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12/11/1997 | FRANCE | N°180983

France | France, Conseil d'État, 4 ss, 12 novembre 1997, 180983


Vu, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 1er juillet 1996, la requête présentée par le PREFET DE LA DROME ; il demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 20 juin 1996 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 14 juin 1996 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Koumbo Y..., de nationalité burkinabé ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mlle Y... devant ledit tribunal administratif ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la conventio

n européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;...

Vu, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 1er juillet 1996, la requête présentée par le PREFET DE LA DROME ; il demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 20 juin 1996 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 14 juin 1996 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Koumbo Y..., de nationalité burkinabé ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mlle Y... devant ledit tribunal administratif ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Desrameaux, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Roger, avocat de Mlle Kumbo Y...,
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 22.I de l'ordonnance de 1945 : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants ... 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification ou du retrait" ;
Considérant que Mlle Y..., ressortissante burkinabé, entrée en 1989 en France, a demandé à sa majorité, le 30 mars 1995, la délivrance d'une carte de séjour temporaire ; que celle-ci lui a été refusée, par décision notifiée le 2 janvier 1996 ; que l'intéressée étant demeurée sur le territoire plus d'un mois après cette date, le PREFET DE LA DROME pouvait légalement, par arrêté du 14 juin 1996, ordonner qu'elle soit reconduite à la frontière ;
Considérant que, Mlle Y... fait valoir que, durant son séjour en France, elle a vécu auprès de son frère, de nationalité française, à qui un acte d'un juge burkinabé avait confié la garde de sa soeur et qu'un juge pour enfants a décidé de la placer chez son frère, jusqu'au 31 décembre 1994 ; que, toutefois compte tenu des circonstances de l'espèce et notamment eu égard aux attaches familiales que l'intéressée avait conservées dans son pays d'origine dans lequel, d'ailleurs, elle est régulièrement retournée, l'arrêté préfectoral du 14 juin 1996 n'a pas porté au droit de Mlle Y... au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que le PREFET DE LA DROME est fondé à soutenir que c'est à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler l'arrêté ;
Considérant toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mlle Y... devant le tribunal administratif de Grenoble ;
Sur l'exception d'illégalité tirée du refus de délivrance d'un titre de séjour :

Considérant que si la convention franco-voltaïque du 30 mai 1970, en vigueur à la date d'entrée en France de Mlle Y..., ne comportait pas, pour les ressortissants du Burkina-Faso entrant sur le territoire, d'obligation du visa, cette convention a été suspendue surce point à compter du 16 septembre 1986 ; qu'étaient ainsi applicables à l'intéressée, qui n'était pas au nombre des mineurs mentionnés à l'article 5-1 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, les dispositions des articles 5 et 13 du même texte et de l'article 7 du décret du 30 juin 1946 qui exigent de l'étranger, lorsqu'il sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire, la production d'un visa d'une durée supérieure à trois mois ; qu'il est constant que le visa délivré à Ouagadougou le 11 août 1989 à Mlle Y... pour entrer en France était d'une durée inférieure à trois mois et que l'intéressée n'a produit aucun autre document consulaire français ; que, par suite, le préfet a pu légalement refuser à l'intéressée la carte de séjour temporaire qu'elle avait sollicitée ;
Sur l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant, d'une part, que si l'ampliation de l'arrêté remise à Mlle Y... comportait la signature de l'adjoint du chef du bureau des étrangers de la préfecture, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté a été signé par Mme Marie-France X..., secrétaire général, ayant reçu du préfet délégation à cet effet ; qu'ainsi le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 14 juin 1996 doit être écarté ;
Considérant, d'autre part, que la circonstance que l'intervention de l'arrêté ait pour effet d'interrompre la formation professionnelle que Mlle Y... a entreprise ne permet pas de regarder l'appréciation que le préfet a faite des conséquences de la mesure sur la vie personnelle de l'intéressée comme entachée d'erreur manifeste ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA DROME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal aministratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 14 juin 1996 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Y... ;
Article 1er : Le jugement du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble en date du 20 juin 1996 est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Grenoble par Mlle Y... est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA DROME, à Mlle Y... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 4 ss
Numéro d'arrêt : 180983
Date de la décision : 12/11/1997
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Décret 46-1574 du 30 juin 1946 art. 7
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 5, art. 13, art. 22


Publications
Proposition de citation : CE, 12 nov. 1997, n° 180983
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Desrameaux
Rapporteur public ?: Mme Roul

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1997:180983.19971112
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