Vu la requête enregistrée le 18 juin 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mlle Henriette X..., demeurant chez son père au ... ; Mlle X... demande au Président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 10 avril 1996 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police en date du 2 avril 1996 décidant sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990, la loi du 26 février 1992 et la loi du 24 août 1993 ;
Vu le décret n° 46-1574 du 19 juin 1946 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il est constant que Mlle X..., ressortissante congolaise, s'est maintenue sur le territoire français au-delà d'un délai d'un mois à compter de la notification le 7 août 1995 de la décision du 3 août 1995 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de carte de séjour ; qu'elle entrait, dès lors, dans le cas prévu par le 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945, où un étranger peut faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle X..., née le 27 février 1977, est venue rejoindre son père en France à l'âge de dix ans, a été scolarisée en France de façon continue depuis septembre 1987 et vit dans le nouveau foyer de son père avec ses demi-frères et soeurs ; qu'il n'est pas établi ni même d'ailleurs allégué qu'elle ait conservé le moindre lien familial au Congo ; que, dans ces conditions, l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre le 2 avril 1996 par le préfet de la Seine-Saint-Denis doit être regardé comme ayant porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris et comme étant, dès lors, entaché de violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle X... est fondée à demander l'annulation du jugement et de l'arrêté attaqués ;
Article 1er : Le jugement susvisé du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris en date du 10 avril 1996 ensemble l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 2 avril 1996 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle X... sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mlle Henriette X..., au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur.