Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Conseil d'Etat le 6 mars 1995, présentée par Mme Marguerite X..., demeurant ..., et par le Syndicat de la magistrature, domicilié ..., représenté par son président et désigné comme mandataire commun ; Mme Raud-Lefevre et le Syndicat de la magistrature demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 décembre 1994 notifiée à Mme Raud-Lefevre le 4 janvier 1995, du ministre de la justice, refusant de lui accorder l'autorisation d'accomplir un service à mi-temps ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 58-1277 du 22 décembre 1958 modifiée relative au statut de la magistrature ;
Vu l'ordonnance n° 82-296 du 31 mars 1982 et le décret n° 82-624 du 20 juillet 1982 ;
Vu l'article 37 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, modifiée par la loi n° 94-629 du 25 juillet 1994, ensemble la loi du 25 juillet 1994 ;
Vu le décret n° 95-131 du 7 février 1995 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Guyomar, Auditeur,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que s'il est loisible à un syndicat de magistrats d'intervenir dans une instance où est contestée par un magistrat une décision individuelle le concernant, ce syndicat est en revanche sans qualité pour présenter devant la juridiction administrative des conclusions tendant à l'annulation de ladite décision individuelle ; que, par suite, les conclusions à fins d'annulation du refus opposé par le ministre de la justice à la requérante sont, en tant qu'elles émanent du Syndicat de la magistrature, irrecevables ;
Considérant que l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 37 bis de la loi susvisée du 11 janvier 1984 modifiée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, issu de la loi susvisée du 25 juillet 1994, et prévoyant que "l'autorisation d'accomplir un service à mi-temps est accordée de plein droit aux fonctionnaires à l'occasion de chaque naissance jusqu'au troisième anniversaire de l'enfant", dispositions qui, aux termes de l'article 21 de la loi du 25 juillet 1994, entrent en vigueur le 1er janvier 1995, n'était pas subordonnée à l'intervention du décret d'application prévu à l'article 37 bis de la loi du 11 janvier 1984, dès lors que, antérieurement à l'extension, réalisée par la loi du 25 juillet 1994, du champ d'application de cet avantage, le régime du travail à temps partiel applicable était défini par le décret susvisé du 20 juillet 1982 pris pour l'application de l'ordonnance susvisée du 31 mars 1982 ;
Considérant que par suite, c'est à tort que le ministre de la justice s'est fondé sur le motif que le décret d'application prévu par la loi n'était pas intervenu pour refuser à Mme Raud-Lefevre, juge d'application des peines au tribunal de grande instance de Nîmes, l'autorisation qu'elle sollicitait de travailler à mi-temps à compter du 1er janvier 1995 en application des dispositions de l'article 37 bis de la loi du 11 janvier 1984, applicables aux magistrats en vertu de l'article 68 de l'ordonnance susvisée du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature ;
Considérant que, dès lors, Mme Raud-Lefevre est fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ;
Article 1er : Les conclusions présentées par le Syndicat de la magistrature sont rejetées.
Article 2 : La décision du 22 décembre 1994 du ministre de la justice est annulée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Marguerite Raud-Lefevre, au Syndicat de la magistrature et au garde des sceaux, ministre de la justice.