Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 12 septembre 1994 et 12 janvier 1995 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Patricia X..., demeurant ... ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision en date du 24 juin 1994 par laquelle le conseil national de l'ordre des médecins a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 3 mars 1994 par laquelle le conseil départemental de l'Hérault a limité à dix par mois le nombre de bons pour prescriptions de stupéfiants ;
2°) de condamner le conseil national de l'ordre des médecins à lui verser la somme de 10 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Balmary, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Delvolvé, avocat de Mme Patricia X... et de la SCP Vier, Barthélemy, avocat du conseil national de l'Ordre des médecins,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 382 du code de la santé publique "L'Ordre des médecins veille au maintien des principes de moralité, de probité et de dévouement indispensables à l'exercice de la médecine et à l'observation par tous ses membres, des devoirs professionnels ainsi que des règles édictées par le code de déontologie ... Il accomplit sa mission par l'intermédiaire des conseils départementaux, des conseils régionaux et du conseil national de l'ordre" ; qu'aux termes de l'article L. 394 "le conseil départemental de l'ordre exerce, dans le cadre départemental et sous le contrôle du conseil national, les attributions générales de l'Ordre des médecins énumérées à l'article L. 382 ci-dessus" ; que l'article R. 5212, pris dans le cadre des dispositions de l'article L. 626 du code de la santé publique dispose : "Il est interdit de prescrire et d'exécuter des ordonnances comportant des substances en nature classées comme stupéfiants. Les ordonnances comportant des prescriptions de médicaments classés comme stupéfiants ou renfermant une ou plusieurs substances classées comme stupéfiants sont rédigées après examen du malade sur des feuilles extraites d'un carnet à souches d'un modèle déterminé par le ministre chargé de la santé. La charge de l'impression et de la répartition de ces carnets incombe, chacun en ce qui le concerne, à l'Ordre national des médecins, à l'Ordre national des chirurgiens dentistes, à l'Ordre des vétérinaires, qui adressent, annuellement, à chaque inspection régionale de la pharmacie, un relevé nominatif des carnets délivrés" ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'article L. 394 précité du code de la santé publique que la charge de remettre aux médecins les carnets à souches permettant la prescription de médicaments classés comme stupéfiants incombe au conseil départemental de l'ordre dont ils relèvent ; que, d'autre part, les limitations ainsi apportées dans l'intérêt de la santé publique à la liberté de prescription des médecins, dont le respect entre dans les devoirs professionnels mentionnés à l'article L. 382, impliquent le pouvoir de limiter le nombre de feuilles d'ordonnance remises aux médecins qui en font la demande ; qu'il suit de là que Mme X... n'est pas fondée à soutenir qu'en décidant de réduire le nombre de feuilles d'ordonnance lui permettant de prescrire à des patients des médicaments classés comme stupéfiants, le conseil départemental de l'Ordre des médecins de l'Héraut aurait méconnu sa compétence ou excédé ses pouvoirs ;
Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que si pour prendre cette décision le conseil départemental de l'Héraut s'est fondé sur un examen des carnets à souches précédemment utilisés par Mme X... qui révélait diverses anomalies dans les prescriptions et leur usage par les malades toxicomanes suivant un traitement de substitution, il n'a nullement entendu sanctionner des fautes professionnelles de la requérante mais seulement adapter ses possibilités de prescription au nombre de patients dont elle était en mesure de suivre avec rigueur le traitement ; qu'ainsi la décision attaquée n'est pas entachée d'un détournement de procédure ;
Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en limitant ainsi qu'il l'a fait le nombre de feuilles d'ordonnance permettant la prescription de médicaments classés comme stupéfiants à remettre à Mme X..., le conseil départemental de l'Hérault aurait fondé sa décision sur des faits matériellement inexacts ou sur une appréciation manifestement erronée de ses capacités à mener les programmes de soins dont s'agit ou commis une erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par la décision attaquée, le Conseil national de l'Ordre des médecins a rejeté son recours contre cette décision ;
Article 1er : La requête de Mme X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Patricia X..., au Conseil national de l'Ordre des médecins et au ministre de l'emploi et de la solidarité.