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03/09/1997 | FRANCE | N°133408

France | France, Conseil d'État, 9 / 8 ssr, 03 septembre 1997, 133408


Vu le recours sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 24 janvier et 21 mai 1992, présentés par le MINISTRE CHARGE DU BUDGET ; le ministre demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêt du 21 novembre 1991, par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a, d'une part, rejeté l'appel qu'il avait formé contre le jugement du 6 février 1990 du tribunal administratif de Dijon ayant déchargé Mme Evelyne Y... du supplément d'impôt sur le revenu auquel elle avait été assujettie au titre de l'année 1981 et, d'autre part, c

ondamné l'Etat à payer à Mme Y... une somme de 3 558 F, au titre...

Vu le recours sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 24 janvier et 21 mai 1992, présentés par le MINISTRE CHARGE DU BUDGET ; le ministre demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêt du 21 novembre 1991, par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a, d'une part, rejeté l'appel qu'il avait formé contre le jugement du 6 février 1990 du tribunal administratif de Dijon ayant déchargé Mme Evelyne Y... du supplément d'impôt sur le revenu auquel elle avait été assujettie au titre de l'année 1981 et, d'autre part, condamné l'Etat à payer à Mme Y... une somme de 3 558 F, au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Vestur, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Tiffreau, Thouin-Palat, avocat de Mme Y...,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué de la cour administrative d'appel de Nancy que Mme Evelyne Y..., née Z..., et M. Bernard X..., expert-comptable, ont été mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts jusqu'au 12 mai 1981, date à laquelle leur divorce a été prononcé par le tribunal de grande instance de Chalon-sur-Saône ; que, par un jugement du 28 mars 1984, le même tribunal, statuant sur le partage de la communauté conjugale, a attribué au droit de présentation à un successeur de la clientèle du cabinet d'expert-comptable exploité par M. X... le caractère d'une valeur patrimoniale ayant fait partie de cette communauté et a fixé à 425 000 F la part en revenant à Mme Z... ; que, par un arrêt du 26 juin 1985, la cour d'appel de Rouen a ramené le montant de cette part à 282 500 F ; qu'estimant que le jugement de divorce prononcé en 1981 ayant entraîné la dissolution de la communauté conjugale avait eu aussitôt pour effet de retirer de celle-ci, dans laquelle elle constituait un élément d'actif professionnel, et de faire entrer dans le patrimoine privé de Mme Z..., la part lui revenant de la valeur du droit de présentation de la clientèle du cabinet d'expert-comptable de son ex-époux, l'administration fiscale a, par une notification de redressements du 16 juillet 1985, fait connaître à Mme Z... qu'elle entendait regarder la somme de 282 500 F correspondant à cette part comme le produit d'une cession d'entreprise, taxable, en vertu des dispositions combinées du 1. de l'article 93 et du I de l'article 93 quater du code général des impôts, selon le régime des plus-values professionnelles à long terme, puis l'a soumise, au nom de Mme Y..., à l'impôt sur le revenu, au titre de l'année 1981, au taux de 10 % alors applicable ; que cette imposition, assortie de la majoration exceptionnelle applicable aux revenus de l'année 1981 et d'intérêts de retard, a été mise en recouvrement le 31 décembre 1985 ;
Considérant que les droits indivis que détient un conjoint, après la dissolution, par divorce, de la communauté conjugale, sur la valeur d'un actif affecté à l'exercice de la profession de l'autre conjoint, tel que le droit de présenter un successeur à la clientèle, ont toujours, du point de vue fiscal, le caractère d'un élément de patrimoine professionnel, même dans le cas, qui est celui de l'espèce, où ce conjoint, non titulaire des titres ou diplômes requis par la législation en vigueur, ne pouvait lui-même participer à cette activité professionnelle ; que, par suite, en jugeant que, du fait que Mme Z... ne pouvait avoir la qualité de co-exploitante du cabinet d'expert-comptable de son ex-mari, ses droits sur la valeur patrimoniale du droit de présentation de la clientèle de ce cabinet ne constituaient pas un élément d'actif professionnel susceptible, en cas de cession, de faire l'objet d'une imposition selon le régime applicable aux plus-values professionnelles, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que, pour ce motif, le MINISTRE CHARGE DU BUDGET est fondé à demander l'annulation de son arrêt ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, de règler l'affaire au fond ;

Considérant que le passage d'un élément d'actif professionnel faisant partie d'une communauté conjugale, dans l'indivision qui se constitue entre les ex-époux du fait de la dissolution, par divorce, de cette communauté, n'a pas le caractère d'une cession susceptible de donner lieu à taxation, selon le régime d'imposition des plus-values professionnelles ; qu'ainsi, le MINISTRE CHARGE DU BUDGET n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par son jugement du 6 février 1990, le tribunal administratif de Dijon a déchargé Mme Z... du supplément d'impôt sur le revenu auquel elle avait été assujettie, selon ce régime, au titre de l'année 1981 ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à Mme Z... la somme de 10 000 F qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 21 novembre 1991 est annulé.
Article 2 : Le recours présenté par le MINISTRE CHARGE DU BUDGET devant la cour administrative d'appel de Nancy est rejeté.
Article 3 : L'Etat paiera à Mme Y... une somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à Mme Evelyne Y....


Synthèse
Formation : 9 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 133408
Date de la décision : 03/09/1997
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

- RJ1 - RJ2 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES NON COMMERCIAUX - PERSONNES - PROFITS - ACTIVITES IMPOSABLES - Elément de patrimoine professionnel - Droits indivis sur la valeur d'un actif affecté à l'exercice d'une profession réglementée détenus par un propriétaire ne pouvant participer à l'activité professionnelle en cause (1) (2).

19-04-02-05-01 Les droits indivis détenus sur la valeur d'un actif affecté à l'exercice d'une profession réglementée ont toujours, du point de vue fiscal, le caractère d'un élément de patrimoine professionnel, même dans le cas où, faute d'être titulaire des titres ou diplômes requis par la législation en vigueur, le propriétaire indivis ne peut participer lui-même, en qualité de co-exploitant, à cette activité professionnelle.

- RJ1 - RJ2 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES NON COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE IMPOSABLE - Plus-value professionnelle - Absence - Passage d'un élément d'actif professionnel d'une communauté conjugale à l'indivision constituée après divorce (1) (2).

19-04-02-05-02 Le passage d'un élément d'actif professionnel faisant partie de la communauté conjugale dans l'indivision qui se constitue entre les ex-époux du fait de la dissolution, par divorce, de cette communauté n'a pas le caractère d'une cession susceptible de donner lieu à taxation selon le régime des plus-values professionnelles.


Références :

CGI 93 quater
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75

1. Inf. CAA de Nancy, 1991-11-21, Ministre délégué au budget c/ Mme Pagnon, T. p. 888. 2.

Rappr. CE, 1989-10-18, Laugier, n° 61681 ;

CE, 1993-03-05, Perrin, T. p. 744


Publications
Proposition de citation : CE, 03 sep. 1997, n° 133408
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Groux
Rapporteur ?: Mme Vestur
Rapporteur public ?: M. Goulard
Avocat(s) : SCP Tiffreau-Thouin-Palat, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1997:133408.19970903
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