Vu la requête enregistrée le 25 avril 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jean-Claude X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat annule la décision en date du 22 décembre 1993 par laquelle la commission centrale d'aide sociale a rejeté sa requête dirigée contre une décision de la commission départementale de l'Orne en date du 16 décembre 1992 rejetant sa demande dirigée contre la décision du 29 avril 1992 par laquelle le préfet de l'Orne lui a retiré l'allocation différentielle à compter du 1er mai 1992 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées et notamment son article 59 ;
Vu le décret n° 62-1326 du 4 avril 1962 et notamment son article 1er ;
Vu le décret n° 78-1210 du 2 octobre 1978 et notamment ses articles 2, 3 et 8 ;
Vu le code de la famille et de l'aide sociale ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lévy, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Denis-Linton, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 59 de la loi susvisée du 30 juin 1975, "Les personnes qui, à la date d'entrée en vigueur ... de l'article 59 de la présente loi, sont bénéficiaires ... de l'allocation de compensation aux grands infirmes travailleurs, ne peuvent voir réduit, du fait de l'intervention de la présente loi, le montant total des avantages qu'ils percevaient avant l'entrée en vigueur de ladite loi. Une allocation différentielle leur est, en tant que de besoin, versée au titre de l'aide sociale" ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret du 26 décembre 1978, pris pour l'application de l'article 59 précité, l'allocation différentielle est versée "aux personnes qui ne remplissent pas une ou plusieurs des conditions exigées pour obtenir les avantages nouveaux institués par la loi susvisée du 30 juin 1975 tout en continuant de satisfaire à celles qui étaient mises à l'octroi des avantages supprimés ...", et qu'aux termes de l'article 1er, applicable en l'espèce, du décret du 6 novembre 1962, "le grand infirme qui peut se livrer à un travail régulier constituant l'exercice normal d'une profession et comportant une rémunération mensuelle au moins égale au minimum de la pension vieillesse accordée aux assurés sociaux à l'âge de 65 ans, ou celui qui, après apprentissage ou rééducation, justifie ne pouvoir travailler effectivement pour une raison de force majeure, reçoit une allocation de compensation" ;
Considérant que la commission centrale d'aide sociale s'est bornée à constater que M. X... ne se livrait plus à un travail régulier constituant l'exercice normal d'une profession, et en a déduit que, par application des dispositions du décret du 6 novembre 1962, il n'avait pas droit au bénéfice de l'allocation différentielle ; qu'en statuant ainsi, alors que M. X... faisait valoir devant la commission qu'il remplissait l'autre condition alternative posée par lesdites dispositions, à savoir que, pour une raison de force majeure, il ne pouvait pas travailler, la commission centrale, par la décision attaquée, a fait une fausse application des dispositions réglementaires susreproduites ; que le requérant est, par suite, fondé à demander l'annulation de ladite décision ;
Considérant qu'il y a lieu, en l'espèce, de faire application de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, en vertu duquel le Conseil d'Etat, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, peut régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X... a travaillé, en exerçant normalement une profession, de 1965 à 1982, et a été licencié pour raisons économiques, en 1982, par son dernier employeur ; que si, en dépit de ses efforts, il n'a pas, depuis, trouvé à nouveau un emploi, cette circonstance, liée à la situation générale du marché du travail, ne saurait être regardée, pour l'application des dispositions précitées de l'article 1er du décret du 6 novembre 1962, comme constituant une raison de force majeure le plaçant dans l'incapacité de travailler ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que, par sa décision du 16 décembre 1992, la commission départementale d'aide sociale a confirmé la décision du préfet de l'Orne, en date du 29 avril 1992, retirant au requérant, à compter du 1er mai 1992, le bénéfice de l'allocation différentielle ;
Article 1er : La décision du 22 décembre 1993 de la commission centrale d'aide sociale est annulée.
Article 2 : Le recours de M. X... contre la décision du 16 décembre 1992 de la commission départementale d'aide sociale de l'Orne et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Claude X..., au préfet de l'Orne et au ministre de l'emploi et de la solidarité.