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14/11/1997 | FRANCE | N°178794;178837

France | France, Conseil d'État, 7 /10 ssr, 14 novembre 1997, 178794 et 178837


Vu 1°) sous le n° 178 794, la requête enregistrée le 12 mars 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Bernard X... demeurant ... ; M. X... demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 96-28 du 11 janvier 1996 relatif à l'exercice d'activités privées par des militaires placés dans certaines positions statutaires ou ayant cessé définitivement leurs fonctions ;
Vu, 2°) sous le n° 178 837 la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 14 mars 1996 et 5 juillet 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat,

présentés pour la confédération amicale des ingénieurs de l'armement (CA...

Vu 1°) sous le n° 178 794, la requête enregistrée le 12 mars 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Bernard X... demeurant ... ; M. X... demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 96-28 du 11 janvier 1996 relatif à l'exercice d'activités privées par des militaires placés dans certaines positions statutaires ou ayant cessé définitivement leurs fonctions ;
Vu, 2°) sous le n° 178 837 la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 14 mars 1996 et 5 juillet 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la confédération amicale des ingénieurs de l'armement (CAIA) et la confédération amicale des ingénieurs des études et techniques d'armement (CAIETA), dont les sièges respectifs se trouvent au ... et au ... ; la confédération amicale des ingénieurs de l'armement (CAIA) et la confédération amicale des ingénieurs des études et techniques d'armement (CAIETA) demandent l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 96-28 du 11 janvier 1996 relatif à l'exercice d'activités privées par des militaires placés dans certaines positions statutaires ou ayant cessé définitivement leurs fonctions et la condamnation de l'Etat au paiement d'une somme de 15 000 F à chacune d'entre elles au titre des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la Constitution, notamment son article 34 ;
Vu le code pénal, notamment son article 432-13 ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Lagumina, Auditeur,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la confédération amicale des ingénieurs de l'armement et de la confédération amicale des ingénieurs des études et techniques d'armement,
- les conclusions de Mme Bergeal, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées tendent à l'annulation du même décret ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de la défense :
Sur le moyen tiré de la violation de l'article 34 de la Constitution :
Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, "la loi fixe les règles concernant ... les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'Etat" ;
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 35 de la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires : "Conformément aux dispositions du code pénal, les militaires de carrière ne peuvent avoir par eux-mêmes ou par personne interposée, sous quelque forme que ce soit, tant qu'ils sont en activité et pendant un délai de cinq ans à compter de la cessation des fonctions, dans les entreprises soumises à leur surveillance ou à leur contrôle, des intérêts de nature à compromettre leur indépendance" ; que l'article 107 de la même loi dispose : "Des décrets en Conseil d'Etat déterminent les modalités d'application de la présente loi (...)" ;
Considérant qu'en imposant, par l'article premier du décret attaqué, uneobligation de déclaration préalable à certains militaires et anciens militaires se proposant d'exercer une activité privée lucrative, en fonction de leur corps, de leurs grades ou de leurs fonctions ainsi qu'en créant par son article 3, une commission consultative chargée de donner un avis sur la compatibilité des fonctions qu'ils occupent ou ont occupé avec l'activité privée envisagée, les auteurs du décret attaqué n'ont fait qu'instituer une procédure destinée à mettre en oeuvre la règle fixée par les dispositions de l'article 35 de la loi précitée, conformément à l'habilitation donnée par l'article 107 du même texte ; qu'ils n'ont ni excédé les limites de cette habilitation, ni dénaturé la portée des dispositions législatives qu'ils devaient appliquer, ni porté atteinte aux garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'Etat ;
Considérant que le décret attaqué n'institue pas un régime d'autorisation d'exercice d'activités privées ; qu'ainsi, en tout état de cause, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le principe de la liberté du travail aurait été méconnu ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les auteurs du décret attaqué ont violé l'article 34 de la Constitution ;
Sur les moyens tirés de l'illégalité de la substitution d'une procédure de déclaration préalable à une procédure répressive :
Considérant que contrairement à ce que soutient M. X..., le décret attaqué ne supprime pas la responsabilité personnelle du militaire au regard de la loi pénale, pour y substituer la responsabilité d'une commission administrative, celle-ci se bornant à délivrer au ministre de la défense un avis sur les situations particulières qui lui sont soumises ;

Considérant que les requérants n'apportent aucun élément à l'appui du moyen tiré de ce que le décret attaqué violerait le code pénal et le code de procédure pénale ;
Sur le moyen tiré de la violation du principe d'égalité :
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article premier du décret attaqué que sont tenus d'informer l'administration militaire de la nature de l'activité privée lucrative qu'ils se proposent d'exercer certains militaires à raison de leur grade, de leurs corps, ou de leurs fonctions ; que la différence de régime auxquels sont soumis les militaires appartenant aux catégories énumérées au troisième alinéa du premier paragraphe de l'article premier du décret attaqué est motivée par les conditions différentes dans lesquelles les intéressés exercent leur activité au sein de l'administration militaire, en y étant chargés notamment de la négociation, de la passation, ou du contrôle des marchés ; que, dès lors, la circonstance que des militaires du même corps et du même grade ne soient pas soumis aux mêmes obligations ne saurait être regardée comme une violation du principe d'égalité ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à la confédération amicale des ingénieurs de l'armement et à la confédération amicale des ingénieurs et des études et techniques de l'armement les sommes qu'elles demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 en condamnant la confédération amicale des ingénieurs de l'armement, la confédération amicale des ingénieurs et des études et techniques de l'armement et M. Bernard X... à payer à l'Etat les frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les requêtes de la confédération amicale des ingénieurs de l'armement, de la confédération amicale des ingénieurs des études et techniques d'armement et de M. Bernard X... sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions du ministre de la défense tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la confédération amicale des ingénieurs de l'armement, à la confédération amicale des ingénieurs des études et techniques d'armement, à M. Bernard X..., au Premier ministre et au ministre de la défense.


Synthèse
Formation : 7 /10 ssr
Numéro d'arrêt : 178794;178837
Date de la décision : 14/11/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA REGLE DE DROIT - LOI - ABSENCE DE VIOLATION - Loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires - Exercice d'une activité privée lucrative postérieurement à la cessation provisoire ou définitives des fonctions - Déclaration préalable à l'administration militaire - Création d'une commission consultative - Légalité.

01-04-02-01, 08-01-01-07 En imposant, par l'article 1er du décret du 11 janvier 1996, une obligation de déclaration préalable à certains militaires et anciens militaires se proposant d'exercer une activité privée lucrative, en fonction de leur corps, de leur grade ou de leurs fonctions ainsi qu'en créant, par son article 3, une commission consultative chargée de donner un avis sur la compatibilité des fonctions qu'ils occupent ou ont occupées avec l'activité envisagée, les auteurs du décret attaqué n'ont fait qu'instituer une procédure destinée à mettre en oeuvre la règle fixée par l'article 35 de la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires, conformément à l'habilitation donnée par l'article 107 du même texte.

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA REGLE DE DROIT - PRINCIPES GENERAUX DU DROIT - EGALITE DEVANT LE SERVICE PUBLIC - EGALITE DE TRAITEMENT DES AGENTS PUBLICS - Violation - Absence - Personnel militaire - Exercice d'une activité privée lucrative postérieurement à la cessation provisoire ou définitives des fonctions - Régimes différents.

01-04-03-03-02 S'il résulte de l'article 1er du décret du 11 janvier 1996 que certains militaires, à raison de leur corps, de leur grade ou de leurs fonctions, sont tenus d'informer l'administration militaire de la nature de l'activité privée lucrative qu'ils se proposent d'exercer, cette différence de régime est motivée par les conditions différentes dans lesquelles les intéressés exercent ou ont exercé leur activité au sein de l'administration militaire, en y étant chargés notamment de la négociation, de la passation ou du contrôle des marchés. Dès lors, la circonstance que des militaires du même corps et du même grade ne soient pas soumis au mêmes obligations ne saurait être regardée comme une violation du principe d'égalité.

ARMEES - PERSONNELS DES ARMEES - QUESTIONS COMMUNES A L'ENSEMBLE DES PERSONNELS MILITAIRES - CESSATION DES FONCTIONS - Exercice d'une activité privée lucrative postérieurement à la cessation provisoire ou définitives des fonctions - Conditions - A) Déclaration préalable à l'administration - Création d'une commission consultative - Légalité - B) Violation du principe d'égalité - Absence.


Références :

Constitution du 04 octobre 1958 art. 34
Décret 96-28 du 11 janvier 1996 art. 3
Loi 72-662 du 13 juillet 1972 art. 35, art. 107
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 14 nov. 1997, n° 178794;178837
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vught
Rapporteur ?: Mlle Lagumina
Rapporteur public ?: Mme Bergeal
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1997:178794.19971114
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