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30/07/1997 | FRANCE | N°182400

France | France, Conseil d'État, 10 / 7 ssr, 30 juillet 1997, 182400


Vu la requête enregistrée le 12 septembre 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE CONSODATA dont le siège social est sis ..., représentée par le président du directoire ; la SOCIETE CONSODATA demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule les délibérations de la commission nationale de l'informatique et des libertés n° 95-162 et 95-163 du 19 décembre 1995, portant respectivement avertissement et refus de récépissé à la SOCIETE CONSODATA ;
2°) annule les décisions implicites de rejet de la commission nationale de l'informatique et

des libertés des recours gracieux formés par la SOCIETE CONSODATA à l'enc...

Vu la requête enregistrée le 12 septembre 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE CONSODATA dont le siège social est sis ..., représentée par le président du directoire ; la SOCIETE CONSODATA demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule les délibérations de la commission nationale de l'informatique et des libertés n° 95-162 et 95-163 du 19 décembre 1995, portant respectivement avertissement et refus de récépissé à la SOCIETE CONSODATA ;
2°) annule les décisions implicites de rejet de la commission nationale de l'informatique et des libertés des recours gracieux formés par la SOCIETE CONSODATA à l'encontre de ces délibérations ;
3°) annule l'absence de délivrance par la commission nationale de l'informatique et des libertés des récépissés des autres déclarations effectuées par la SOCIETE CONSODATA ;
4°) ordonne à la commission nationale de l'informatique et des libertés de publier la décision à intervenir ainsi qu'un rectificatif dans son prochain rapport annuel d'activité, et dans le dossier remis à la presse à l'occasion de la parution de ce prochain rapport ;
5°) condamne la commission nationale de l'informatique et des libertés à lui payer la somme de 1 F symbolique, à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir, aux dépens ;
6°) condamne l'Etat à lui verser la somme de 10 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 65-29 du 11 janvier 1965 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Pêcheur, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Rouvière, Boutet, avocat de la SOCIETE CONSODATA,
- les conclusions de M. Combrexelle, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation des refus de la commission nationale de l'informatique et des libertés de délivrer récépissé des déclarations des traitements de la SOCIETE CONSODATA :
En ce qui concerne les conclusions aux fins de non-lieu présentées par la commission nationale de l'informatique et des libertés :
Considérant que par décisions en date du 18 février 1997, postérieures à l'introduction du pourvoi, la commission nationale de l'informatique et des libertés a délivré récépissé, d'une part, des déclarations modificatives du traitement déclaré par la SOCIETE CONSODATA le 29 mars 1995, d'autre part, des déclarations de ladite société relatives à la création d'un service "audiotel" et d'un service "minitel" ; qu'ainsi les conclusions susanalysées sont devenues sans objet ; qu'il n'y a plus lieu d'y statuer ;
En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation de l'avertissement en date du 19 décembre 1995 adressé par la commission nationale de l'informatique et des libertés à la SOCIETE CONSODATA :
Sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commission nationale de l'informatique et des libertés :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 16 de la loi susviséedu 6 janvier 1978 : "Les traitements automatisés d'informations nominatives effectués pour le compte de personnes autres que celles qui sont soumises aux dispositions de l'article 15 doivent, préalablement à leur mise en oeuvre, faire l'objet d'une déclaration, auprès de la commission nationale de l'informatique et des libertés. Cette déclaration comporte l'engagement que le traitement satisfait aux exigences de la loi. Dès qu'il a reçu le récépissé délivré sans délai par la commission, le demandeur peut mettre en oeuvre le traitement. Il n'est exonéré d'aucune de ses responsabilités." et qu'aux termes de l'article 19 de la même loi : "La déclaration doit préciser : ... les caractéristiques ... du traitement ... Toute modification aux mentions énumérées ci-dessus, ou toute suppression de traitement, est portée à la connaissance de la commission" ; que la SOCIETE CONSODATA a fait le 3 février 1995 une déclaration de traitement automatisé d'informations nominatives ayant pour finalité principale la gestion commerciale d'un "fichier de prospects", constitué à partir de questionnaires comportant, d'une part, plus de 160 questions relatives aux habitudes de consommation des personnes interrogées, d'autre part, une "case à cocher" permettant, en tant que de besoin, à ces personnes de manifester immédiatement leur opposition à ce que les données nominatives les concernant soient cédées à des tiers ; que s'il a été délivré récépissé de cette déclaration le 29 mars 1995, la SOCIETE CONSODATA a, dans un second questionnaire, supprimé cette "case à cocher" et l'a remplacée par une mention informant les personnes interrogées qu'elles pouvaient, en écrivant à la SOCIETE CONSODATA, s'opposer à la communication à des tiers des informations nominatives les concernant ; que la modification ainsi introduite portant sur une caractéristique essentielle du traitement, la SOCIETE CONSODATA était tenue, en vertu des dispositions combinées des articles 16 et 19 précités, de déclarer le nouveau traitement à la commission nationale de l'informatique et des libertés ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la loi susvisée la commission nationale de l'informatique et des libertés "est chargée de veiller au respect des dispositions de la présente loi, notamment en informant toutes les personnes concernées de leurs droits et obligations, en se concertant avec elles et en contrôlant les applications de l'informatique aux traitements des informations nominatives.", et qu'aux termes de l'article 26 de la même loi "Toute personne physique a le droit de s'opposer, pour des raisons légitimes, à ce que des informations nominatives la concernant fassent l'objet d'un traitement ..." ; qu'il ressort des pièces du dossier que la suppression de la case à cocher décidée par la SOCIETE CONSODATA avait pour objet et pour effet de réduire le nombre de personnes interrogées par questionnaires manifestant leur opposition à la cession à des tiers des données nominatives les concernant ; que, dans les circonstances de l'espèce, la commission nationale de l'informatique et des libertés a pu sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation estimer que le nouveau traitement ne présentait pas des garanties suffisantes pour permettre aux personnes interrogées d'exercer le droit d'opposition qui leur est reconnu par l'article 26 précité ; que, par suite, la commission a pu légalement adresser pour ce motif un avertissement à la SOCIETE CONSODATA ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission nationale de l'informatique et des libertés a rejeté le recours gracieux de la société requérante dirigé contre les délibérations n° 95-162 et n° 95-163 :
Considérant qu'en vertu de l'article 1er du décret susvisé du 11 janvier 1965, le silence gardé pendant plus de quatre mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet ; qu'il est constant que la SOCIETE CONSODATA a présenté à la commission nationale de l'informatique et des libertés le 15 mars 1996 un recours gracieux dirigé contre les délibérations susmentionnées du 19 décembre 1995 ; que le silence gardé sur cette réclamation pendant plus de quatre mois a fait naître une décision implicite de rejet qui doit être regardéecomme émanant de la commission elle-même ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que cette décision, faute de délibération de la commission, serait entachée d'incompétence, ne saurait être accueilli ;
Sur les conclusions en indemnité présentées par la SOCIETE CONSODATA :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 83 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Lorsque tout ou partie des conclusions dont est saisi un tribunal administratif, une cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat ressortit à la compétence d'une juridiction administrative, le tribunal administratif, la cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat, selon le cas, est compétent, nonobstant les règles de répartition des compétences entre juridictions administratives, pour rejeter les conclusions entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance ou pour constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur tout ou partie des conclusions" ; que les conclusions tendant à ce que la commission nationale de l'informatique et des libertés soit condamnée à verser à la société requérante la somme de 1 F à titre de dommages-intérêts sont manifestement irrecevables, faute pour la SOCIETE CONSODATA d'avoir lié le contentieux en présentant à la commission nationale de l'informatique et des libertés une demande préalable à cet effet ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions susanalysées ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à ce que le Conseil d'Etat adresse à la commission nationale de l'informatique et des libertés l'injonction de publier la décision de celui-ci dans son prochain rapport annuel :
Considérant qu'hormis les cas prévus au 1er alinéa de l'article 6-1 de la loi du 16 juillet 1980 modifiée, il n'appartient pas au juge administratif d'adresser des injonctions à l'administration ; que les conclusions susanalysées ne sont donc pas recevables ;
Sur les conclusions de la SOCIETE CONSODATA tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à la SOCIETE CONSODATA une somme de 5 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SOCIETE CONSODATA dirigées contre les refus de la commission nationale de l'informatique et des libertés de délivrer récépissé opposés à la SOCIETE CONSODATA.
Article 2 : L'Etat est condamné à payer à la SOCIETE CONSODATA la somme de 5 000 F en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de SOCIETE CONSODATA est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CONSODATA, à la commissionnationale de l'informatique et des libertés et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 10 / 7 ssr
Numéro d'arrêt : 182400
Date de la décision : 30/07/1997
Type d'affaire : Administrative

Analyses

26-06-02 DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - ACCES AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS - COMMUNICATION DE TRAITEMENTS INFORMATISES D'INFORMATIONS NOMINATIVES (LOI DU 6 JANVIER 1978).


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R83
Décret 65-29 du 11 janvier 1965 art. 1
Loi 78-17 du 06 janvier 1978 art. 6, art. 26
Loi 80-539 du 16 juillet 1980 art. 6-1
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 30 jui. 1997, n° 182400
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pêcheur
Rapporteur public ?: M. Combrexelle

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1997:182400.19970730
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