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29/10/1997 | FRANCE | N°173696

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 29 octobre 1997, 173696


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 17 octobre 1995 et 19 février 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE FROMAGERIE LINCET dont le siège est ..., représentée par son président-directeur général, pour la SOCIETE FROMAGERIE D'EPOISSES, dont le siège social est ..., représentée par son président-directeur général, pour M. Yves X..., demeurant ..., pour la SOCIETE FORSTER S.A.R.L., dont le siège social est à Beire-le-Chatel (21310), représentée par son gérant, pour la SOCIETE FROMAGERIE MAURICE GIRARD

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 17 octobre 1995 et 19 février 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE FROMAGERIE LINCET dont le siège est ..., représentée par son président-directeur général, pour la SOCIETE FROMAGERIE D'EPOISSES, dont le siège social est ..., représentée par son président-directeur général, pour M. Yves X..., demeurant ..., pour la SOCIETE FORSTER S.A.R.L., dont le siège social est à Beire-le-Chatel (21310), représentée par son gérant, pour la SOCIETE FROMAGERIE MAURICE GIRARD, dont le siège social est à La grange des Champs Torcy à Montchanin (71210), représentée par son président-directeur général ; la SOCIETE FROMAGERIE LINCET, la SOCIETE FROMAGERIE D'EPOISSES, M. Yves X..., la SOCIETE FORSTER S.A.R.L., la SOCIETE FROMAGERIE MAURICE GIRARD demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation, en date du 16 août 1995, rejetant leur demande gracieuse tendant au retrait du décret du 14 avril 1995 relatif à l'appellation d'origine contrôlée "Epoisses" publié au Journal Officiel du 22 avril 1995, ainsi que l'annulation de ce décret ;
2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne ;
Vu le code de la consommation ;
Vu le règlement CEE n° 2081/92 du Conseil du 14 juillet 1992 ;
Vu le règlement CEE n° 535-97 du 17 mars 1997 ;
Vu la loi n° 73-1096 du 12 décembre 1973 modifiant la loi n° 55-1533 du 28 novembre 1955 relative aux appellations d'origine des fromages ;
Vu le décret n° 91-388 du 15 avril 1991 portant organisation et fonctionnement de l'Institut national des appellations d'origine ;
Vu le décret du 4 mai 1991 relatif à l'appellation d'origine "Epoisses de Bourgogne" ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Courtial, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la SOCIETE FROMAGERIE LINCET, de la SOCIETE FROMAGERIE D'EPOISSES, de M. Yves X..., de la SOCIETE FORSTER, de la SOCIETE FROMAGERIE GIRARD et de la Société "Fromagerie AFT", et de Me Parmentier, avocat de l'Institut national des appellations d'origine,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Sur les interventions de l'Institut national des appellations d'origine et de la société "Fromagerie AFT" :
Considérant que l'Institut national des appellations d'origine a intérêt au maintien du décret attaqué ; que la société "Fromagerie AFT" a intérêt à l'annulation du décret attaqué ; que, par suite, leurs interventions sont recevables ;
Sur la légalité du décret du 14 avril 1995 relatif à l'appellation d'origine "Epoisses" :
Considérant, d'une part, qu'en vertu du règlement (CEE) du Conseil du 14 juillet 1992 susvisé, entré en vigueur le 24 juillet 1993, un produit agricole doit, pour pouvoir bénéficier d'une appellation d'origine, être enregistré selon la procédure instituée par ce règlement ; qu'aux termes de l'article 6 de ce règlement il appartient à la commission de la communauté de prendre la décision d'enregistrement ; qu'enfin, l'article 17 de ce règlement dispose : "1. Dans un délai de six mois suivant la date d'entrée en vigueur du présent règlement, les Etats membres communiquent à la commission quelles sont, parmi leurs dénominations légalement protégées ou dans les Etats membres où un système de protection n'existe pas, consacrées par l'usage, celles qu'ils désirent faire enregistrer en vertu du présent règlement. 2. La commission enregistre, selon la procédure prévue à l'article 15, les dénominations visées au paragraphe 1 qui sont conformes aux articles 2 et 4. L'article 7 ne s'applique pas. Toutefois, les dénominations génériques ne sont pas enregistrées. 3. Les Etats membres peuvent maintenir la protection nationale des dénominations communiquées conformément au paragraphe 1 jusqu'à la date à laquelle une décision sur l'enregistrement est prise" ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 5 de ce même règlement : " ... 3. La demande d'enregistrement comprend notamment le cahier des charges visé à l'article 4 ; .... 5. L'Etat membre vérifie que la demande est justifiée et la transmet à la Commission, accompagnée du cahier des charges ; ...6. Les Etats membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires au respect du présent article" ; que ces dispositions ont été complétées par celles issues du règlement (CEE) n° 535-97 du Conseil du 17 mars 1997 : "Une protection au sens du présent règlement, au niveau national ainsi que, le cas échéant, une période d'adaptation, ne peuvent être accordées que transitoirement par cet Etat membre à la dénomination ainsi transmise à partir de la date de la transmission ; elles peuvent également être accordées transitoirement, dans les mêmes conditions, dans le cadre d'une demande de modification du cahier des charges" ;

Considérant qu'en application des dispositions de l'article 17 précité du règlement (CEE) n° 2081-92 le gouvernement français a communiqué, parmi les dénominations légalement protégées qu'il désirait faire enregistrer en vertu de ce règlement, l'appellation d'origine "Epoisses de Bourgogne" ; que, le 14 avril 1995 alors que la Commission n'avait pas encore pris sa décision au sujet de son enregistrement, le gouvernement a adopté le décret attaqué modifiant cette dénomination ; que la légalité de ce décret est contestée par la SOCIETE FROMAGERIE LINCET et autres au motif qu'il aurait été pris en méconnaissance des dispositions précitées du règlement (CEE) du Conseil n° 2081 du 14 juillet 1992 ;
Considérant que la réponse à ce moyen dépend de la question de savoir si, après l'entrée en vigueur du règlement communautaire invoqué, les autorités des Etats membres ont conservé une compétence subsidiaire en matière d'appellation d'origine en application notamment des dispositions de l'article 5 de ce règlement soit dans sa rédaction initiale, soit dans sa rédaction complétée par le règlement du 17 mars 1997 auquel serait reconnue une valeur interprétative, voire rétroactive, et, dans l'affirmative, si cette compétence leur permet de modifier la dénomination d'un produit faisant l'objet d'une appellation en cours d'enregistrement ; que ces questions soulèvent une contestation sérieuse ; qu'il y a lieu, par suite, en application des stipulations de l'article 177 du traité du 25 mars 1957, de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée sur cette question préjudicielle ;
Article 1er : L'intervention de l'Institut national des appellations contrôlées et celle de la société "Fromagerie AFT" sont admises.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de la SOCIETE FROMAGERIE LINCET et autres jusqu'à ce que la cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée sur les questions suivantes : 1°/ Après l'entrée en vigueur du règlement du Conseil du 14 juillet 1992et avant l'entrée en vigueur du règlement du 17 mars 1997, les autorités nationales avaient-elles perdu toute compétence en matière d'appellations d'origine ? 2°/ Le paragraphe 2 de l'article 1er du règlement du 17 mars 1997 peut-il être interprété comme donnant rétroactivement compétence aux autorités nationales pour modifier les caractéristiques d'une appellation qui était en cours d'enregistrement communautaire dans le cadre de la procédure de l'article 17 du règlement du 14 juillet 1992 ? 3°/ Dans l'hypothèse où les autorités nationales auraient conservé une compétence subsidiaire, cette compétence leur permettrait-elle de modifier le nom d'une appellation ?
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE FROMAGERIE LINCET, à la SOCIETE FROMAGERIE D'EPOISSES, à M. Yves X..., à la SOCIETE FORSTER S.A.R.L., à la SOCIETE FROMAGERIE MAURICE GIRARD, à l'Institut national des appellations d'origine, à la société "Fromagerie AFT", au président de la Cour de justice des Communautés européennes, au Premier ministre, au ministre des affaires étrangères et au ministre de l'agriculture et de la pêche.


Synthèse
Formation : 3 / 5 ssr
Numéro d'arrêt : 173696
Date de la décision : 29/10/1997
Type d'affaire : Administrative

Analyses

03-05 AGRICULTURE, CHASSE ET PECHE - PRODUITS AGRICOLES.


Références :

Décret 92-2081 du 14 juillet 1992


Publications
Proposition de citation : CE, 29 oct. 1997, n° 173696
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Courtial
Rapporteur public ?: M. Stahl

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1997:173696.19971029
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