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21/05/1997 | FRANCE | N°173069

France | France, Conseil d'État, 10 / 7 ssr, 21 mai 1997, 173069


Vu la requête enregistrée le 25 septembre 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Henri X..., demeurant direction de la prévision, ministère de l'économie et des finances, à Paris (75007) ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le ministre de l'économie et des finances sur sa demande tendant à ce que soit pris un décret d'application de la loi du 11 janvier 1984 organisant la titularisation des chargés de mission non titulaires de la directi

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Vu la requête enregistrée le 25 septembre 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Henri X..., demeurant direction de la prévision, ministère de l'économie et des finances, à Paris (75007) ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le ministre de l'économie et des finances sur sa demande tendant à ce que soit pris un décret d'application de la loi du 11 janvier 1984 organisant la titularisation des chargés de mission non titulaires de la direction de la prévision du ministère des finances dans un corps spécifique de chargés de mission titulaires qui prenne en compte la totalité des anciennetés, à niveau d'indice au moins équivalent à ceux déjà atteints, et avec validation à coût nul des périodes antérieures ;
2°) prescrive à l'Etat de prendre ledit décret dans un délai de deux mois, et précise les conditions de la titularisation des intéressés, en assortissant cette décision d'une astreinte de 2 000 F par jour de retard ;
3°) condamne l'Etat à lui verser une somme de 250 000 F en réparation du préjudice résultant de l'impossibilité de cotiser au régime des pensions civiles ;
4°) condamne l'Etat à lui verser une indemnité de 10 000 F en réparation des troubles dans les conditions d'existence causé par le retard fautif de l'administration à prendre les mesures nécessaires à sa titularisation ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 modifiée par la loi n° 95-125 du 8 février 1995 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, modifiée par la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Ollier, Auditeur,
- les conclusions de Mme Denis-Linton, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté la demande de M. X... tendant à ce que soit pris un décret d'application de la loi du 11 janvier 1984 organisant la titularisation des chargés de mission non titulaires de la direction de la prévision du ministère des finances :
Considérant qu'aux termes de l'article 73 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : "Les agents non titulaires qui occupent un emploi présentant les caractères définis à l'article 3 du titre Ier du statut général ont vocation à être titularisés, sur leur demande, dans des emplois de même nature qui sont vacants ou qui seront créés par les lois de finances ( ...)" ; qu'aux termes de l'article 79 de la même loi : "( ...) des décrets en Conseil d'Etat peuvent organiser pour les agents non titulaires mentionnés aux articles 73, 74 et 76 ci-dessus l'accès aux différents corps de fonctionnaires suivant l'une des modalités ci-après ou suivant l'une ou l'autre de ces modalités : 1° par voie d'examen professionnel ; 2° par voie d'inscription sur une liste d'aptitude en fonction de la valeur professionnelle des candidats ( ...)" ; qu'aux termes de l'article 80 de la loi précitée, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : "Les décrets en Conseil d'Etat prévus à l'article 79 ci-dessus fixent : 1° Pour chaque ministère, les corps auxquels les agents non titulaires mentionnés aux articles 73, 74 et 76 peuvent accéder ; ces corps sont déterminés en tenant compte, d'une part, des fonctions réellement exercées par ces agents et du niveau et de la nature des emplois qu'ils occupent, d'autre part, des titres exigés pour l'accès à ces corps ; en tant que de besoin, des corps nouveaux peuvent être créés en application du b) de l'article 22 du présent titre ; 2° Pour chaque corps, les modalités d'accès à ce corps, le délai dont les agents non titulaires disposent pour présenter leur candidature, les conditions de classement des intéressés dans le corps d'accueil ( ...)" ;
Considérant que le gouvernement avait l'obligation de prendre les décrets prévus par les articles 79 et 80 précités dans un délai raisonnable ; qu'en ce qui concerne les chargés de mission non titulaires de la direction de la prévision du ministère des finances ayant vocation à être titularisés dans un corps de catégorie A de la fonction publique de l'Etat, ce délai était dépassé à la date de la décision attaquée ; que M. X... est, dès lors, fondé à soutenir que la décision attaquée est entachée d'excès de pouvoir et doit être annulée ;
Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit prescrit au gouvernement de prendre, dans un délai de deux mois, un décret organisant la titularisation des chargés de mission non titulaires de la direction de la prévision du ministère des finances dans un corps spécifique de chargés de mission titulaires qui prenne en compte la totalité des anciennetés, à niveau d'indice au moins équivalent à ceux déjà atteints, et avec validation à coût nul des périodes antérieures :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 6-1 de la loi du 16 juillet 1980 modifiée : "Lorsqu'il règle un litige au fond par une décision qui implique nécessairement une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le Conseil d'Etat, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure et peut assortir sa décision d'une astreinte à compter d'une date qu'il détermine" ;
Considérant que l'exécution de la présente décision implique nécessairement que le gouvernement prenne les décrets d'application prévus par les articles 79 et 80 de la loi du 11 janvier 1984 nécessaires à la titularisation des chargés de mission non titulaires de la direction de la prévision du ministère des finances ayant vocation à être titularisés dans un corps de catégorie A de la fonction publique de l'Etat ; qu'il y a lieu de prescrire au gouvernement de prendre cette mesure dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la présente décision ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette prescription d'une astreinte ;
Considérant que M. X... demande en outre que le Conseil d'Etat précise les conditions de titularisation qui devront être fixées par lesdits décrets ; qu'il n'appartient pas au Conseil d'Etat, dans le cadre des compétences qui lui sont attribuées par les dispositions précitées de l'article 6-1 de la loi du 16 juillet 1980, de préciser le contenu du ou des décrets à intervenir ; que les conclusions de M. X... en ce sens ne peuvent par suite qu'être en tout état de cause rejetées ;
Sur les conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à verser à M. X..., d'une part une somme de 250 000 F en réparation du préjudice résultant de l'impossibilité de cotiser au régime des pensions civiles, d'autre part une indemnité de 10 000 F en réparation des troubles dans les conditions d'existence causé par le retard fautif de l'administration à prendre les mesures nécessaires à sa titularisation :
Considérant qu'aux termes de l'article 41 de l'ordonnance du 31 juillet 1945 "la requête des parties doit être signée par un avocat au Conseil d'Etat" ; qu'en vertu de l'article 42 de la même ordonnance la requête peut être signée par l'intéressé ou son mandataire lorsque des lois spéciales ont dispensé du ministère d'avocat ;
Considérant que les conclusions susanalysées tendent à ce que l'Etat soit condamné à verser à M. X..., d'une part une somme de 250 000 F en réparation du préjudice résultant de l'impossibilité de cotiser au régime des pensions civiles, d'autre part une indemnité de 10 000 F en réparation des troubles dans les conditions d'existence causés par le retard fautif de l'administration à prendre les mesures nécessaires à sa titularisation ;
Considérant qu'aucun texte spécial ne dispense une telle requête du ministère d'un avocat au Conseil d'Etat ; que faute pour M. X... d'avoir répondu à la demande qui lui a été faite de recourir à ce ministère et de régulariser ainsi sa requête en ce qui concerne les conclusions susanalysées, ces dernières, présentées sans le ministère d'un avocat au Conseild'Etat, ne sont pas recevables ;
Article 1er : La décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté la demande de M. X... tendant à ce que soit pris un décret d'application de la loi du 11 janvier 1984 organisant la titularisation des chargés de mission non titulaires de la direction de la prévision du ministère des finances est annulée.
Article 2 : Il est prescrit au gouvernement de prendre, dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la présente décision, les décrets d'application de la loi du 11 janvier 1984 nécessaires à la titularisation des chargés de mission non titulaires de la direction de la prévision du ministère des finances ayant vocation à être titularisés dans un corps de catégorie A de la fonction publique de l'Etat.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Henri X..., au Premier ministre, au ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation et au ministre de l'économie et des finances.


Sens de l'arrêt : Annulation prescription d'une mesure d'exécution
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

54-06-07-008 PROCEDURE - JUGEMENTS - EXECUTION DES JUGEMENTS - PRESCRIPTION D'UNE MESURE D'EXECUTION -Compétence du Conseil d'Etat en application de l'article 6-1 de la loi du 16 juillet 1980 modifiée - Portée.

54-06-07-008 L'exécution de la décision par laquelle le Conseil d'Etat annule pour excès de pouvoir la décision par laquelle le Premier ministre a rejeté la demande du requérant tendant à ce que soit pris un décret d'application de la loi du 11 janvier 1984 organisant la titularisation des chargés de mission non titulaires de la direction de la prévision du ministère des finances implique nécessairement que le gouvernement prenne les décrets prévus par les articles 79 et 80 de cette loi. Il y a donc lieu pour le Conseil d'Etat de lui prescrire, sur le fondement des dispositions de l'article 6-1 de la loi du 16 juillet 1980, dans leur rédaction issue de la loi du 8 février 1995, de prendre cette mesure. Ces mêmes dispositions, en revanche, ne donnent pas compétence au Conseil d'Etat pour préciser le contenu des décrets à intervenir.


Références :

Loi 80-539 du 16 juillet 1980 art. 6-1
Loi 84-16 du 11 janvier 1984 art. 73, art. 79, art. 80
Ordonnance 45-1708 du 31 juillet 1945 art. 41


Publications
Proposition de citation: CE, 21 mai. 1997, n° 173069
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Gentot
Rapporteur ?: M. Ollier
Rapporteur public ?: Mme Denis-Linton

Origine de la décision
Formation : 10 / 7 ssr
Date de la décision : 21/05/1997
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 173069
Numéro NOR : CETATEXT000007952354 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1997-05-21;173069 ?
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