Vu la requête enregistrée le 8 décembre 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 20 septembre 1995 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 13 septembre 1995 décidant la reconduite à la frontière de M. El Naassan ;
2°) de rejeter la requête présentée par M. El Naassan devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 règlementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- les conclusions de Mme Hubac, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du PREFET DE POLICE refusant à M. El Naassan le renouvellement de son titre de séjour n'était pas fondée même partiellement, sur la circonstance que l'intéressé aurait à divers titres troublé l'ordre public ; qu'ainsi, c'est en tout état de cause à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris, pour estimer illégale cette décision et annuler, par voie de conséquence l'arrêté de reconduite à la frontière litigieux, a notamment relevé qu'aucune pièce du dossier ne permet de tenir pour établi que M. El Naassan aurait troublé l'ordre public à divers titres ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat en vertu de l'effet dévolutif de l'appel d'examiner l'ensemble des moyens soulevés par M. El Naassan à l'encontre de l'arrêté préfectoral du 13 septembre 1995 ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. El Naassan, d'origine libanaise, a épousé à Paris le 28 septembre 1985 une ressortissante tunisienne avec laquelle il vit en France et dont il a eu trois enfants nés, respectivement, en 1986, 1990 et 1991, qui n'ont jamais quitté le sol national et, pour les deux aînés, étaient scolarisés en France ; que M. El Naassan subvenait par ses salaires aux besoins de la famille ; que, dans ces conditions et alors même que l'épouse de M. El Naassan séjournait en France en situation irrégulière, l'arrêté litigieux ordonnant la reconduite à la frontière de ce dernier a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris ; qu'il a donc été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et encourrait par suite, pour ce motif, l'annulation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 20 septembre 1995, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 13 septembre 1995 ;
Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Mohammad El Naassan, et au ministre de l'intérieur.