Vu la requête, enregistrée le 9 novembre 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Aïcha X... ; Mme X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 18 octobre 1995 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 24 août 1995, notifié le 16 octobre 1995, par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a ordonné sa reconduite à la frontière ;
2°) annule pour excès de pouvoir cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la convention franco-algérienne ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par les lois du 2 août 1989, 10 janvier 1990 et 24 août 1993 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Bardou, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que l'arrêté attaqué du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 24 août 1995, qui prononce la reconduite à la frontière de Mme X... de nationalité algérienne, a été pris sur le fondement de l'article 22-3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945, l'intéressée s'étant maintenue irrégulièrement sur le territoire pendant plus d'un mois à compter du refus opposé le 18 août 1993 à sa demande de délivrance d'un certificat de résident ;
Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X... a séjourné en France au moins depuis 1981 ; qu'elle y vit avec son compagnon, sa fille et ses petits enfants, tous de nationalité française ; qu'elle allègue, sans être contredite, n'avoir conservé aucune attache familiale dans son pays d'origine ; que dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône, par la décision attaquée, a porté au respect dû à la vie familiale de Mme X... une atteinte disproportionnée au but en vue duquel l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière a été pris ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 24 août 1995 décidant sa reconduite à la frontière ;
Article 1er : Le jugement susvisé du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Marseille en date du 18 octobre 1995 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 24 août 1995 sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Aïcha X..., au préfet des Bouches-du-Rhône et au ministre de l'intérieur.