Vu la requête, enregistrée le 2 août 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Paul Y..., demeurant ... et M. Lucien X..., demeurant ... ; MM. Y... et X... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision en date du 18 juin 1996 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à être autorisés à déposer plainte avec constitution de partie civile pour le compte de la ville de Cannes pour des faits de corruption active et trafic d'influence commis par des particuliers, corruption passive et trafic d'influence commis par des personnes exerçant une fonction publique et prise illégale d'intérêt ;
2°) de les autoriser à exercer l'action envisagée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code pénal ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des communes ;
Vu l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Debat, Maître des Requêtes,
- les observations de Me de Nervo, avocat de M. Paul Y... et de M. Lucien X... et de Me Ricard, avocat de la ville de Cannes,
- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 2132-5 du code général des collectivités territoriales : "Tout contribuable inscrit au rôle de la commune a le droit d'exercer, tant en demande qu'en défense, à ses frais et risques, avec l'autorisation du tribunal administratif, les actions qu'il croit appartenir à la commune et que celle-ci, préalablement appelée à en délibérer, a refusé ou négligé d'exercer" ;
Sur la régularité de la décision :
Considérant qu'aucune disposition non plus qu'aucun principe général ne fait obstacle à ce que, lors de l'examen d'une demande d'autorisation d'exercer une action en justice au nom de la commune, le tribunal administratif, bien qu'appelé à se prononcer dans l'exercice d'attributions administratives, prenne sa décision après audition d'un commissaire du gouvernement qui comme en matière juridictionnelle, est chargé d'exposer les questions soulevées par la demande et de faire connaître, en toute indépendance, son appréciation, qui doit être impartiale, sur les circonstances de fait et les règles de droit applicables ainsi que son opinion sur la suite à donner à la demande ; qu'ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision par laquelle le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande d'autorisation de plaider serait intervenue à la suite d'une procédure irrégulière au motif qu'elle a été prise après audition des conclusions d'un commissaire du gouvernement près ledit tribunal ;
Sur le bien-fondé de la demande :
Considérant qu'il résulte des dispositions susmentionnées de l'article L. 2132-5 du code général des collectivités territoriales qu'un contribuable n'est recevable à saisir le tribunal administratif d'une demande d'autorisation en vue d'exercer une action en justice au nom de la commune que si celle-ci a préalablement été saisie d'une demande tendant à ce qu'elle exerce elle-même l'action considérée et a refusé ou négligé de l'exercer ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Grasse a été saisi en mars 1995 des faits qui motivent la demande de MM. Y... et X... et qu'une instruction a été diligentée par un juge d'instruction près ce tribunal ; qu'à la suite de plusieurs échanges de correspondances tantavec MM. Y... et X... qu'avec ce magistrat, le maire de la ville de Cannes a, par une lettre en date du 7 mars 1996, fait savoir au magistrat instructeur que la ville se constituait partie civile en application de l'article 87 du code de procédure pénale, dans l'information judiciaire en cours concernant les relations financières entre diverses sociétés privées et la société d'économie mixte cannoise pour l'aménagement et le développement à laquelle la ville a confié l'aménagement de la zone dite du "Palm Beach" à Cannes ; qu'au cours de sa séance du 6 juin 1996, le conseil municipal de Cannes a donné acte au maire de la constitution de partie civile de la ville pour les faits dénoncés par MM. Y... et X... ; que, dans ces circonstances, la ville de Cannes ne peut être regardée comme ayant négligé d'exercer l'action considérée alors même qu'elle n'aurait pas porté plainte sur le fondement de l'article 85 du code de procédure pénale ; qu'il suit de là que les requérants ne sont fondés à demander ni l'annulation de la décision en date du 18 juin 1996 par laquelle le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande, ni à être autorisés par le Conseil d'Etat à exercer eux-mêmes l'action en cause ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de cet article et de condamner les requérants à payer à la ville de Cannes la somme de 20 000 F qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de MM. Y... et X... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la ville de Cannes tendant à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Paul Y..., à M. Lucien X..., à la ville de Cannes et au ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.