité ; que, par suite, si l'intéressé s'est rendu coupable de plusieurs vols avec effraction ou à main armée, la mesure d'expulsion prise à son encontre a, eu égard à la gravité de l'atteinte portée à sa vie privée, excédé ce qui était nécessaire à la défense de l'ordre public ; que, dans ces conditions, elle a été prise en violation de l'article 8 de la convention précitée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 21 décembre 1988 prononçant son expulsion ;
Article 1er : Le jugement n° 89158-914551 du tribunal administratif de Versailles en date du 21 avril 1992 et l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 21 décembre 1988 prononçant l'expulsion de M. X... sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Sadok X... et au ministre de l'intérieur.