Vu la requête enregistrée le 10 mai 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Slimane Y... demeurant chez Me X...
... ; M. Y... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 2 février 1995 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire en date du 5 août 1994 l'expulsant du territoire français et, d'autre part, au sursis à exécution de cet arrêté ;
2°) annule pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire en date du 5 août 1994 l'expulsant du territoire français ;
3°) décide qu'il sera sursis à l'exécution de cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée notamment par la loi n° 93-1027 du 24 août 1993 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Spitz, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité externe :
Considérant qu'il ressort du procès-verbal de la réunion de la commission qui a examiné la situation de M. Y... que celle-ci siégeait au titre de l'article 24 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée et conformément aux dispositions de cet article ; qu'ainsi le moyen selon lequel M. Y... aurait été convoqué devant la commission prévue à l'article 18 bis de ladite ordonnance doit être écarté ;
Considérant que le procès-verbal mentionne que la commission siège au titre des articles 24 et suivants de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée et indique les circonstances de fait ayant motivé son avis favorable ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé ;
Sur la légalité interne :
Considérant qu'en vertu de l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : "L'expulsion peut être prononcée : ... b) Lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, par dérogation à l'article 25 ..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y... s'est rendu coupable de recel d'objets volés, de vol avec violence et de coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner pour lesquels il a été condamné au total à 8 années d'emprisonnement ; que compte tenu de la gravité de ces faits, le ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que l'expulsion de l'intéressé constituait une nécessité impérieuse pour la sécurité publique ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ; que, si M. Y... est arrivé en France très jeune et si toute sa famille y réside, la mesure d'expulsion prise à son encontre n'a pas, compte tenu de la gravité des faits qui lui sont reprochés, porté au droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée à ce qui était nécessaire à la défense de l'ordre public ; que, dans ces conditions, elle n'a pas méconnu les dispositions de l'article 8 précité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire en date du 5 août 1994 l'expulsant du territoire français et, d'autre part, au sursis à exécution de cet arrêté ;
Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Slimane Y... et au ministre de l'intérieur.