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20/10/1997 | FRANCE | N°121377

France | France, Conseil d'État, 6 ss, 20 octobre 1997, 121377


Vu 1°, sous le n° 121377, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 novembre 1990 et 29 mars 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE L'AISNE dont le siège social est ... ; la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE L'AISNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 28 juin 1990 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du préfet de l'Aisne en date du 27 novembre 1989 fixant la liste des animaux classés nuisibles dans le départ

ement au titre de l'année 1990 en tant qu'il concerne le pigeon ram...

Vu 1°, sous le n° 121377, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 novembre 1990 et 29 mars 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE L'AISNE dont le siège social est ... ; la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE L'AISNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 28 juin 1990 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du préfet de l'Aisne en date du 27 novembre 1989 fixant la liste des animaux classés nuisibles dans le département au titre de l'année 1990 en tant qu'il concerne le pigeon ramier, la belette, la fouine, la martre, le putois, le raton laveur, le vison d'Amérique, le corbeau freux, la corneille noire et la pie bavarde ;
2°) de rejeter la demande présentée par le Rassemblement des opposants à la chasse devant le tribunal administratif d'Amiens ;
Vu 2°, sous le n° 121510, le recours du MINISTRE DELEGUE A L'ENVIRONNEMENT ET A LA PREVENTION DES RISQUES TECHNOLOGIQUES ET NATURELS MAJEURS, enregistré le 5 décembre 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DELEGUE A L'ENVIRONNEMENT ET A LA PREVENTION DES RISQUES TECHNOLOGIQUES ET NATURELS MAJEURS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 28 juin 1990 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du préfet de l'Aisne en date du 27 novembre 1989 fixant la liste des animaux classés nuisibles dans le département au titre de l'année 1990 en tant qu'il concerne le pigeon ramier, la belette, la fouine, la martre, le putois, le raton laveur, le vison d'Amérique, le corbeau freux, la corneille noire et la pie bavarde ;
2°) de rejeter la demande présentée par le Rassemblement des opposants à la chasse devant le tribunal administratif d'Amiens ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code rural ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'arrêté du 30 septembre 1988 fixant la liste des animaux susceptibles d'être classés nuisibles ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Spitz, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE L'AISNE et de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'union nationale des fédérations départementales de chasseurs ;
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête de la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE L'AISNE et le recours du MINISTRE DELEGUE A L'ENVIRONNEMENT ET A LA PREVENTION DES RISQUES TECHNOLOGIQUES ET NATURELS MAJEURS présentent à juger la même question ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la recevabilité de la requête n° 121377 :
Considérant qu'en vertu des règles générales de la procédure, le droit de former appel des décisions de justice n'est pas ouvert aux personnes qui n'ont pas été en cause dans l'instance sur laquelle a statué la décision qu'elles critiquent ; que si la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE L'AISNE a été avisée de l'audience et a reçu notification du jugement, elle n'a pas, pour autant, été en cause dans le jugement attaqué ; que, dès lors, la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE L'AISNE était sans qualité pour faire appel de ce jugement ; que, par suite, sa requête n'est pas recevable ;
Considérant que, par suite, l'intervention de l'Union nationale des fédérationsdépartementales de chasseurs à l'appui de cette requête n'est pas recevable ;
Sur l'intervention en demande présentée par la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE L'AISNE et l'Union nationale des fédérations départementales de chasseurs à l'appui du recours du MINISTRE DELEGUE AUPRES DU PREMIER MINISTRE CHARGE DE L'ENVIRONNEMENT ET DE LA PREVENTION DES RISQUES TECHNOLOGIQUES ET NATURELS MAJEURS :
Considérant que la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE L'AISNE et l'Union nationale des fédérations départementales de chasseurs ont intérêt à l'annulation du jugement attaqué dans la mesure où les espèces en cause, en détruisant du gibier, contribuent à réduire le potentiel cynégétique ; qu'ainsi leurs interventions sont recevables ;
Sur la légalité de l'arrêté préfectoral :
Considérant qu'en vertu de l'article R. 227-6 du code rural, dans chaque département, le préfet détermine les espèces nuisibles parmi celles figurant sur la liste à l'article R. 227-5 en fonction de la situation locale et pour l'un des motifs suivants :
1°) dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ;
2°) pour prévenir les dommages importants aux activités agricoles, forestières et aquacoles ;
3°) pour la protection de la flore et de la faune ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'au titre d'une année considérée, il peut être légalement procédé au classement parmi les nuisibles d'une espèce animale figurant sur la liste établie par l'arrêté du 30 septembre 1988 susvisé, dès lors que cette espèce est répandue de façon significative dans le département et que, compte tenu des caractéristiques géographiques, économiques et humaines de celui-ci, sa présence est susceptible de porter atteinte aux intérêts protégés par les dispositions précitées ou dès lors qu'il est établi qu'elle est à l'origine d'atteintes significatives à ces intérêts protégés ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le putois, le ratonlaveur, le pigeon ramier et la corneille noire étaient en 1990 répandus dans le département de l'Aisne ; qu'il n'est pas non plus établi qu'ils aient porté une atteinte significative aux intérêts protégés par le code rural et mentionnés par l'arrêté litigieux ;
Considérant que si la martre est effectivement présente, il n'est pas établi que son classement en nuisible soit nécessaire pour la protection de la faune et de la flore ;
Considérant qu'il est constant que le vison d'Amérique n'est pas répandu à l'état sauvage dans le département de l'Aisne ; que le fait, à supposer qu'il soit établi, que des élevages de visons d'Amérique existent dans le département, ne saurait faire présumer qu'un nombre significatif d'animaux ont pu s'en échapper et se reproduire ; qu'ainsi le vison d'Amérique ne pouvait être regardé comme nuisible au sens de l'article R. 227-6 précité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre délégué auprès du Premier ministre chargé de l'environnement et de la prévention des risques technologiques et naturels majeurs n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, letribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du préfet de l'Aisne en date du 27 novembre 1989 en tant qu'il concerne le putois, la martre, le raton laveur, le vison d'Amérique, la corneille noire et le pigeon ramier ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la belette, la fouine, le corbeau freux et la pie sont des espèces répandues dans le département et portent atteinte aux intérêts protégés par le code rural ; que, dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé, pour annuler l'arrêté du préfet de l'Aisne en date du 27 novembre 1989, en tant qu'il a classé ces quatre espèces parmi les animaux nuisibles pour l'année 1990, sur la considération qu'il n'était pas établi que ces espèces pouvaient nuire aux intérêts protégés par le code rural ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le Rassemblement des opposants à la chasse tant en première instance qu'en appel ;
Considérant qu'en l'absence d'étude scientifique, les comptes-rendus de piégeage effectué durant les campagnes précédentes constituent un indicateur fiable pour mesurer l'importance des populations en cause dans le département ; que les réponses issues de l'enquête effectuée par la Fédération départementale des chasseurs de l'Aisne sont attestées par les personnes ayant signalé des dégâts ; qu'ainsi les éléments chiffrés fournis par l'administration permettent d'apprécier la situation locale ;

Considérant que si le Rassemblement des opposants à la chasse soutient que certaines dispositions de l'arrêté du préfet de l'Aisne sont contraires à la directive du conseil du 2 avril 1979 susmentionnée, l'article 9 de cette même directive autorise les Etats-membres à déroger à l'interdiction de chasse des oiseaux sauvages pour notamment prévenir des dommages importants aux cultures, au bétail, aux forêts, aux pêcheries et aux eaux ou pour la protection de la flore et de la faune ; qu'ainsi, l'arrêté attaqué, pris dans le cadre d'une dérogation justifiée par les dommages aux activités agricoles et la nécessité de protéger la faune et la flore a pu, sans méconnaître les objectifs de la directive, classer nuisibles les espèces en litige, bien qu'elles ne sont pas mentionnées à l'annexe II de la directive ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre délégué auprès du Premier ministre chargé de l'environnement et de la prévention des risques technologiques et naturels majeurs est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du préfet de l'Aisne en date du 27 novembre 1989 en tant qu'il concerne la belette, la fouine, le corbeau freux et la pie bavarde ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 susvisée :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE L'AISNE à payer au Rassemblement des opposants à la chasse la somme de 3 000 F ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer au Rassemblement des opposants à la chasse la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE L'AISNE et l'intervention de l'Union nationale des fédérations départementales de chasseurs à l'appui de cette requête sont rejetées.
Article 2 : Les interventions de l'Union nationale des fédérations départementales de chasseurs et de la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE L'AISNE à l'appui du recours du ministre délégué auprès du Premier ministre chargé de l'environnement et de la prévention des risques technologiques et naturels majeurs sont admises.
Article 3 : Le jugement n° 9043-9044-9049 du tribunal administratif d'Amiens en date du 28 juin 1990 est annulé en tant qu'il concerne la belette, la fouine, le corbeau freux et la pie bavarde.
Article 4 : Les conclusions de la demande du Rassemblement des opposants à la chasse devant le tribunal administratif tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Aisne en date du 27 novembre 1989 fixant la liste des animaux classés nuisibles dans le département au titre de l'année 1990 en tant qu'il concerne la belette, la fouine, le corbeau freux et la pie bavarde et le surplus des conclusions du recours du ministre délégué auprès du Premier ministre chargé de l'environnement et de la prévention des risques technologiques et naturels majeurs sont rejetées.
Article 5 : La Fédération départementale des chasseurs de l'Aisne versera au Rassemblement des opposants à la chasse la somme de 3 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 susvisée.
Article 6 : Le surplus des conclusions du mémoire du Rassemblement des opposants à la chasse est rejeté.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE L'AISNE, au Rassemblement des opposants à la chasse, à l'Union nationale des fédérations départementales de chasseurs et au ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

03-08 AGRICULTURE, CHASSE ET PECHE - CHASSE.


Références :

Code rural R227-6, R227-5
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation: CE, 20 oct. 1997, n° 121377
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Spitz
Rapporteur public ?: M. Piveteau

Origine de la décision
Formation : 6 ss
Date de la décision : 20/10/1997
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 121377
Numéro NOR : CETATEXT000007975387 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1997-10-20;121377 ?
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