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28/04/1997 | FRANCE | N°162946

France | France, Conseil d'État, 7 / 10 ssr, 28 avril 1997, 162946


Vu la requête, enregistrée le 18 novembre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Louis X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat annule :
- la décision du 26 août 1994 par laquelle le commandant du centre territorial d'administration et de comptabilité n° 591 a fait connaître à l'intéressé d'une part, qu'il ne pouvait avoir droit, à compter du 3 juin 1995, aux majorations familiales et au supplément familial à l'étranger au titre de son séjour en République centrafricaine et de son congé administratif, d'autre part, que

les prestations familiales et le taux particulier n° 2 de l'indemnité ...

Vu la requête, enregistrée le 18 novembre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Louis X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat annule :
- la décision du 26 août 1994 par laquelle le commandant du centre territorial d'administration et de comptabilité n° 591 a fait connaître à l'intéressé d'une part, qu'il ne pouvait avoir droit, à compter du 3 juin 1995, aux majorations familiales et au supplément familial à l'étranger au titre de son séjour en République centrafricaine et de son congé administratif, d'autre part, que les prestations familiales et le taux particulier n° 2 de l'indemnité pour charges militaires ne pourraient lui être servis lors de son admission au régime de solde de métropole ;
- l'ordre de mutation du 31 août 1994 par lequel le directeur du personnel de l'armée de terre l'affecte à l'état-major de la circonscription militaire de défense de Marseille à compter du 12 octobre 1994 ;
- la décision du 5 octobre 1994 par laquelle le commandant du centre territorial d'administration et de comptabilité n° 591 lui confirme la décision du 26 août 1994 et l'informe que cette dernière ne pourra être reconsidérée que si la charge effective et permanente de ses enfants est assurée par ses soins et que si un certificat de cessation de paiement des prestations familiales est délivré par la caisse d'allocations familiales du Tarn ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 ;
Vu le décret n° 59-1193 du 13 octobre 1959 modifié ;
Vu le décret n° 67-290 du 28 mars 1967 modifié ;
Vu le décret n° 68-349 du 19 avril 1968 modifié ;
Vu le décret n° 75-675 du 28 juillet 1975 ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 ;
Vu la loi n° 87-570 du 22 juillet 1987 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Rapone, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Bergeal, Commissaire du gouvernement ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale : "Il est institué une organisation du contentieux général de la sécurité sociale. Cette organisation règle les différends auxquels donne lieu l'application des législations et réglementations de sécurité sociale ( ...) et qui ne relèvent pas, par leur nature, d'un autre contentieux" ;
Considérant que, si les avantages accordés en matière familiale sur le fondement des dispositions du décret du 28 mars 1967 aux agents de l'Etat en service à l'étranger constituent des éléments de leur rémunération en application de leur statut de même que le supplément familial de solde ou l'indemnité représentative de frais dite "indemnité pour charges militaires", il n'en est pas de même des prestations familiales prévues à l'article L. 511-1 du code de la sécurité sociale ;
Considérant que la décision par laquelle le commandant du centre territorial d'administration et de comptabilité n° 591 a refusé au lieutenant-colonel X... le bénéfice du versement des prestations familiales fait naître un différend qui est relatif, non à l'application des législations et réglementations d'ordre statutaire, mais à l'application des législations etréglementations de sécurité sociale ; que ce différend, qui ne relève pas par sa nature d'un autre contentieux, ne peut être porté que devant les juridictions du contentieux général de la sécurité sociale ; que, par suite, le Conseil d'Etat est incompétent pour connaître des conclusions de la requête dirigées contre cette décision de refus ;
Sur les conclusions de la requête dirigées contre l'ordre de mutation du 31 août 1994 :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir opposées par le ministre de la défense :
Considérant qu'aux termes de l'article 12 de la loi susvisée du 13 juillet 1972 : "Les militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu ..." ;
Considérant que, sur le fondement des dispositions susrappelées, le ministre de la défense a pu légalement, décider que le lieutenant-colonel X... serait affecté à Marseille à compter du 12 octobre 1994 ; que la circonstance que cette affectation nouvelle éloignait l'officier de son domicile habituel et l'obligeait compte tenu de sa situation familiale à placer en pension ses enfants, est sans influence sur la légalité de l'ordre de mutation établi le 31 août 1994 ; qu'ainsi, les conclusions dirigées contre ledit ordre ne pourront qu'être rejetées ;
Sur les conclusions de la requête autres que celles dirigées contre l'ordre de mutation et le refus de versement de prestations familiales :
Considérant que le moyen tiré de ce que la requête ne comporterait pas le timbre fiscal prévu par l'article 1089 B du code général des impôts et que le requérant ne se serait donc pas acquitté de ce droit doit être écarté dès lors que la requête a été régularisée sur ce point le 30 novembre 1994 ;

Considérant que les lettres du commandant du centre territorial d'administration et de comptabilité n° 591 en date des 26 août et 5 octobre 1994 qui refusent à M. X... le bénéfice de certains avantages pécuniaires, ne sont pas, contrairement à ce que soutient le ministre, de simples mesures préparatoires mais constituent des décisions faisant grief ;
En ce qui concerne le refus d'ouverture du droit aux avantages familiaux servis à l'étranger et le refus du bénéfice du supplément familial de solde en métropole :
Considérant que d'après l'article 2 du décret susvisé du 28 mars 1967, dont les dispositions ont été étendues aux personnels militaires par le décret susvisé du 19 avril 1968, les émoluments des personnels de l'Etat servant à l'étranger comprennent au titre des avantages familiaux le supplément familial pour les personnels divorcés ayant au moins un enfant à charge et les majorations familiales pour enfants à charge ; qu'en vertu des dispositions des articles 7 et 8 du décret du 28 mars 1967 l'agent divorcé qui a au moins un enfant à charge ouvrant droit aux majorations familiales peut prétendre au supplément familial ; que sont considérés comme ouvrant droit aux majorations familiales les enfants dont la charge est assumée dans les conditions prévues par l'article L. 525 du code de la sécurité sociale ; que selon l'article 11 du décret susvisé du 24 octobre 1985, la notion d'enfant à charge à retenir pour déterminer l'ouverture du droit au supplément familial de traitement est celle fixée en matière de prestations familiales par le code de la sécurité sociale ; qu'aux termes de l'article L. 513-1 du code de la sécurité sociale : "les prestations familiales sont ( ...) dues à la personne physique qui assume la charge effective et permanente de l'enfant" ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant a, par arrêt de la cour d'appel de Colmar du 3 juin 1994 prononçant le divorce des époux X..., reçu le plein exercice de l'autorité parentale sur ses enfants ; que la décision de la cour n'a accordé à Mme X... aucun droit de visite ni d'hébergement ; que, depuis l'intervention de la loi du 22 juillet 1987 sur l'exercice de l'autorité parentale, doit être regardé comme ayant la garde de l'enfant celui des parents qui a l'exercice de l'autorité parentale ; que M. X... doit donc être regardé comme ayant la garde de ses enfants ; qu'en cette qualité, il est, au sens des dispositions de l'article L. 513-1 du code de la sécurité sociale, la personne du chef de laquelle s'ouvre le droit aux avantages familiaux ; que, toutefois, lesdits avantages ne sont versés du chef de l'allocataire qu'entre les mains de la personne qui assume la charge effective et permanente de ses enfants ; que, s'il est contesté par le ministre de la défense que M. X... assume la charge effective et permanente de ses enfants, cette contestation ne se fonde que sur les résultats d'une enquête d'un agent de contrôle de la caisse d'allocations familiales du Tarn, ainsi que sur la décision de refus de ladite caisse du versement des prestations familiales au père ; que le commandant du centre territorial d'administration et de comptabilité, dans l'appréciation qu'il lui revenait de faire de la situation de l'officier, ne pouvait se considérer comme lié par cette décision de refus ; qu'aucun élément figurant au dossier ne permet d'établir la nature des investigations opérées par la caisse, ni la teneur des constatations effectuées dans le cadre de l'enquête diligentée par son agent de contrôle, enquête dont la seule invocation par le commandant du centre territorial d'administration et de comptabilité ne saurait suffire, en l'espèce, en l'absence de toute vérification par ses services de la réalité de la situation de M. X..., à démontrer que ce dernier ne supporterait pas la charge de ses enfants, au sens de la législation relative aux prestations familiales ; qu'ainsi, c'est à tort que le commandant du centre territorial d'administration et de comptabilité n° 591 a estimé que le requérant qui assume la charge effective et permanente de ses enfants ne remplissait pas les conditions, au regard de l'article L. 513-1 du code de la sécurité sociale, pour voir verser entre ses mains, après son divorce, d'une part, les avantages familiaux alloués aux militaires au titre de leur service à l'étranger et constitués des majorations familiales et du supplément familial de solde, d'autre part, le supplément familial de solde au titre de son service en métropole de retour de l'étranger ;
En ce qui concerne le refus du bénéfice de l'indemnité pour charges militaires au taux particulier n° 2 :

Considérant qu'en application des dispositions du décret susvisé du 13 octobre 1959, une indemnité représentative de frais, dite "indemnité pour charges militaires" est attribuée aux officiers pour tenir compte des diverses sujétions spécifiquement militaires, avec un taux particulier pour le chef de famille avec trois enfants et plus (taux n° 2) ; qu'aux termes de l'article 3 de ce décret, dans sa rédaction issue du décret du 17 mars 1975 : "la législation fiscale sert de référence pour la définition de l'enfant à charge" ; qu'il résulte des dispositions du code général des impôts qu'une fois que le divorce a été prononcé, doit être considéré comme ayant des enfants à charge, au sens de la législation fiscale, l'un ou l'autre des anciens époux assumant réellement cette charge ;
Considérant qu'à la suite du divorce des époux X..., intervenu le 3 juin 1994, le ministre de la défense a, pour écarter l'octroi à l'officier de l'indemnité pour charges militaires au taux particulier n° 2, contesté que M. X... ait assumé la charge effective de ses enfants pour les motifs susindiqués ; que M. X... ayant supporté la charge effective de ses enfants, qu'il assumait déjà, ainsi que l'a constaté l'arrêt de divorce, avant même le prononcé de la décision et à un moment où les enfants étaient pourtant judiciairement confiés à la mère, le commandant du centre territorial d'administration et de comptabilité n° 591 n'était pas fondé à lui refuser, à son retour en métropole, le bénéfice de l'indemnité pour charges militairesau taux particulier n° 2 auquel il avait droit en application des dispositions combinées du décret du 13 octobre 1959 et de l'article 194 du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le commandant du centre territorial d'administration et de comptabilité n° 591 a entaché d'excès de pouvoir ses décisions des 26 août et 5 octobre 1994 en tant qu'elles ont refusé au lieutenant colonel X... l'ouverture du droit aux avantages familiaux servis à l'étranger pour la période des mois de juin et juillet 1994 et le bénéfice du versement du supplément familial de solde et de la majoration au taux familial de l'indemnité pour charges militaires en métropole ; que, par suite, lesdites décisions doivent être annulées ;
Article 1er : Les conclusions de la requête dirigées contre les décisions du commandant du centre territorial d'administration et de comptabilité n° 591 en date des 26 août et 5 octobre 1994 en tant qu'elles refusent à M. X... le bénéfice du versement des prestations familiales en métropole sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 2 : Les conclusions de la requête dirigées contre l'ordre de mutation en date du 31 août 1994 sont rejetées.
Article 3 : Les décisions du commandant du centre territorial d'administration et de comptabilité n° 591 en date des 26 août et 5 octobre 1994, en tant qu'elles refusent l'ouverture du droit aux avantages familiaux servis à l'étranger pour la période des mois de juin et juillet 1994 et le bénéfice du versement du supplément familial de solde et de la majoration de l'indemnité pour charges militaires en métropole sont annulées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Louis X... et au ministre de la défense.


Synthèse
Formation : 7 / 10 ssr
Numéro d'arrêt : 162946
Date de la décision : 28/04/1997
Type d'affaire : Administrative

Analyses

08-01-02 ARMEES - PERSONNELS DES ARMEES - QUESTIONS PARTICULIERES A CERTAINS PERSONNELS MILITAIRES.


Références :

CGI 1089 B, 194
Code de la sécurité sociale L142-1, L511-1, L525, L513-1
Décret 59-1193 du 13 octobre 1959 art. 3
Décret 67-290 du 28 mars 1967 art. 2, art. 7, art. 8
Décret 68-349 du 19 avril 1968
Décret 75-174 du 17 mars 1975
Décret 85-1148 du 24 octobre 1985 art. 11
Loi 72-662 du 13 juillet 1972 art. 12
Loi 87-570 du 22 juillet 1987


Publications
Proposition de citation : CE, 28 avr. 1997, n° 162946
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Rapone
Rapporteur public ?: Mme Bergeal

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1997:162946.19970428
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