Vu, enregistrée le 20 décembre 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, la requête présentée par le PREFET DE LA GIRONDE ; le PREFET DE LA GIRONDE demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule les articles 1 et 2 du jugement en date du 31 octobre 1995 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé, sur la demande de M. Essono Y..., son arrêté en date du 11 octobre 1995 ordonnant la reconduite à la frontière de ce dernier ;
2°) rejette la demande présentée par M. Essono Y... devant le tribunal administratif de Bordeaux ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention sur la circulation des personnes entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République gabonaise du 12 février 1974 publiée par le décret du 29 juillet 1974 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et notamment son article 75-I ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Lallemand, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que M. Essono Y... qui avait demandé le renouvellement, en la seule qualité de salarié, de la carte de séjour qui lui avait été délivrée en qualité d'étudiant, n'a pas, malgré les invitations qui lui ont été faites, produit de contrat de travail régulier visé par le directeur régional du travail et de la main-d'oeuvre conformément à l'article VI de la convention du 12 février 1974 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République gabonaise relative à la circulation et au séjour des personnes, publiée par le décret du 29 juillet 1974 ; que le PREFET DE LA GIRONDE n'était pas tenu d'examiner d'office les droits éventuels du demandeur à un titre de séjour en qualité d'étudiant qu'il n'avait pas demandé ; que, dès lors, le PREFET DE LA GIRONDE est fondé à soutenir que c'est à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux s'est fondé sur l'illégalité du refus opposé à la demande de titre de séjour qui aurait été présentée en qualité d'étudiant par M. Essono Y... pour annuler, par voie de conséquence, l'arrêté de reconduite à la frontière du 11 octobre 1995 pris à l'encontre de celui-ci ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués devant le tribunal administratif de Bordeaux par M. Essono Y... et dirigés contre la décision de reconduite à la frontière du 11 octobre 1995 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 18 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, la commission du séjour des étrangers "est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser : la délivrance d'une carte de résident à un étranger mentionné à l'article 15 de la présente ordonnance ; la délivrance d'un titre de séjour à un étranger mentionné à l'article 25 (1° à 6°) ..." ; que M. Essono Y... n'avait sollicité aucun des titres ci-dessus énumérés et que la compétence de la commission du séjour des étrangers ne s'étend pas aux décisions de reconduite à la frontière ; qu'ainsi, le PREFET DE LA GIRONDE n'était pas tenu de recueillir l'avis de cette commission avant de prendre l'arrêté attaqué ;
Considérant que Mme Essono Y... a fait l'objet, en même temps que son mari, d'une mesure de reconduite à la frontière ; que la circonstance que les enfants de M. et Mme X...
Y... sont scolarisés en France ne fait pas obstacle à ce qu'ils les emmènent avec eux ; que, par suite, l'arrêté attaqué ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'eu égard à la durée et aux conditions de séjour de l'intéressé en France, le PREFET DE LA GIRONDE ait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la gravité des conséquences que la mesure de reconduite pouvait comporter sur sa situation personnelle ;
Considérant qu'il ressort de ce qui précède que le PREFET DE LA GIRONDE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé son arrêté en date du 11 octobre 1995 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Essono Y... et à demander le rejet des conclusions incidentes de M. Essono Y... tendant à la délivrance d'un titre de séjour ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 susvisée font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante soit condamné à verser à M. Essono Y... la somme de 10 000 F qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les articles 1 et 2 du jugement en date du 31 octobre 1995 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux sont annulés.
Article 2 : La demande, présentée par M. Essono Y... devant le tribunal administratif de Bordeaux, dirigée contre l'arrêté du 11 octobre 1995, est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. Essono Y... tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : Le recours incident de M. Essono Y... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Essono Y..., au PREFET DE LA GIRONDE et au ministre de l'intérieur.