Vu la requête, enregistrée le 2 septembre 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Christiane X..., demeurant ... ; Mme X... demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 2 juillet 1992 de la cour administrative d'appel de Paris en tant que celle-ci a, sur le recours formé par le ministre du budget contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 7 décembre 1990, remis à sa charge des suppléments d'impôt sur le revenu, majorés d'intérêts de retard, au titre de chacune des années 1981 à 1984 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Fabre, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Balat, avocat de Mme Christiane X...,
- les conclusions de M. Loloum, Commissaire du gouvernement ;
En ce qui concerne l'application des dispositions de l'article 1er du décret du 28 novembre 1983 :
Considérant que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Paris a jugé, contrairement à ce que le tribunal administratif de Paris avait admis, que Mme X... ne pouvait, sur le fondement de l'article 1er du décret du 28 novembre 1983, concernant les relations entre l'administration et les usagers, aux termes duquel : "Tout intéressé est fondé à se prévaloir, à l'encontre de l'administration, des instructions, directives et circulaires publiées dans les conditions prévues par l'article 9 de la loi susvisée du 17 juillet 1978, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux lois et règlements", invoquer le bénéfice de l'instruction administrative 13 L. 9-76 du 18 juin 1976, publiée au Bulletin officiel de la direction générale des impôts du 15 juillet 1976, qui énonce qu'"aucune imposition supplémentaire ne pourra être mise en recouvrement, tant qu'il n'aura pas été statué sur le recours" du contribuable ayant fait usage de la faculté, prévue dans la "Charte des droits et obligations du contribuable vérifié", de faire appel à l"interlocuteur départemental" ;
Considérant qu'il ressort de l'ensemble des dispositions du livre des procédures fiscales que, jusqu'à l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 8 de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987, ultérieurement reprises à l'article L. 10 de ce livre, qui ont rendu opposables à l'administration les dispositions contenues dans la "Charte des droits et obligations du contribuable vérifié", l'établissement d'impositions supplémentaires à la suite d'une vérification n'était pas soumis à d'autres règles de procédure que celles qui étaient déterminées par les lois et règlements ; que, par suite, en jugeant que la disposition de procédure contenue dans l'instruction administrative du 18 juin 1976, ci-dessus rappelée, qui, à la date de la mise en recouvrement, le 28 février 1987, des impositions supplémentaires mises à la charge de Mme X..., n'était pas prévue par le livre des procédures fiscales et ne pouvait être regardée comme édictée par une autorité habilitée à ajouter, sur ce point, aux dispositions de ce livre, était "contraire aux lois et règlements", au sens et pour l'application de l'article 1er du décret du 28 novembre 1983, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ;
En ce qui concerne le bien-fondé du supplément d'impôt sur le revenu établi au titre de l'année 1982 :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel que Mme X..., à l'issue d'une vérification approfondie de sa situation fiscale d'ensemble pour chacune des années 1981 à 1984, a, notamment, été assujettie, au titre de l'année 1982, à un supplément d'impôt sur le revenu à raison de revenus d'origine indéterminée arrêtés par l'administration au vu des crédits enregistrés sur ses comptes bancaires ; que, devant le tribunal administratif, Mme X... a produit des documents justifiant, ainsi que l'a reconnu l'administration, qu'une part importante de ces crédits provenait du remboursement de bons anonymes qu'elle avait souscrits antérieurement à l'année 1982 ; que, toutefois, l'administration n'a, pour déterminer le montant du dégrèvement qu'elle a prononcé d'office en faveur de Mme X... en cours de première instance, exclu de la base d'imposition le produit de ces remboursements de bons que dans la mesure où ceux-ci ont été souscrits au cours des années1977 à 1980, à l'exception de ceux qui ont été souscrits au cours de l'année 1981, première année vérifiée, pour une valeur nominale totale de 705 000 F ;
Considérant qu'en écartant le moyen tiré par Mme X... de ce que les revenus d'origine indéterminée sur la base desquels l'administration avait maintenu son imposition au titre de l'année 1982 restaient exagérés, à concurrence du produit du remboursement des bons souscrits antérieurement à l'année d'imposition, en 1981, par le motif que l'intéressée n'établissait pas avoir acquis ces titres "antérieurement à la période vérifiée", la cour administrative d'appel a méconnu le principe de l'annualité de l'impôt sur le revenu et, de ce fait, entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que Mme X... est, par suite, fondée à demander que cet arrêt soit annulé, en tant que la cour administrative d'appel l'a rétablie au rôle de l'impôt sur le revenu de l'année 1982, à raison des droits supplémentaires et intérêts de retard que l'administration avait laissés à sa charge ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire, en ce qu'elle a trait à l'impôt sur le revenu de l'année 1982, devant la cour administrative d'appel de Paris ;
Sur l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application de ces dispositions et de condamner l'Etat à payer à Mme X... la somme de 14 000 F qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt du 2 juillet 1992 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé, en tant que celle-ci a rétabli Mme X... au rôle de l'impôt sur le revenu de l'année 1982, à raison de droits supplémentaires et intérêts de retard assis sur une base de 981 739 F.
Article 2 : L'affaire est, en tant qu'elle a trait à l'impôt sur le revenu de l'année 1982, renvoyée devant la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'Etat paiera à Mme X... une somme de 14 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Christiane X..., au ministre de l'économie et des finances et au président de la cour administrative d'appel de Paris.