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13/10/1997 | FRANCE | N°162013

France | France, Conseil d'État, 5 / 3 ssr, 13 octobre 1997, 162013


Vu la requête, enregistrée le 29 septembre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mlle Adriana X..., demeurant ... ; Mlle X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 20 mai 1994 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la délibération du 27 novembre 1992 du conseil municipal de Marseille fixant à quatorze le nombre de danseurs de l'Opéra de Marseille, d'autre part, à l'annulation de la décision du 20 janvier 1993 par laquelle le maire de Marseille a résilié, à

compter du 26 mars 1993, son contrat de danseuse à l'Opéra de Mars...

Vu la requête, enregistrée le 29 septembre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mlle Adriana X..., demeurant ... ; Mlle X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 20 mai 1994 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la délibération du 27 novembre 1992 du conseil municipal de Marseille fixant à quatorze le nombre de danseurs de l'Opéra de Marseille, d'autre part, à l'annulation de la décision du 20 janvier 1993 par laquelle le maire de Marseille a résilié, à compter du 26 mars 1993, son contrat de danseuse à l'Opéra de Marseille, enfin, à ce que la commune de Marseille soit condamnée à lui verser la somme de 10 000 F au titre des frais irrépétibles ;
2°) d'annuler la délibération du conseil municipal de Marseille en date du 27 novembre 1992 ;
3°) d'annuler la décision précitée du maire de Marseille en date du 20 janvier 1993 ;
4°) de condamner la ville de Marseille à lui verser une somme de 10 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985 ;
Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
Vu le code administratif ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lambron, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la ville de Marseille,
- les conclusions de Mme Hubac, Commissaire du gouvernement ;

Sur la délibération du conseil municipal de Marseille en date du 27 novembre 1992 :
Considérant que la ville de Marseille produit un certificat de son maire attestant que la délibération du conseil municipal en date du 27 novembre 1992 a fait l'objet d'un affichage en mairie du 1er décembre 1992 au 1er janvier 1993 ; que si ledit affichage s'est fait sous forme d'extrait, celui-ci comportait l'ensemble des éléments permettant d'apprécier le contenu de ladite délibération ; que cette mesure de publicité a dès lors fait courir le délai de recours contentieux prévu à l'article R. 102 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; qu'ainsi les conclusions présentées à l'encontre de cette délibération, enregistrées le 22 mars 1993 au greffe du tribunal administratif, étaient tardives ; que Mlle X... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que ledit tribunal les a rejetées comme irrecevables ;
Sur la décision du maire de Marseille en date du 20 janvier 1993 :
Sur le moyen tiré de l'illégalité de la délibération du conseil municipal de Marseille en date du 27 novembre 1992 :
Considérant que si le requérant peut invoquer, à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative, l'illégalité dont serait entaché un règlement devenu définitif, un tel moyen ne peut être accueilli que dans la mesure où la décision dont l'annulation est demandée constitue une mesure d'application de celle dont l'illégalité est invoquée par voied'exception et où sa légalité est subordonnée à celle du premier texte ;
Considérant que la délibération précitée du conseil municipal de Marseille en date du 27 novembre 1992, par laquelle il a été décidé de réduire l'effectif du corps de ballet de l'Opéra de Marseille à 14 danseurs et par suite de supprimer 15 emplois dudit corps, présente un caractère réglementaire ; que la décision du maire de Marseille en date du 20 janvier 1993 prononçant le licenciement de Mlle X..., danseuse du corps de ballet, constitue une mesure d'application de cette délibération, à la légalité de laquelle sa propre légalité est subordonnée ; que, par suite, Mlle X... est recevable à invoquer par voie d'exception, même après l'expiration du délai ouvert pour en demander l'annulation pour excès de pouvoir, l'illégalité de cette délibération à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision précitée du 20 janvier 1993 prononçant son licenciement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le comité technique paritaire de l'Opéra de Marseille a émis un avis, lors de sa séance du 25 novembre 1992, sur les suppressions d'emplois envisagées ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de consultation dudit comité technique paritaire manque en fait ;

Considérant que si la ville de Marseille, après avoir réintégré Mlle X... à la suite d'un jugement du tribunal administratif du 19 juin 1992 annulant pour vice de forme la décision prise le 29 avril 1991 par le maire de ne pas renouveler le contrat de l'intéressée, a ultérieurement décidé par la délibération contestée de son conseil municipal de supprimer 15 emplois du corps de ballet eu égard aux besoins de l'Opéra, cette circonstance n'est pas par elle-même constitutive d'une violation de la chose jugée par le tribunal administratif ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Sur les autres moyens relatifs au licenciement :
Considérant que la décision du maire de Marseille en date du 20 janvier 1993 prononçant le licenciement de Mlle X... mentionne que "le conseil municipal après consultation du comité technique paritaire de l'Opéra a décidé de supprimer les 15 postes précités en fixant à 14 au lieu de 29 l'effectif des danseurs de l'Opéra", et se réfère aux "besoins actuels de l'Opéra en matière de productions chorégraphiques" ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ;
Considérant que ladite décision se borne à faire application de la délibération susmentionnée du conseil municipal de Marseille en date du 27 novembre 1992 ; que la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle revêt un caractère disciplinaire ou aurait été prise en considération de sa personne, et aurait dû pour ce motif être précédée de la communication de son dossier ;
Considérant que la requérante étant un agent contractuel et n'ayant pas la qualité de fonctionnaire communal, aucune disposition législative ou réglementaire n'obligeait l'administration à lui proposer un reclassement ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le conseil municipal de Marseille ait, en limitant à 14 le nombre de danseurs du corps de ballet de l'Opéra, commis une erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne les besoins du service ;
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 39, 40 et 42du décret susvisé du 15 février 1988 relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale que l'agent non titulaire engagé pour une durée indéterminée ne peut être licencié par l'autorité territoriale qu'après un préavis dont la durée est de deux mois au moins si la durée des services est égale ou supérieure à deux ans, la date à laquelle le licenciement prend effet devant tenir compte de cette période de préavis ainsi que des droits au congé annuel restant à courir ; que l'article 5 de ce même décret dispose que l'agent non titulaire en activité a droit, dans les conditions prévues par le décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985 relatif aux congés annuels des fonctionnaires territoriaux, à un congé annuel dont la durée et les conditions d'attribution sont identiques à celles du congé annuel des fonctionnaires titulaires ; qu'après avoir précisé à son article 1er que l'année de service accompli s'entend de la période courant du 1er janvier au 31 décembre, ledit décret du 26 novembre 1985 dispose en son article 2 que les fonctionnaires qui n'exercent pas leurs fonctions pendant la totalité de la période de référence ont droit à un congé annuel dont la durée est calculée au prorata de la durée des services accomplis ;

Considérant que le maire de Marseille a, par lettre recommandée du 20 janvier 1993, informé Mlle X... que son licenciement interviendrait le 26 mars 1993, le point de départ du préavis étant fixé au 26 janvier 1993 ; que si cette décision a tenu compte du préavis de deux mois auquel Mlle X..., dont la durée de services était supérieure à deux ans, avait droit, elle l'a illégalement privée d'une période de congé rémunéré déterminée en fonction de la durée des services accomplis, laquelle doit tenir compte du préavis ; que cette circonstance, si elle n'est pas de nature à entraîner l'annulation totale de la décision de licenciement, rend celle-ci illégale en tant qu'elle prend effet avant l'expiration du délai de congé rémunéré auquel l'intéressée avait droit ; qu'ainsi, la décision attaquée doit être annulée dans cette mesure ; que le jugement du tribunal administratif de Marseille doit être annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mlle X... dirigées contre la décision du 20 janvier 1993 en tant qu'elle a pris effet avant l'expiration du délai de congé susmentionné ;
Sur les conclusions de Mlle X... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner la ville de Marseille à payer la somme que Mlle X... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 20 mai 1994 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mlle X... dirigées contre la décision du 20 janvier 1993 du maire de Marseille en tant qu'elle a pris effet avant l'expiration du délai de congé rémunéré auquel Mlle X... avait droit.
Article 2 : La décision en date du 20 janvier 1993 du maire de Marseille est annulée en tant qu'elle a pris effet avant l'expiration du délai de congé rémunéré auquel Mlle X... avait droit.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mlle X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mlle Adriana X..., à la ville de Marseille et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 5 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 162013
Date de la décision : 13/10/1997
Type d'affaire : Administrative

Analyses

36-07-01-03 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - STATUTS, DROITS, OBLIGATIONS ET GARANTIES - STATUT GENERAL DES FONCTIONNAIRES DE L'ETAT ET DES COLLECTIVITES LOCALES - DISPOSITIONS STATUTAIRES RELATIVES A LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE (LOI DU 26 JANVIER 1984).


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R102
Décret 85-1250 du 26 novembre 1985 art. 2
Décret 88-145 du 15 février 1988
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 13 oct. 1997, n° 162013
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Lambron
Rapporteur public ?: Mme Hubac

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1997:162013.19971013
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